Confidences entre amies

Le 12/04/2009

Après avoir cassé quatre autres carrés sur la tablette de chocolat (la troisième en un quart d’heure qu’elles grignotaient ensemble), Marie reprit le fil de son propos : « - Non, mais tu vois Nat…cronch…cronch…on bosse…cronch…on gagne bien notre vie, on a un appart et tout…cronch…cronch…mais vraiment, il y a des soirs où je rentre du boulot…et où…où – excuse-moi si je te choque – où je n’ai qu’une seule envie…une seule putain d’envie…c’est de me…de me faire…
- Baiser ? »

Les joues de Marie s’empourprèrent. Elle pouffa nerveusement. « - Mais tu vois, précisa la jeune femme avec plus de sérieux,…cronch… je parle pas de…pas d’un plan love…non, je parle vraiment de… » Et elle mima par un geste sorti du fond du cœur ce qu’elle aurait désiré qu’un homme lui fit dans ces moments-là (c’est-à-dire une sauvage saillie par derrière ou par devant, mais par derrière de préférence). Elles éclatèrent simultanément d’un même fou rire. Depuis trois mois qu’elles se connaissaient (elles s’étaient rencontrées à un cours de danse orientale) Marie et Nathalie se voyaient régulièrement tous les week-ends. Elles se racontaient leurs petites histoires de célibataires, se révélaient mutuellement les secrets de leur vie intime, pleuraient et riaient de concert sur leur misère sentimentale et sur leur frustration sexuelle. Elles avaient connu tellement d’échecs ! Les hommes les avaient tellement déçues !

Invariablement, dans les bars où elles se rendaient le vendredi et le samedi soir, la principale occupation des deux femmes consistait à mater et évaluer, attablées à une table stratégiquement située, les divers mâles disponibles. Et quand une belle paire de fesses bien moulée passait à portée de leurs doigts libidineux, elles gloussaient, se murmuraient à l’oreille toutes sortes de cochonneries. C’était un fait : elles auraient bien voulu mettre la main au panier, peloter la marchandise ! Pourtant elles rentraient toujours bredouilles. C’était systématique. Leurs regards, il faut croire, n’avaient pas la suggestivité requise pour attirer à elles les beaux gosses. Il aurait fallu oser un abordage plus direct… Mais elles étaient timides, elles n’avaient jamais dragué. Comment faire dans ces conditions ?

Amères s’avéraient donc leurs fins de soirée — amères et tristes. Autour d’un dernier verre, chez l’une ou chez l’autre, elles n’en finissaient plus alors de taper sur la gent masculine. Elles se défoulaient... Les hommes étaient vraiment des cons ! Pourquoi des filles comme elles, en six mois d’errance nocturne, seules puis à deux, n’avaient pas eu la moindre amorce d’ouverture ? Et on dit que les mecs ne pensent qu’à ça ! Est-ce qu’à trente-cinq ans, elles n’étaient plus désirables ? Mais souvent aussi, après s’être libérées de tout leur ressentiment, après avoir crevé l’abcès de leur amertume, elles en venaient peu à peu à se dire sans mensonge ni tabou ce qu’elles pensaient vraiment de ces messieurs. Et au fur et à mesure des confidences murmurées se dénudait alors cette vérité absolument affreuse, horrible : elles ne voulaient pas, elles ne pouvaient pas vivre sans homme. C’était impossible ! Elles les aimaient trop, ils les fascinaient trop. Prises dans l’engrenage des révélations, les deux copines s’avouaient des désirs qu’elles se cachaient à elles-mêmes. Elles crevaient littéralement de tout un tas d’envies inassouvies, et surtout de cette atroce tension qui, dans la solitude de leurs lits, les obligeait à se masturber pendant des heures sans parvenir totalement à s’apaiser. Si seulement elles avaient été lesbiennes ç’aurait été plus simple !

Le besoin que Marie venait d’évoquer, Nathalie le partageait donc. Ou plutôt elle l’avait partagé jusque récemment. Elle regardait sa copine se trémousser sur son canapé telle une bacchante réclamant son dieu, et elle se disait : « dire que la semaine dernière j’étais moi aussi dans cet état-là ! » Mais comment annoncer à celle qui avait si longtemps accompagné sa détresse qu’elle avait enfin rompu le sortilège du célibat ? N’allait-elle pas considérer ça comme une trahison ? Finalement, après son troisième Martini blanco, elle se lança (il le fallait bien !) : "- Tu sais, il m’est arrivé un truc…" Marie lui jeta un regard mi-interrogateur mi-hostile. A l’évidence elle pressentait un aveu douloureux. Son visage s’était crispé et sa peau avait pâli. « Voilà j’ai rencontré quelqu’un… »

Marie l’interrogea aussitôt d’un air inquiet « Où ça ? Comment ? Quand ? » Maintenant le vin était tiré. Il fallait tout dire. Nathalie reprit : « Dans le métro. Un truc de fou. Vraiment un truc de fou. Lundi je revenais du boulot, j’étais assise tu vois…sur une banquette. Et puis y avait ce mec en face de moi qui me matait. Enfin je croyais qu’il me matait. Mais en fait c’est moi qui le matait (Nathalie rebut une rasade de Martini pour calmer ses nerfs). Donc on se regardait quoi. Il m’aborde pour me demander l’heure…Vraiment le plan à deux balles ! Là je le rembarre. Je l’ai rembarré alors même qu’il me plaisait ! Du coup quand il est descendu je l’ai suivi, machinalement… Je lui ai demandé de m’excuser de lui avoir dit que je n’avais pas de montre. Je ne savais plus ce que je disais. Je voyais ses yeux, sa peau, je sentais son parfum, et j’avais envie de l’embrasser… Pire j’avais envie…terriblement envie de sa…. N’importe quoi ! Je t’explique pas mon état ! C’était les chutes du Niagara dans ma culotte !

