Butins et cætera - chapitre 9
Le 30/07/2009
Dextres paluches
Que fait-on aujourd’hui ?
Je n’sais trop. Montrez-moi le catalogue.
Les coupes automne-hiver ?
Le dernier !
Mic aimait avoir un minou tondu mode, et n’était pas chiche en expériences. Les dernières collections honoraient les founes rases. La tendance lui allait.
Oh ! fit Mic.
Un sexe en érection, un bon (à la louche) vingt-six centimètres, intercalé, brossé turquoise à l’Iroquoise, rompait la monotonie de touffes peignées de frais à la queue leu leu.
Étoile des Indes ! Gris-bleu de Wittelsbach ! Belle et irrépressible invitation à la fellation !
Oui, vous avez vu ! J’étais pas plus d’ac’ que ça pour l’insérer. Une astuce commerciale, un coup marketing, paraît-il ! En fait, j’avoue qu’on ne m’a pas vraiment demandé mon avis. J’comprendrais qu’ça en turlupine plus d’une. Moi, l’exception m’effraie. Je goûte peu à l’équeutage de tels engins hors normes. Les haut-le-cœur me grimpent en bouche. Je revendique sans ambages mon goût pour les bites de taille décente, les quéquette standard du commun des mortels.
Éléonore Taffèle avait, rivé au corps, un faible pour la normalité. Pour l’ISO 9000 et des brouettes.
Un certain Louis, à ce que m’a laissé entendre m’dame Braune. Alors ? Z’avez choisi ?
Mic pointa la « Virgule d’Anubis ».
On shampouine ?
On peut !
Éléonore se pencha tête la première pour aller cueillir au fond de la malle les lotions capillaires. Son geste leva le voile sur sa façon de se parer en dessous. Sa robe chasuble, en rête de soie brodée, glissa à rebours. L’angle droit ne révéla rien. Mais à mesure qu’elle perdait des degrés, les muscles, bi et triceps, tendineux et membraneux s’étendaient. Tendon d’Achille, grand fessier, chevilles, mollets, cuisses et fesses filaient sous tension. À 45°, hauts de cuisses nus. À 35°, la dépression vulvienne se tenait en retrait. Mic s’approcha, effleura et, de ses phalanges, souligna, au départ des chevilles, cet entre-deux, cette dépression formée par ses jambes assemblées touche à touche, jusqu’à déboucher sur un sombre et velouté losange encaissé au pied des deux rotondités fessières. Mic était là en éclaireuse, jaugeant du bien-fondé d’une future expédition à monter. Pas de doute, la croupe d’Éléonore guettait la caresse.
Vous êtes trop bien lunée et tellement peu attifée pour ne pas être prévenue que l’éclat de l’astre de la nuit gâte le velours, le met en berne. Le velouté vire et tire au terne. Vous ne devriez pas rester ainsi. Les râbles, sans conteste, en pâtissent.
J’ai lu les sélénologues les plus en vue mais ne les ai pas crus. Mais vous-même, n’avez-vous pas failli, il y a peu ? On m’a dit que…
On a déjà rapporté ?
Je serai bien en peine de divulguer mes sources. Et pis, qu’en bien même, la maison a une déontologie digne des meilleurs grands correspondants locaux de presse. On entend, on rapporte et on ne moufte plus…
Oh, j’peux vous assurer, sur les fesses de Lucifer, que c’était juste un oubli de rien du tout, une entorse exceptionnelle à mon habituelle rigueur vestimentaire provoquée par un trop plein d’émotion. J’ai vacillé certes, peu ou prou chuté certes bis, mais pas de quoi, j’vous dis, fouetter les rayures d’un tigre. Non ?
Il sembla à Mic qu’Éléonore, massant, rinçant, épongeant, entendit son propos.
Grâce vous soit rendue, c’est que je n’avais pas toutes ces affres de l’affaire ! L’expédition lunaire saurait-elle attendre la fin de la journée ? J’suis pas sûre de pouvoir m’absenter, là ! Et y’a du taf ! On m’attend aussi à côté. Je vais et je reviens. Ludmila Sésé-Séko (Notez que c’est un pseudonyme) n’aime pas qu’on laisse cinq minutes ses seins sans soins. Je finis avec elle et radine, dit l’hôtesse un frisson dans la voix en s’engouffrant dans la pièce voisine. Et elle revint dans les temps impartis.
