Un monde envoûtant
Le 12/04/2009
Comme tu le sais, j’aime particulièrement le soir en été lorsque juste une légère brise souffle un air rafraîchissant. Alors que les bruits de l’activité humaine s’estompent, seule la musique des grillons résonnent. Quelques bruissements d’ailes d’oiseaux troublent le silence et le frôlement de deux libellules sous le prunus attirent mon attention. Il ne s’agit pas hélas de lucioles qui se mettent à clignoter à la nuit tombante dans des tourbillons endiablés.
Les premières étoiles commencent leurs apparitions d’abord timides avec quelques unes plus téméraires que les autres. Puis elles s’enhardissent et toute une foule de gentilles étoiles se bousculent bientôt pour occuper le ciel. Les senteurs de la nuit commencent à embaumer mes narines. Les fleurs du citronnier envoient leur parfum puissant porté par le vent léger. Ces conditions m’attirent doucement dans un engourdissement propice à la rêverie. Un soir d’été donc, allongé dans un hamac confortable, j’attendais la nuit avec délice. La lumière douce d’une lampe du salon allongeait les ombres. Une torpeur béate s’empara de moi et mon esprit se mit à vagabonder sans but précis.
Un sursaut, dû à la fraîcheur de la nuit, me tira de ce demi sommeil. La nuit était bien présente et m’enveloppais de son manteau sombre. En tournant la tête, j’aperçus dans mon salon ma statue de guerrière Massaï nue et portant son pagne de combat. Eh oui ! J’ai un bronze de guerrière debout reposant sur un pied dans la position de ces farouches amazones africaines avec son bouclier peint et sa lance à la main. La lumière tamisée lui donnait une allure plus conquérante que jamais et elle semblait me jeter un regard pesant du haut de ses 1m50. Mes yeux s’acclimatant au manque de lumière, je vis un détail qui attira mon regard. Je mis un long moment avant de comprendre : à ses cotés se tenait une autre statue, celle que je contemple chaque soir en me couchant. Une belle statue de bois blond. Oui, encore une femme (comment as-tu deviné ? ) surnommée Betty Boop par des amis envieux. Il faut dire qu’elle est pratiquement grandeur nature et que le sculpteur a fait preuve de minutie dans les détails.
Elle est nue à genoux et ses bras levés redressent ses cheveux. La précision du sculpteur n’a eu d’égale que la douceur des lignes ; il a su tirer parti des fibres du bois d’une manière remarquable. Les nœuds du bois épousent parfaitement la forme des seins. Donc cette statue n’était pas à sa place et elle était suffisamment lourde pour demander un effort important à celui qui désirerait la transporter. Encore engourdi dans mon hamac, je commençai à devenir inquiet. En continuant à observer, je remarquai un drôle d’air à cette statue aussi. Décidément tout était très étrange ce soir.
Je me levai et rentrai dans la maison pour aller dans le salon. Non, il n’y avait rien d’anormal. J’entourai de mes bras la statue en bois pour la ramener dans la chambre. Une douce chaleur irradiait du bois et je la trouvai plus lourde qu’à l’accoutumée. En arrivant dans la chambre, je vis Gaspard mon lutin ange gardien qui m’attendait. Tu le sais bien que ce lutin aux mains douces et soyeuses est très facétieux et que souvent il m’entraîne dans des aventures contre mon gré même si après coup je me félicite parfois de ses initiatives. Ca y était, il avait décidé de me gâcher la soirée en me faisant une farce. Il avait un sourire sardonique qui n’augurait rien de bon. Mais contrairement à son habitude il disparut dans une pirouette dont il a le secret . Quel mauvais coup m’avait il préparé ? Mystère ! Je l’aime bien mais il a tendance à me mettre dans des situations que j’aurais d’habitude tendance à fuir.
Je reposai la statue en place et machinalement, je pris une feutrine pour enlever la poussière. En passant le chiffon, je sentis sous mes doigts comme une vibration. Jamais je n’avais ressenti cela auparavant. Je tournai la tête et dans le couloir je vis la MassaÏ qui me regardait. Je restais interloqué. Déstabilisé, la tête à l’envers. Que m’arrivait t il ? Voilà que maintenant j’avais des hallucinations.
