Shabat Slalom
Le 30/11/2009
Jeudi, je t’ai invité à m’accompagner à une vente privée de vêtements de luxe bradés au profit du Sidaction, située Passage du Désir. Comme j’avais envie que tu me vois habillée ainsi, je portais un short noir, des collants couleur chair, des bottes en daim gris avec deux sangles marron clair et le reste, pull et manteau étaient noirs. Allure décontractée et attirante. Il y avait d’autres filles bien plus jolies que moi à cette Grande Braderie de la Mode, tu les as regardées, évidemment, mais mes jambes ont bien dû te plaire quelques secondes. Précieuses. Chacun est reparti de son côté après cette soirée.
Et vendredi soir, tu es venu chez moi, vers 22 heures. Pendant Shabat. Shabat que j’observe. « Vous observerez surtout mes Shabats ; car c’est un signe entre moi et vous suivant vos générations pour savoir que moi, l’Eternel, je vous sanctifie. »
J’avais déjà dîné, débarrassé la table, fait la vaisselle, brossé mes dents et j’étais en pyjama, au lit, sous mes couvertures, avec un livre, profitant de cette douce quiétude du vendredi soir. Tu as frappé à ma porte. Je suis sortie de mon lit, ai fait les pointes pour regarder dans le Judas de la porte et ouvert, surprise, agréablement surprise, la gorge sèche, l’estomac noué. Beau. Les traits de Jeff Buckley, le sourire en mieux. La nonchalance d’un fauve. Toujours cette capacité insensée à allumer ma fabrique à désirs, sans rien faire, comme la première fois où je t’avais rencontré dans ton bureau épuré, pour retirer un document administratif. La première chose que j’avais eu plaisir à observer, ce furent tes avant-bras, avec des veines proéminentes qui, dans mon imagination, ne demandaient qu’à être parcourues du bout des doigts, délicatement.
Et là, tu étais là, à ma porte. Je t’ai laissé entrer. Tu ne respectes pas le Shabat, toi, tu n’es pas juif.
« Tu ne donneras pas ta fille à leur fils et tu ne prendras pas leur fille pour ton fils, car ils rendraient un culte à d’autres dieux. »
Je n’ai pas le droit de t’approcher. Et pourtant, je te laisse rentrer chez moi, ce soir, ce soir saint, à la lueur de la veilleuse de Shabat, sous le regard de Dieu. Parce que j’en crève d’envie. J’en crève d’envie. C’est insensé comme j’en crève d’envie. Envie de te sentir, ton odeur, d’embrasser ton cou, tes lèvres, de sentir ta chaleur, la douceur de ta peau, de caresser ton dos, de déboutonner lentement ta chemise, d’agripper ta nuque, de passer ma main dans tes cheveux, de t’embrasser en tenant ta joue, de glisser entre mes lèvres le lobe duveteux de ton oreille, de passer la paume de mes mains sur tes hanches, de te serrer fort, toi, contre moi. Et je n’ai pas le droit. Combien de fois l’ai-je imaginé ? Bien plus que des acrobaties pornographiques, ce sont ses gestes-là qui me réchauffent, m’emportent, me transportent, m’amènent tout près d’un état de jouissance délicieuse.