Coupons le récit le temps de la coupe.
Le doux ronron de la tondeuse sabotée n° 2 finissait de mourir sur son socle. Éléonore épousseta au blaireau les miettes de poils en suspend. L’un d’eux, bel épi d’or, rétif aux va-et-vient du plumeau se tenait rebelle incrusté à la commissure des lèvres. Éléonore humecta d’un geste de postière son index pour le chasser de l’encoignure. La jeune esthéticienne venait de faire table rase de la pilosité passée. L’acte prenait une tournure politique. Pour Mic, rien ne serait plus tout à fait comme avant.
Ça vous va comme le Mont Saint-Michel aux rivages de la Manche, une beauté bénédictine, se félicita la jeune Tafelle éblouie par son art. Elle dégaina de la poche ventrale de son tablier un miroir de contrôle.
Mic zieuta la nouvelle mouture.
Un voluptueux filet de poils pubiens soulignait les galbes charnus de ses lèvres.
Oh, oh, oh, moi, non, non, non, non, ça n’m’irait pas ! J’ai un faible pour les vulves velues. On peut même parler d’un classicisme à toutes épreuves. J’suis un rien vieille France. J’ai un profond respect pour l’intégrité des toisons isocèles, drues et touffues. Les séquelles d’une longue scolarité dans un établissement qui a porté au pinacle de son enseignement l’héritage moral des premiers Capétiens, Hugues, Robert, Henri et Phil. Une petite tonte en quinzaine… Pour l’entretien, huile de phoque ou foie de morue talochée en touches à l’attribut organique, voyez c’que j’veux dire, rougit Taffèle, pour nourrir, adoucir, assouplir aux entournures votre nudité neuve, voilà qui devrait amplement suffire à la facture nif de vos cossus sacris pans !
En fidèle de cette ancestrale institution de la Ville, maison fondée en 1905, « à la veille de la séparation des Églises et de l’État et au lendemain de l’invention du capilliculteur à piston vapeur », était-il gravé en taille-douce sur le zinc, Mic tendit sa carte de fidélité. Isa Braune posa son ouvrage. C’était bien la même dame Braune, celle que Mic avait chaussée la veille dans son échoppe, et qui officiait là dans son petit institut en nouvelle cheftaine et conquérante des marchés pileux. Un investissement pour ces vieux jours.
Les escarpins me vont à merveille, sous toutes les coutures, fit-elle. Regardez ! ajouta-t-elle. Elle tortilla une gambette et la leva à l’équerre. Et vous, haute dame de la chausse, tout s’est-il passé au mieux ?
Un enchantement également. J’en suis ravie et chavirée ! J’vous montre ?
Non, non, pensez, restez couverte. L’offrande se mérite. Pas d’offrande sans contrepartie. L’évergétisme des Antiques niche en moi : la tradition de la Péninsule, don et contre-don. Je n’ai là dans l’instant point de ristourne à vous offrir ! Je ne compte nullement, malgré vos yeux doux, vos prunelles enchanteresses et de braise, dévoiler quelque intime partie de mon corps de muse. La jeune et douce Taffèle est à l’œuvre trop douée pour douter du résultat. Elle manie précis et minutie les affûtés ustensiles à foune, jamais la moindre pique, égratignure, ni échauffourée. Elle dégrade sans accrocs, fignole aux oignons. Le titre de meilleure ouvrière de France dans sa catégorie lui tend les bras. Elle s’interroge sur le sens du concours, n’est pas encore décidée, l’ingrate ! Mais, gloire au trophée, j’ai bon espoir de la convaincre. Ne serait-ce point des mots de noblesse pour son art, un beau plus pour la réputation du salon, du prestige pour le commerce avec ce palmarès placardé lettres néons scintillant nuit et jour en devanture ? Et là, ai-je grand-chose à vous offrir…
La carte de fidélité tournoyait entre ses doigts. Elle la tamponna.
Ah tenez, c’est la fin ! La prochaine fois, on dépoile la broussaille gratis !
Vouis vrai de vrai ! fit Mic, crochetant d’un doigt un fil pendouillant à l’un des fins robinets ciselés de la fontaine à absinthe de collec’ Legler-Pernod installée en évidence sur le zinc.
Un écheveau que je m’échine à démêler. Siroterions-nous une larme de licœur ?
