Le pacte du sang

Le 30/11/2009

Dans la rue passante, les néons trouent l’obscurité et la pluie de leurs couleurs criardes. Je déambule depuis déjà une heure, jaugeant les groupes qui défilent. Trop nombreux, trop futiles, pas assez beaux... Des filles défilent en bandes, le temps pour moi d’imaginer mon corps pressé contre les leurs.... Tentation qui s’efface avec leur sortie de mon champ de vision.

Je réprime une moue de dégoût devant un duo de jeunes hommes titubants, déjà avilis par l’ébriété... « Eeeeeh la fille ! Toi, là. Viens t’amuser... Olà. » L’un d’eux trébuche, entraînant son compagnon dans le caniveau où ils achèvent de se tremper jusqu’aux os.

C’est en relevant les yeux que je le vois, de l’autre côté de la rue. Adossé à un rideau de fer, il ne bouge pas, m’observe, semble-t-il. Détaille peut-être ma tenue fétiche : bottes en daim montant au genou, résilles noires sur fond rouge, robe de velours zippée jusqu’à mon décolleté généreux, seins diaphanes, gilet long au crochet, transparent comme le filet de la princesse, cheveux longs libres, coulant dans le dos... une mèche mutine logée entre mes seins. Noir, cuir, clous autour du cou... Un anneau dans mon collier invite ceux qui se reconnaissent.

Son regard semble rivé à mon cou, j’en frissonne déjà.

Mains ouvertes le long des cuisses, je m’adosse au mur de mon côté de la rue, plante mon regard dans le sien. Il croise les bras, attend une minute, tandis que je rejette ma chevelure en arrière, gorge offerte. « Allons, viens... ».

Puis il se décide. Rien d’extraordinaire chez lui, brun, taille moyenne, mais ses mains, lorsqu’elles se tendent vers les miennes, sont des mains fortes, habituées à manipuler, à dompter, à créer. Son regard vrillé dans le mien me pénètre et me laisse impuissante. Je parviens tout de même, au bout d’une éternité à souffler : « Viens... » Il ne pose pas de question, la porte dans mon dos s’efface, nous engloutit tous les deux.

Dans l’immeuble médiéval, au couloir étroit et obscur, mes mains trouvent le chemin ; je nous mène à notre repaire, mon Maître attend sa proie. Il doit s’impatienter, mais j’ai envie de goûter à ce jeune homme dont les mains à présent prennent mes hanches et dont le souffle chaud se répand sur mon épaule...

Tout contre la porte, je stoppe net, dans l’obscurité le jeune homme bute contre moi. Ma main trouve sa joue, effleure ses lèvres. Sa bouche fine est douce, comme celle d’une fille. Je me lèche les babines, mais retiens mon élan. Ma langue pointe de ma bouche et rencontre ses lèvres, les délaisse pour chercher son oreille que je mordille. Immobile, il attend. Sa main descend juste le long de ma jupe pour se poser sur ma cuisse.

Sa respiration, régulière, rythme mon exploration. Mes mains épousent son torse étroit mais musclé, puis s’égarent sur ses fesses dures... Se faufilent sous le t-shirt, parcourent à tâtons cette peau tendre et douce, appétissante...

Il se prête à mon jeu, je m’enhardis donc et descends accroupie pour humer sa peau, dégrafer son pantalon. Mes ongles griffent ses fesses, provoquant un soupir d’aise... Soit, je continue. Mordille la peau de son ventre, enfouis mon nez dans sa toison, extrais son sexe qui s’offre déjà.

De mes mains, ma langue, mes joues, je le parcours entier, allant venant, provoquant, tandis qu’au tréfonds de ma chair endormie, la faim se fait sentir...

« Juste un peu... » Je me redresse, fourmillante de désir, et perce la chair tendre de son bras, là où la veine affleure...

Il sursaute à peine, soupire, passe une main dans mes cheveux, tandis que son sang circule dans mes artères en bouillonnant. J’ai toutes les peines du monde à m’arracher à sa chair, tandis qu’il prend ma taille et me pousse contre le mur nu.

D’un geste lent à l’extrême, il descend la fermeture de ma robe. Figée, brûlante du sang neuf, je savoure le goût métallique tandis qu’il écarte doucement mais fermement mes genoux. Je prends appui et attends, offerte. Ses mains rudes mais douces font vibrer ma peau tiédie, puis maintiennent mes hanches alors que sa langue effleure l’intérieur de mes cuisses. Surprise, j’éprouve sa morsure, puis l’humidité de sa langue sur ma peau puis qui me pénètre... Il éveille en moi des sensations anciennes, et je m’abandonne à la caresse, oubliant presque ma mission...