« Pardonne aussi nos péchés de l’imagination. »
Et là, tu es là. Tu me dis bonsoir, me fais une bise pour normaliser la situation. Alors que tu t’assois sur le rebord du lit, moi, debout, je te propose à boire pour normaliser la situation, normal : « De l’eau, du coca, du jus d’orange, moi ? ». Avant que je ne me dirige vers le frigidaire, tu dis « toi » et m’attrapes la main pour me tirer délicatement vers toi. Je me retrouve face à toi, assise sur tes cuisses. Je ne peux m’empêcher de cambrer mes reins. Je peux respirer ton souffle, tu n’as pas bu, tu es dans ton état normal, tu n’es pas venu jusqu’ici sous l’emprise de l’alcool, mais de ton propre chef, en toute conscience, pour moi. Tes mains s’aventurent sous mon débardeur, sur mes hanches. J’embrasse ta nuque, ton cou. Pour de vrai. Lentement. Il me faut du temps. Je peux enfin sentir ton parfum, le mélange créé par l’odeur de ta peau et celle du jus que je t’ai offert. C’est enivrant. Mieux que l’odeur de gel douche, plus excitant, plus obsédant, plus entêtant. Je sens entre mes jambes, mes battements et les tiens, de plus en plus intenses. Mes reins décrivent une oscillation lente, imperceptible, inconsciente. Tu caresses le haut de mon dos, embrasses mon cou, me dis : « Tu sens bon. »
Tu sors une main de sous mes vêtements et commences à déboutonner le haut de mon pyjama, gardant une main sur ma hanche, pour mieux sentir et guider mes mouvements. Je déboutonne alors à mon tour, progressivement, ta chemise bleu clair, jusqu’au dernier bouton et je peux alors découvrir ton torse, tes épaules, ta peau dénudés. Je fais alors glisser la chemise de mon pyjama et j’enlève alors mon débardeur. A égalité. Quel plaisir alors de coller ma peau contre la tienne. La pointe de mes seins sur ta peau. Je me serre contre toi pour m’en envelopper, pour aspirer ta chaleur, me l’approprier. Je sais que cet instant ne durera pas, alors je veux me l’imprimer, sur moi. Tu m’écartes avec délicatesse, poses la paume de ta main sur mon cou, puissance et douceur à l’état brut, m’embrasses sur la bouche, je goûte tes lèvres, ta langue. Ta main passe entre mes seins, descend sur mon ventre, remonte pour effleurer chacune des pointes de mes seins. Et puis, par un mouvement dont j’ignore les détails, mais digne des meilleurs judokas, tu nous allonges sur le lit. Je suis sur le dos, tu es sur moi. A travers mon pantalon de pyjama, je sens entre mes jambes, calé, ton sexe sous ton jean. J’aime l’idée que ce soit moi qui te provoque cela, cette excitation, et pas une autre. Cela flatte mon ego, cela me flatte, cela me satisfait, cela m’excite, cela me réjouit. Je te cherche alors mieux entre mes jambes et laisse mes reins trouver le rythme qui me satisfera et te satisfera. Je te regarde dans les yeux, trouve ta nuque et embrasse tes lèvres, sans cesser mes mouvements mêlés aux tiens, dans une cadence inconsciemment synchrone, méthodique et progressive. Par un léger mouvement, je signifie que j’ai envie de changer de sens ; tu le perçois. Me voilà sur toi. Silence. Apaisement. Tes mains restent sur mes hanches. Immobiles. Je dépose de petits baisers sur ton visage, tes paupières, caresse tes cils, tes sourcils, mes petits baisers descendent le long de ton cou, et suivent un chemin ininterrompu d’une épaule à l’autre, descendent la ligne qui mène au nombril, je caresse tes hanches, reviens embrasser tes lèvres, ma main caresse encore tes hanches, effleure le premier bouton de ta braguette, revient sur ta hanche droite, tente avec succès, et sans regarder, la libération du premier bouton. Je sens ton « Mmm », dans mon baiser.
Tu me laisses faire, ne bouges plus. Ne pas me brusquer. Je libère un à un les boutons alignés, avec délicatesse, le moindre mouvement brusque aurait gâché cet instant suspendu et trahi ma peur. Je sens alors la douce chaleur du tissu en coton noir de tes dessous. Et le volume de ton excitation. Je fais glisser ton pantalon hors du lit, sur le sol. Tu te laisses faire. Ne bouges pas. Retiens toute pulsion animale. Je craignais ton hypersexualité, et je découvre ton contrôle total, à l’écoute, respectueux de mes gestes, de mon rythme, de mes gènes, de mes désirs, de ma recherche de plaisir, respectueux de mon côté « vierge ». Je reviens contre toi, rabats les couvertures sur nous, embrasse tes lèvres, ôte mon pantalon et m’installe sur toi. Allongée, cambrée, le serpent qui danse de Baudelaire. Ton sexe recouvert de noir contre mon sexe recouvert de noir. Je me cambre, oscille, mes seins contre ta peau, je cherche mon plaisir, avant tout, égoïstement, concentrée sur chacun de mes coups de reins ; je sens ton sexe gonfler et cela m’envahit, mon rythme change, une chaleur se propage, et je sens ces contractions qui me réjouissent, me tirent un « Mmmh » de plaisir, de bonheur, accentué par ton plaisir à toi, que je sens, violent, libérateur, reconnaissant, tes mains pressant mes fesses. J’embrasse ta bouche, comme pour attraper ton plaisir. Et je te serre fort.
Nous dormons, côte à côte. Sans un mot.
