Le portrait
Le 12/04/2009
Jamais elle n’avait mis les pieds chez lui, c’était sa première fois. Il ne se l’était jamais imaginée aussi belle, ses cheveux noir corbeau voltigeant sous la rudesse d’un geste déterminé du bras gauche, ce même bras qu’elle tenait bandé. Du cristal brisé… berceau du peu de vin qu’il lui avait offert ! Si effectivement cela devait lui porter chance, il en aurait confirmation cette nuit même.
Elle posa son sac. A cet instant, il ne savait pas s’il devait lui retirer délicatement le bout de verre du doigt, ou simplement tenter de le lui extirper de la chair. Elle, jamais elle ne l’avait vu aussi protecteur, comme un père qui pansait la blessure de sa petite fille. Elle aurait voulu le serrer dans ses bras mais se contenta de porter cette plaie ruisselante à ses lèvres. Lui, chancelant, ne pouvait détacher son regard de cette vision si sensuelle, de ce doigt cerné par une bouche qu’il trouvait décidément si tentatrice !
Elle sentit une chaleur subtile envahir son bassin. Une fine liqueur vermeille venait se mêler au Bordeaux de ses muqueuses, s’étirant jusqu’à des commissures auxquelles il aurait volontiers goûté… Comment se faisait-il que, sans même le vouloir, elle pouvait produire pareil effet en lui ? Savait-elle seulement ce à quoi elle s’exposait ? Il aurait voulu se faire beaucoup plus entreprenant, passant de sa douceur habituelle à une sorte de violence qu’il avait masquée depuis trop longtemps, alimentée par un désir bien souvent contenu ! Non ! L’apparente innocence de cette muse le lui interdisait. Il s’était imposé cette limite. Et ce fluide vital s’écoulant de sa blessure serait définitivement le seul qu’il aurait fait coulé ce soir…
Elle se dirigea vers le balcon. Avidement, il avala la dernière gorgée de vin. Le ciel avait beau être noir et étoilé, la chaleur omniprésente envahissait chaque recoin de l’appartement. Une légère brise vint soulever la chevelure de cet homme qu’elle aimait tant. Il avança vers elle, ne la contemplant que de dos, dévorant des yeux sa silhouette et ses courbes avantageuses et parfaitement dessinées, malheureusement trop dissimulées sous le tissu ample d’une robe en soie rouge, que seul un corset noir maintenait en place.
Comme elle aimait souvent le faire, elle peignait ce qu’elle aimait le plus. Lui se demandait bien ce que cela pouvait être, du moins à cet instant. Mais à peine s’approcha-t-il de la toile qu’elle la couvrit, comme pour masquer quelques pensées secrètes. Bien décidé à voir l’oeuvre, il tenta de s’immiscer, mais fut brusquement arrêté par une main d’artiste. Cette main pressante contre un coeur qui, il dut bien l’admettre, battait la chamade. Soudain, les milliards de cristaux poudrés des cieux sombres lui donnaient l’impression commune de fondre... Un orage ! Le temps de rentrer subitement son chef-d’oeuvre et elle vint à la rescousse pour l’empêcher de prendre racine.
Intérieurement, c’était elle qu’il scrutait, pas l’horizon. Elle fut comme subjuguée par son regard, des yeux jaune clair avec une lueur indescriptible, qui, elle l’avait souvent remarqué, s’emparaient de la teinte bleutée de ses chemises hawaïennes... Ce regard perçant de félin l’avait comme… pénétrée ! Hypnotisés, ils prirent conscience de la pluie alors qu’ils étaient déjà trempés jusqu’aux os. Mais qu’importe ! Elle porta ses mains aux vagues brunes de son prince, que la pluie avait partiellement ondulées. Il s’empara délicatement de sa bouche, lui serrant la taille si fort qu’elle s’abandonna immédiatement à son étreinte. Elle sentit ses mains d’amant s’atteler à détacher les ficelles qui enserraient sa taille, mais elle désirait profiter davantage de ce moment. Elle le prit par la main et l’amena à l’intérieur, le laissant seul devant la toile, juste avant de disparaître dans la salle de bain. Se trouvant à présent dans le local, il ne pouvait que céder à cette autre tentation. Après tout, ses principes semblaient déjà suffisamment en péril pour qu’il puisse se permettre pareille entrave !