Sursautant, je réalise que mon Maître va être courroucé : je tarde, et en plus je joue avec son repas ! Surmontant mon envie, je me force à l’arracher à mon intimité pour l’attirer toujours plus loin, de l’autre côté de la porte...

Le jeune homme se laisse faire, intrigué peut-être, suicidaire ?

Dans l’appartement voûté, mon Maître attend, nonchalamment installé dans son fauteuil fétiche, son verre de vin posé sur le guéridon proche. Il lit un des volumes de sa bibliothèque familiale dont les rescapés nous suivent dans nos déménagements.

En fond discret, des chœurs nostalgiques recréent l’ambiance de sa jeunesse, déjà ancienne quand ma route a croisé la sienne, il y a une éternité.

La situation peut sembler grotesque, moi, robe ouverte sur ma nudité, lui, pantalon ouvert, et pourtant, mon Maître esquisse un sourire bienveillant, amusé.

« Coquine, gourmande, que m’as-tu donc ramené ? » Il se lève. Le jeune homme qui n’a toujours pas prononcé un mot cherche mon regard, puis plante résolument le sien dans celui de mon Maître. « Elle m’a appelé. Je devais lui répondre, ne trouvez-vous pas ? ».

« En effet. Votre courtoisie vous honore, jeune invité. Mais poursuivez, je vous en prie. » Se tournant à demi, mon Maître désigne le lit couvert de velours rouge derrière le fauteuil.

« Je veux qu’il jouisse de tous tes charmes, ma chère. »

Comment pourrais-je rougir, moi qui ignore depuis longtemps ces émotions ? Flattée, je mène mon partenaire sur le lit où j’achève de le déshabiller, à genoux face à lui. Pendant ce temps, ses mains poursuivent l’exploration de ma peau, retrouvent le chemin initialement parcouru.

Il écarte définitivement ma robe, me laissant entièrement offerte à sa langue fureteuse qui parcourt ma peau, s’empare de ma bouche, joue avec ma langue et mes lèvres... Couchée sur le dos, regardant mon Maître à la dérobée, je laisse l’invité se délecter des chairs intimes, frissonnant au gré des vagues de chaleur qui agitent son sang dans mes veines. Ses doigts trouvent la voie vers mon intérieur, et je perds pied. Mes yeux se ferment, je suis sensation uniquement, jusqu’à l’aboutissement, ma peau parcourue de cette peau sèche et si douce...

Je devine plus que je ne vois le sourire de mon Maître en entendant mes propres soupirs et gémissements, ma langue humecte mes lèvres... faim... encore... Après un violent spasme de jouissance, je reprends difficilement mon souffle, mon cœur affolé fait battre le sang à mes oreilles.

Comme une bête sauvage, je bondis sur l’homme, le plaque au velours du couvre-lit, et le domine de tout mon corps... j’ouvre ma bouche, avide, mais il sourit, son regard direct me perce instantanément.

« Fuis », me dis-je, « fuis avant d’être dévorée ! » Mais ses mains enserrent ma taille et me guident sur lui ! Transpercée, pénétrée, je hurle de joie, abandonnant à nouveau ma volonté...

« Maître ! » A ces mots, mon Maître s’approche du lit, et caresse mon dos tandis que le jeune invité imprime sa cadence à mon corps en fusion.

« Tu le veux, celui-ci, ma chère ? »

« Oui ! Oui ! » crié-je, ignorant le sens de sa question. Les dents de mon Maître se plantent en moi, absorbant un peu de la vie que j’ai volée.

Se plaçant derrière moi, il me pénètre à son tour, entourant mon torse de ses bras fins. J’entrevois vaguement sa chair rosie par la chaleur dérobée.

Nous ondulons à présent tous trois, je me dilue dans la sensation, désincarnée et palpitante à la fois... Point de sueur ne perle à nos chairs, hormis celle du complice de cet instant...

Enfin, un cri de bête échappe de nos trois bouches, secouant nos corps d’un même orgasme.

Nous basculons ensemble sur le côté, souffles unis et coordonnés... Puis la discordance s’installe, tandis que je sombre dans le sommeil, j’entrevois mon Maître qui se penche sur le corps de notre proie...

Cela devait finir ainsi. Je plonge dans les ténèbres, une main vaguement tendue vers eux, regrettant déjà de ne pouvoir revivre ces instants, essayant d’oublier...".

[gris]Aniscanelle[/gris]

Commentaires (2)

  • Anonyme

    c’est chaud

  • sjFkzyKNSDk

    That’s a wise answer to a tricky queitosn