Isa sortit de sous le comptoir verres, cuillères, sucre et absinthe de contrebande, « de la comme dans le temps de Verlaine » jubila-t-elle. Le temps de l’infusion et de grignoter un petit gâteau, dame Braune raconta qu’elle recevait, de Pologne, tous les deux mois environ, un paquet emballé kraft et crépon de sa grand-mère dentellière. La vieille dame, pas si éloignée des quatre-vingts balais, lui faisait suivre les nouveaux modèles, ceux qu’elle projetait de mettre en ligne, sur le Net. La vieille femme ne confectionnait plus de napperons depuis la mort de son mari. Le marché était en voie d’évaporation. Sa reconversion dans la fabrication de culottes-strings en petits points mousse, « impeccable pour les longues soirées à Ibiza », c’est ainsi qu’elle en ferait l’article sur la Toile, avait sauvé son commerce. Elle était désormais assurée d’une confortable retraite éternelle. Isa Braune, sa petite-fille-étalon, son mannequin d’essayage, enfilait et avisait toujours juste. Il lui arrivait d’indiquer le rebut pour un modèle en mal de précision ou de ligne. Le plus clair des fois, elle accordait, photographies sous toutes les coutures à l’appui, un aval filial par retour du courrier. La mémé lançait sec la production en série. L’entrepreneuse ne voulait pas risquer le four. C’était du boulot, mine de rien, de tricoter « ces culottes qui découvrent plus qu’elles cachent » disait-elle avec accent mais sans once de réprobation. Le modèle prototype du jour avait des allures de brassières de rideau. La grand-mère d’Isa avait ajouté un petit mot. « C’est en kit. Un concept éprouvé emprunté aux marchands de meubles, avait-elle indiqué. Si tu arrives à le monter, c’est gagné, j’achète une datcha avec balcon sur les rives du Pont-Euxin, ajoutait-elle », avant d’embrasser chaleureusement sa petite-fille. Isa Braune, l’œil sur la notice, calait, butait, sur le calbute. Elle ne percevait pas le sens de montage. Tous les morceaux se ressemblaient. Il manquait des pièces, c’était pas Dieu possible. Des bouts de ficelles juste bons à faire des Tours Eiffel.
Tchine !
Les deux femmes trinquèrent sec.
One more glasse ? proposa Isa.
Mic fit oui. Isa Braune remit le rituel sur l‘gaz.
Les robinets faisaient goutte-goutte. Mic et Isa triaient les ficelles.
Prozit !
Ein, zfaille, draille sexe, zigounette invita Mic un peu pompette. Passez de nouveau à la boutique !
Et ça nous conduirait dans de beaux draps ! Une autre fois, déclina Isa.
Ainsi soit-il ! Résistons aujourd’hui à la tentation du bien.
Alors, à très bientôt, fit la Dame Braune.
Isa Braune griffonna son registre de comptabilité à partie double, effleura ses seins moelleux moulés au chandail anis décolleté rond, télescopa ses tétons télescopiques, et remis son « tricot » sur l’ouvrage. Mic picora le geste, se dit, à mi-voix sur le seuil de la porte, « quelle poitrine de majesté dressée et étayée avec vigueur ». Elle se demanda, suspicieuse, si la mémé n’avait pas usé de passe-passe dans cet habillage. Marie-Christine aspirait à être happée.
Non, point, le plus noble soutien suppose une invisible rigueur, et chère madame ne vous méprenez pas sur les intentions de la vieille polonaise, charmante dame, susurra au passage un vieil homme avenant. Bonjour madame Braune, chantonna l’homme en franchissant le seuil du salon.
Monsieur Crèchepin ! Éléo vous guettait. Un brin d’maillot, comme à l’habitude ?
En s’éloignant, tanguant d’une légère ivresse, Mic s’enquit alors d’aller cabotiner en place d’armes, cueillir à l’improviste avis avisé et beaux compliments d’une sienne gourmande amie aux jugements si affûtés. La touffe rase invitait opportunément à un débarquement en ce lieu de mémoire militarisé. Nulle envie, pouah !, de séduire l’ancien combattant ! À portée d’escarpins du théâtre du souvenir, Marie-Christine perçut que la cérémonie était éteinte. Angélina avait, elle aussi, mit les bouts. Mic perdit sa flamme.
Mais voici ce qui précédemment avait eu lieu.
Camomille Belleplante
Commentaires (1)
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