Doucement, il découvrit la mince toile de lin qui cachait le tableau. La claire étincelle qui illuminait son regard le laissa entrevoir ce qui lui sembla être alors un miroir, à travers la lumière tamisée de la lune et ce flou obscurci par des gouttes perlant sur la vitre. Jamais il n’aurait osé prétendre à ce qu’elle lui porte autant d’attention ! Et pourtant, ce portrait était bel et bien le sien. N’ayant pas très bien réalisé la signification de ce geste, il sentit deux bras forts entourer mystérieusement son torse, les extrémités de ces lianes languissantes formant un tabernacle, caressant sa poitrine. Il fut légèrement surpris, mais surtout enivré à l’idée que cette magnifique nymphe, entièrement dénudée, chérissait ainsi son corps, en vue certainement d’accomplir ce qu’ils désiraient depuis leur première rencontre, et en dépit de ce que la morale leur dictait.
Il lui fit face. Quelque peu intimidée, elle baissa les yeux mais il lui releva le menton pour poursuivre son baiser entamé auparavant. C’était chaud et humide, tendre et fondant, cette langue parcourant les moindres rainures de sa bouche. Un prélude adorable à ce toucher rugueux qui descendait jusqu’à sa nuque, résultat d’une barbe de quelques jours. Ce qui n’était pas pour lui déplaire. La courbure de ses seins, épousait ses deux mains fermes, lui provoquant un léger frisson d’excitation, qui trahissait la retenue qu’elle tentait de conserver. Elle les avait cachés derrière ses cheveux, mais il ne perdit pas un instant pour écarter ce rideau de jais, il l’écrasa presque contre lui. Néanmoins, elle accentua cette émotion réciproque en appliquant des baisers furtifs à ses tétons.
Ses lèvres charnues glissant autour de son piercing, elle pratiquait de brèves petites succions avec sa bouche pulpeuse. Il rapprocha fit passer ses mains de sa croupe vers ses reins, elle se sentit fondre de l’intérieur. Une fêlure, quelque chose de terriblement excitant se passait en eux. Doucement, c’était comme s’il se préparait déjà à l’extase. Jamais auparavant elle n’avait pu percevoir cette réaction chez un homme, mais comme il s’agissait de lui, elle ne prit aucunement peur, loin de là.
Elle entreprit de descendre immédiatement sur ce membre visiblement durci par le désir, mais il ne la laissa pas faire et commença à caresser son bouton de rose, pendant qu’elle le déshabillait. L’allongeant aussitôt sur le matelas, il lui souleva légèrement l’intérieur des cuisses et s’approcha toujours plus de son mont de Vénus, léchant, mordillant son épiderme. Cette descente de sa part les rapprochait de l’ascension charnelle. Ses jambes s’écartèrent davantage d’elles-mêmes, sous les assauts de son amant. Mais celui-ci préféra parcourir d’abord les sentiers haletants de son ventre et remonter à ses deux collines sphériques, savourant toujours plus le subtil parfum de vanille qui s’exhalait aux dessus d’elle.
Elle sentit ses doigts s’agripper à sa mâchoire, sa fleur à présent épanouie et prête à l’accueillir. En remontant peu à peu, il l’empala doucement, savourant son fantasme de voir les yeux écarquillés de la part de sa belle durant un bref instant. Lorsqu’elle eut moins mal, il entama un va-et-vient progressif qui dont l’intensité progressait en même temps que l’amplitude de ses cris. A mesure qu’il franchissait les méandres de son corps, elle sentait rompre en elle ce sanctuaire qu’elle avait gardé intact pour lui. Peu à peu, la douleur s’estompait, laissant place à ce puissant désir de n’être plus qu’un. Sentant ses jambes se resserrer, se repliant jusqu’au bas de son dos, il la pénétra plus profondément.
Ses soupirs laissèrent place à de petits cris, puis à des lamentations traduisant le plaisir qu’elle ressentait, davantage que la souffrance endurée. Le noeud qu’elle avait formé avec ses chevilles emprisonnait toujours plus fort les côtes de son partenaire qui adorait être emprisonné au milieu de ses jambes qu’il ne détacha que de manière à porter l’une d’elles sur son épaule. Contemplant les sensations perceptibles sur le charmant visage en émoi de sa maîtresse, il se redressa et, tout en la couvrant d’affection, scrutait de haut toutes les marques de jouissance s’inscrivant sur celui-ci.