Dans la nuit, je me lève, pour ajouter de l’eau dans la casserole restée sur la plaque électrique allumée, pour Shabat. Je suis en culotte. J’enfile ta chemise bleu clair. Et je sens le parfum du tissu, ton parfum. Et toi, tu es là, allongé dans mon lit, sur le ventre. A la seule lueur de la veilleuse de Shabat, je peux voir les reliefs formés par ton dos, tes épaules, tes fesses. Finesse et fermeté, délicatesse sculpturale de tes muscles. Je reviens dans le lit. Accoudée, je caresse ton dos. Je pars du bas et remonte sur ta nuque pour perdre ma main dans tes cheveux doux et fins. Tu t’éveilles, « Mmm, tu as mis ma chemise… ». Je souris. Je m’allonge sur le ventre avec une vague envie de dormir. Tu t’approches de moi, accoudé, caresses mon dos, sous ta chemise, me bascules délicatement pour plaquer ton sexe couvert contre mes fesses couvertes. Je m’étire, me cambre, réceptive à tes mouvements, à tes oscillations ; je tourne la tête pour t’embrasser. Ta main droite tient ma hanche, puis remonte et s’installe entre mes seins. Excitée par cette proximité, ce rapprochement, l’odeur de ta chemise, ta chaleur, tout en conservant cette position, je cherche et baisse délicatement de la main ton sous-vêtement et viens chercher ton sexe pour l’installer entre mes cuisses, contre ma culotte. Chaleur délicieuse, douceur animale. Tu te permets alors seulement d’effleurer du bout des doigts, mon sexe. Et te retiens d’aller plus loin.
« L’homme abandonne son père et sa mère, il s’unit à sa femme et ils deviennent une chair. » (Genèse 2, 24) L’union est la condition sine qua non pour devenir une seule chair. Sans union, point de sexualité. L’une ne va pas sans l’autre, l’une n’est pas permise sans l’autre.
Alors que tu m’embrasses avec plus d’intensité, j’ose caresser ton sexe, dans ma main, contre le mien recouvert. Tu me mordilles la lèvre de plaisir. Mon orgasme est moins intense, mais ton plaisir grandiose suffit à me combler.
Nous nous endormons, toi en sous-vêtement et moi avec ma culotte et ta chemise, blottis sous les couvertures.
Lorsque le matin vient, au réveil, tu me dis juste : « ça va ? ». Je réponds : « ça va. » Silence. Tu me regardes. « Je dois aller à la synagogue. », dis-je. « Ok. Tu veux que je parte ? » « Oui, je préfère. ». Tu te lèves, t’habilles, je te rends ta chemise, tu souris, mets tes chaussures. Je te regarde, décoiffé, mais le visage heureux, serein. Je mets une couverture sur mes épaules pour couvrir ma nudité. Nous nous dirigeons vers la porte d’entrée. Tu te penches vers moi, m’embrasses et me dis « merci. » Tu sors. Te retournes une dernière fois, dis « A bientôt ? ». Je réponds « A bientôt. » Tu souris, hésites et dis « Ben, bon shabat. » J’acquiesce d’un hochement de tête satisfait. Tu pars. Je ferme la porte, fais le lit, et respire ton coussin.
Les minutes, les heures, les jours qui suivent, je me remémore ce « Shabat slalom ». Le convoquant souvent pour m’en envelopper chaque fois que nécessaire. Une vraie prouesse d’avoir réussi à prendre un chemin satisfaisant avec tous ces obstacles, à concilier autant d’antagonismes : respecter au mieux les commandements de Dieu, ne pas trop Le contrarier, éviter ainsi toute culpabilité dévorante, m’arranger honnêtement avec ma conscience, surmonter mes peurs, garder une certaine maîtrise, et en même temps, laisser de la place à l’abandon, satisfaire mon désir, canaliser le tien, prendre du plaisir et t’en donner.
[gris]Ingrid[/gris]
Commentaires (8)
De la tendresse et le sens du détail.
Magnifique récit... Félicitations !!!
Merci pour les compliments ! Ingrid.
Le récit est très beau, mais la religion (quelle qu’elle soit) gâche tout !
Pour moi, elle n’est qu’une perversion de l’esprit humain.
Très joli texte. Plein de sensualité... Mais... Un drôle d’arrangement avec sa conscience tout de même !
I’m not easily imrepssed. . . but that’s impressing me ! :)
un beau texte, mais je ne vois pas ce que vient faire le shabbat dans ce scénario.Et pourquoi pas la veillée pascale ou bien la fête de l’Aïd ?
Il lui faut relire la Torah, car faire l’amour n’est pas interdit pendant Shabbat, c’est même… recommandé !! (bon, j’imagine que cela suppose d’être marié)