Butins et cætera - chapitre 2
Les grandes pompesLe 30/07/2009
L’homme franchit d’un bon pas le seuil de la boutique. La discrète clochette de porte en cuivre tinta. Costumé, il entrait acheter là les magnifiques chaussures qu’il était resté un long moment à contempler le pif collé à la vitrine.
« Je peux peut-être vous renseigner ? l’aborda dans la foulée la souriante marchande de chaussures.
Oui, s’il vous plaît ! Celles-ci, en 45 ou 46, répondit-il sans hésitations en indiquant de son interminable index les chouzes convoitées.
Ouaw ouh là, beaux pieds, belles mains ! s’exclama la commerçante.
La vendeuse éclipsa ses fesses de déesse et revint les bras chargés de deux boîtes sur lesquelles allait et venait en équilibre un chausse-pied. Lorsqu’elle s’accroupit, sa jupette se troussa d’une pincée de centimètres. Tapie dans les faubourgs de l’élégante courte cotte, une étroite culotte lilas aux mailles lâches mais maillantes (« pour faire obstacle à toute intrusion inopinée d’un sexe volant, on ne savait jamais, confiera-t-elle en d’autres futurs temps à ce client frais émoulu pour l’instant. Prudence est mère de vertu ! »), ceignait pile poil, ourlée de son galon de mohair, les contours d’une vulve agrémentée d’une toison d’or taillée au cordeau qu’un avenir proche qualifiera d’affriolantes ou kif-kif.
Waouhouwaouh, pareillement, s’extasia l’homme à la renverse. Une Lola Luna, modelée Embruns des dunes ! Une perle !
Un cadeau de Catherinette de maman ! C’est ainsi équipée d’un modèle de son temps qu’elle pêcha mon papa !
Je ne sais si je suis homme à convoler ?
La minette rajusta son effet d’un réflexe rassurant.
D’abord les 46 ! On fera marche arrière si vos orteils ballottent, le guida-t-elle. Je m’appelle Zélie. »
Zélie lissa l’empeigne de la socque. Le regard de l’homme s’égara. Il causait désormais droit au décolleté de la vendeuse. Ses mirettes s’engouffrèrent dans une brèche de boutonnière. Il distingua net que les seins de la jolie d’moizelle, mis à couvert dans les petits carreaux de son chemisier turquoise, ne reposaient sur rien, ni ne s’encombraient d’aucune contrainte. Pour autant, qu’on se le dise, à court d’armature, ils ne gîtaient ni ne tanguaient quand venait le temps de la mise en pâture.
« Oui, offrez-moi vos seins ! Laissez ma langue et mes lèvres chahuter vos tétons !
Tout de go ! Sans le moindre préliminaire amoureux ni le plus séduisant propos courtisan, s’étonna Zélie. Vous y allez fort. Je ne sais pas si je peux ! Sans son accord, ma patronne pourrait trouver là raison à jalousie. Nous nous bécotons de loin en loin dans l’arrière-boutique, montées en croupe sur une paire de brodequins grands panards ou d’escarpins menus petons. Je peux éventuellement vous les laisser entrapercevoir un chouïa plus, mais point vous donner sur un plateau mes pointes à boutiquer et titiller.
Zélie se pencha pour ajuster la seconde pompe. La main gracile de l’homme piocha par inadvertance un sein dans le corsage. Le droit. Mauvaise pioche ! Le sein érogène bombe à gauche. Le voisin est inerte.
Bien fait ! fit la patronne. Vous seriez passé par mon intermédiaire, vous n’auriez pas connu tel accroc. Un esthète de la chirurgie a un tantinet emmêlé les connexions opératoires. Rien d’irréversible à force de travail, paraît-il, et j’y veille, mais pour l’instant… »
C’était une très beau brin de femme. Elle se campait là, lascive, au droit du comptoir. Sa robe épousait avec précision les volutes de son corps laissant croire, aux ornithologues les plus aguerris, à un port de dessous réduit à la portion congrue.
« Le boxer sous toutes ses formes l’emballe et la botte, chuchota Zélie à l’oreille de l’homme marri de sa goujaterie. Gong !
Mille excuses, mademoizelle Zélie.
Vous l’êtes, excusé ! Vous l’êtes ! Vos si douces paluches compensent ce brutal assaut digne d’un barde à bûches. Ma patronne s’appelle Marie-Christine, mais les intimes et anonymes se plaisent à la nommer Mic. Zélie revoila son sein, un rien frémissant lui sembla-t-il. Le choc pourrait-il annoncer la renaissance ? s’interrogea-t-elle à mi-voix.
J’aimerais chausser ces messieurs-dames. Il me semble qu’il me plairait d’avoir en main leurs pieds sertis d’oignons, d’algus valgus, leurs palmes à la Thorpe… pour les habiller de beaux cuirs. Mais j’ai pas fait d’études, dit l’homme à l’attention de la dame patronne.
Le cuir de choix est à la ramasse. Y’a plus guère, sur le devant des devantures, que le satanée plastique chinetoque. Mais vos arguments collent à ma vision du métier. Je vous y initierai, vous en révélerai les ficelles, les lacets et les coutures. Donnons-nous, en ce jour, une date et une heure pour nous retrouver. » Mic effeuilla son calepin.
À couvert, un zob bruit et frissonna. Zélie esquissa deux pas de travers pour reprendre le fil.
« Peut-être aurons-nous l’occasion de nous effleurer à nouveau, de flirter au détours d’une gondole d’une arrière-boutique de croquenots, les mains encombrées de belles boîtes, et les yeux avides de sexuelles envies. Vous m’embarqueriez. Nous ne ferions d’abord que susciter le désir dans nos corps, repoussant à plus tard sa consommation. Sachez que je vous accueillerai toujours à valvulve folichonne et grande ouverte, invitant volontiers votre godille d’airain à fureter aux abords de mon clito d’un métal de la même trempe, adepte lui z’aussi d’la gondole et de la gaudriole. J’aime les guilis ! Où donc le romantisme se miche-t-il ! Savez-vous que je n’ai jamais tenu si beaux propos à quiconque !
Mon émotion dépasse la Passion. J’intriguerai pour qu’il en soit ainsi et que notre prochaine rencontre, en ces temps de progrès de la science médicale, voire d’acharnement thérapeutique, n’attende pas qu’une fumée blanche sillonne les cieux du Vatican. Mes parents m’ont prénommé Lee-On.
Le 46 colla juste à ses lignes de pied.
J’les emballe, jolie Zélie. »
[gris] Camomille Belleplante[/gris]