Soudain, elle se leva brusquement afin d’inverser les rôles. Il la laissa faire et caressant amoureusement les fesses arrondies de sa belle Andromaque, il sentait qu’il ne tiendrait plus très longtemps. Elle détenait les pleins pouvoirs. Brusquement, celle-ci happa ces mains attentionnées reposant sur elle, pour les maintenir à la hauteur des barres. En prenant toujours garde à ne pas laisser échapper ses mains, elle l’embrassa encore une fois langoureusement. Il approchait de plus en plus de l’orgasme, elle le sentait à la manière qu’il avait de resserrer les poings, à ses râles qu’il laissait échapper sitôt qu’il ne l’embrassait pas. En fin de compte, il adorait être sa victime. Elle se mit à respirer l’odeur suave de ses cheveux, ses seins pendant à la bouche de son amour.
Alternant le rythme, elle sentit soudainement une substance se répandre peu à peu en elle, et cette fois c’était lui qui l’encerclait. Il avait su être à la fois l’initiateur et la proie. Elle avait su être l’innocente vulnérable qu’il devait protéger, et le rempart sur lequel il reposait. Alors qu’il voulait se retirer elle le supplia de rester. Il contempla les larmes dans ses yeux bruns, témoins de quelque chose qu’aucun d’eux ne regretteraient. Puis il s’assoupit pendant qu’elle ne cessait de passer une main dans ses cheveux, pleine de tendresse, la pluie ne cessant de s’abattre sur les rebords de la vitre.
Le matin suivant, une étrange sensation vint réveiller le rêveur ardent. Pourtant, personne à ses côtés sur le lit. Se levant brusquement, il chercha sa présence. Aucune trace, aucun signe de cette nuit avec elle ! Même le verre en cristal était tranquillement rangé à sa place, entier. N’était-ce qu’un songe ? Pourtant elle existe vraiment…Voyant cependant une lueur d’espoir dans les draps qui, il ne l’avait pas remarqué immédiatement, étaient entachés de sang, il se mit à la recherche de son tableau. Mais rien. Quel désespoir de constater que cette fameuse nuit ne fût qu’un rêve, un de plus !
Le regard terne, Jed enfila une chemise en lin et s’en alla à son travail. Habituellement il ne faisait pas attention au manque de motivation régnant parfois dans la salle de classe, ni à la béatitude de certaines élèves pendant son cours. Mais là, le seul bruit perceptible en dehors du son de sa propre voix fut les coups de griffes sur le papier de l’une d’entre elles. L’entrain avec lequel elle prenait des notes le laissait perplexe. A la fin de la journée, Dehlia fut toute seule en classe, les autres étant partis.
Un orage soudain obligea Jed à écraser sa clope et rentrer à l’intérieur du bâtiment. Sur le coup de la surprise, elle laissa tomber son bloc de feuilles. Jed voulait être galant et commença à le lui ramasser, mais cette esquisse lui rappela subitement un souvenir de son précédent rêve, ce fameux tableau. Il la fixa dans les yeux. Atrocement gênée, elle tenta de le lui prendre, mais il esquiva de peu sa main, le bord de la feuille lui coupant légèrement la peau. Aussitôt il lui fit ses excuses, mais son regard n’avait pas quitté le portrait qu’il avait vu durant cette nuit.
La plaie était légèrement ouverte, mais du sang s’écoula. Jed prit doucement la main de Dehlia, et portant le doigt blessé à sa bouche, il déposa le dessin sur le pupitre, ses lèvres vermeilles encerclant la plaie de la jeune fille… Il pleuvait des cordes.
Hebony Frost
Commentaires (2)
Putain mais c’est horrible comment sa donne envie de baiser, depuis que je lis ces nouvelles, mes sextoys ressortent tout les jours et j’ai un orgasme à chaque fois ! Horriblement excitant, mais ma préférée reste " Mon meilleur ami " qui ne fantasme pas sur sa ?!
Wahou !
C’est super bien écrit, juste, délicat, excitant...
On s’y croirait !
Bravo !