Je décide d’ignorer cet événement et courageusement je fais l’autruche ! J’ai reprend mon chiffon et le passe sur le bois. J’entends un soupir. Je tourne la tête et je vois la guerrière frissonnante, les yeux dans le vague et les narines frémissantes. Tu conviendras que ce n’était pas croyable. Surtout en bronze !! Elle semblait avoir grandi. En principe elle m’arrive presque à l’épaule et là, j’avais l’impression qu’elle avait la même taille que moi.
Par acquis de conscience, ou plutôt totalement inconscient, je repassai la main sur le bois. Celui- ci prit une consistance d’une infinie douceur, comme une peau chaude et souple. Dans le même temps l’amazone laissa échapper une plainte et la surface de la statue frissonna. Poussé par une force inconnue, je continuais ce qui maintenant était plutôt devenu des caresses que du nettoyage. Plus ma main passait, plus Betty grandissait et plus la texture du bois devenais proche de la chair. Je compris que mes caresses donnaient vie aux deux statues et qu’un lien virtuel les unissait… ce que l’une sentait, l’autre le ressentait aussitôt. Mes caresses se firent plus langoureuses et me mirent en émoi. Je caressais avec frénésie ce qui était auparavant une statue de bois. Mes doigts s’insinuèrent derrière ses cheveux qui prirent vie… Je lui caressais le cou avec douceur et légèreté puis lui massais le dos avec délicatesse. Mes mains acquirent une autonomie que je ne leur connaissais pas. Elles partirent à la découverte de ce nouveau corps envoûtant .
Pendant ce temps la Massaï se contorsionnait, gémissait, comme possédée. Chaque fois que mes mains touchaient un sein, la guerrière se cabrait. J’accrochai son regard. Il était noir, puissant, dérangeant. Je compris que subir mes caresses ne lui convenait pas. Mon émoi commença à m’obscurcir l’esprit et je sentis que quelque chose prenait possession de mes mains. La guerrière avait en quelque sorte pris les commandes et m’imposait, et son rythme et son choix. Mes mains parcoururent avec fébrilité les seins de la statue blonde, s’attardèrent sur le ventre et puis descendirent brusquement jusqu’au Mont de Vénus. Mes doigts partirent dans une danse endiablée et parcoururent avec force, détermination et pourtant avec délicatesse les moindres coins et recoins offerts à leurs convoitises.
D’un coup les cuisses se referment avec force sur un spasme libérateur. Mes doigts écrasés me faisaient mal mais je ne pouvais les enlever. La guerrière haletait mais ne relâchait pas sa pression sur mes mains. Elle reprit ses esprits petit à petit, nous laissant Betty et moi dans un état d’épuisement avancé. Mes doigts se remirent à bouger, ils reprirent position sur les seins, et le corps, de ce qui était plus tôt une statue de bois, se mit à onduler. Je commençais à reprendre la maîtrise de tous mes moyens et mon état d’excitation était à son comble. D’un coup je me trouvai projeté sur le lit et Betty s’abattit sur moi.
La Massaï avait pris possession de la blonde statue et la force de la guerrière se transmit en elle. Loin de vouloir satisfaire mon plaisir, elle prit la direction des opérations et m’imposa son rythme et ses désirs. Visiblement la première jouissance n’avait pas suffit à la combler. Elle caressa mon sexe qui gonflait, et à chaque fois que la délivrance semblait arriver, elle relâchait ses attentions. Mes mains reprirent le chemin des caresses. Elles étaient guidées par la volonté implacable de la guerrière. J’étais son jouet sexuel. Sans se préoccuper de mon plaisir, elle se jouait de ma volonté comme de celle de Betty. J’essayais de me révolter mais elle nous tenait en son pouvoir. Je fus enfourché, je subis le poids du corps qui m’écrasait presque à m’étouffer et dans un lent et long mouvement de balancement, une langoureuse danse m’emmena dans un état d’excitation tel que j’eus l’impression que mon sexe allait éclater. Je jaillis avec force au moment où dans un long râle, la guerrière obtenait ce qu’elle avait cherché avec rage.
Fatigué et épuisé, je m’endormis immédiatement. A mon réveil, la statue en bois avait repris sa place avec un semblant de regard narquois sur son visage. Si ce n’était la douleur de mes membres et mes doigts ankylosés, j’aurais pu pensé avoir rêvé. Mais mes muscles n’étaient que courbatures. La statue Massaï avait elle aussi reprit sa place mais son visage s’était adouci et elle me semblait moins farouche. J’attendis le soir avec inquiétude et envie.
Pierre Paradis