Comment ça s’est passé ensuite ? Je ne sais plus. Toujours est-il que je l’invite chez moi (toujours pour m’excuser !). Là on discute vaguement, lui étant tout aussi barré que je l’étais. Tu vois le genre. On se trouvait sur mon canapé. Je te le décris (le mec pas mon canapé !) : quarante ans, très grand, très brun, les yeux verts…Ah ! C’était trop puissant, vraiment. L’attirance irrésistible comme dans les films. Donc on s’embrasse…(Oui je sais c’est hallucinant.) Donc on s’embrasse. Ma langue entre en contact avec sa langue. Et là je perds tout contrôle. Littéralement. Mes hormones explosent. Ni une ni deux je déchire sa chemise, son pantalon, mon chemisier, ma culotte. Je le griffe façon vamp, je le mords comme une folle…ses tétons, son ventre, le moindre centimètre carré de sa peau, et puis sa… Je ne me rappelais plus que c’était aussi bon ce machin. J’avais l’impression de sucer un truc immensément savoureux tu sais long, chaud… et je le sentais gémir, râler sous mes caresses. Quel pied ! Ma main déjà s’était placée entre mes cuisses et je me caressais comme une possédée ! Mais voilà que monsieur me retourne sur les coussins et qu’il se met à me lécher par derrière, ma chatte, mon cul, tout ! En même temps je continuais toujours à me branler... Quel délire ! Je ne savais plus où j’étais, qui j’étais. Impossible de me retenir (et d’ailleurs pourquoi ?). Je pousse un premier cri. J’en pleurais d’extase. Oui d’extase ! (car c’en est une). Ensuite il enfila un préservatif. Nous commençons alors à baiser face à face, et dans ses yeux où je me perdais je lisais une ardeur et un plaisir semblables aux miens…Ah ! je l’aimais déjà ! C’était fou. Je voulais qu’il reste toujours en moi…qu’il me baise toujours, éternellement ! J’avais certes ressenti ça avant avec d’autres (je te l’ai déjà dit) mais jamais aussi fort, jamais aussi fort ! Mes seins étaient durs comme des melons et gonflés, gonflés…

Tout à coup il me soulève. Il me porte jusqu’à mon bureau, me jette au milieu des paperasses, repousse mon ordinateur portable, ma lampe, tout ce qui traîne. Les fesses posées sur l’acajou je serre…je serre avec mes petites cuisses tremblantes ses reins puissants. Je lui crie de me baiser encore plus fort ! Et alors il me baise, il me baise furieusement, il me baise comme une bête, tout en léchant mes gros seins qui rebondissent, et il me susurre des paroles… des paroles douces... des paroles d’amour… Oui, il me baise tout en m’appelant « mon amour, ma chérie » et moi, moi je l’encourageais à aller encore plus loin, plus profond, et je murmurais d’autres « mon amour » dans son oreille… dans son oreille délicieuse que mes lèvres suçaient comme un bonbon. Ah ! sa peau me rendait dingue ! Son odeur de mâle, les poils de son torse… hum… ses cheveux, ses couilles, son cul, j’aurais voulu tout saisir en même temps, tout respirer… ah ! tout lécher, tout absorber. Oh ! oui… oui… je voulais qu’il jouisse de moi… en moi… comme aucun homme… aucun homme n’avait jamais joui avec une femme. J’étais déchaînée, survoltée…Comment dire ? Enfin tu me comprends, j’avais la tête… le corps… en feu. Je délirais. Je pleurais... C’était comme si une partie de mon être renaissait et que je me libérais de trente-cinq ans d’attente ! Lorsqu’on a crié ensemble j’ai failli m’évanouir. J’aurais voulu mourir dans ses bras tellement c’était formidable… Voilà. Il s’appelle Simon. Il dirige une PME à la Défense. Il est divorcé. Tu sais tout. »

Le bonheur qui rayonnait sur le visage de son amie chassa toute envie de jalousie dans l’esprit de Marie. Elle se leva de son canapé et alla embrasser sur la joue l’heureuse amoureuse. « - Tu as de la chance. Mais pourquoi tu n’es pas avec lui ce soir ?
- Je l’ai vu tous les jours. Je le vois demain. Et puis je ne voulais pas te lâcher sans préavis ! En fait j’espérais pouvoir te parler d’une proposition. Voilà Simon a un cousin dans tes cordes : prof de sport, la trentaine, bien sous tous rapports. Ca te dirait qu’on organise un dîner ?… » Quand Nathalie partit sur les coups de deux heures du matin, elle avait l’accord enthousiaste de sa copine. Or en se couchant, Marie repensa au récit de son ex-camarade de célibat. Elle imagina aussi le fameux cousin que cette dernière entendait lui présenter. Et tout se mêlant finalement dans son esprit accablé par la fatigue et par l’alcool, elle finit par se masturber dans la joie optimiste d’une rencontre prochaine aussi forte et aussi belle que celle que le destin avait réservée à son amie. Après quoi la jeune femme s’endormit comme s’endorment les anges, en serrant très fort le galbe consolant de son godemiché en latex.

Axelle Rose

Commentaires (1)

  • piiIVvwKLoNlTRyv

    cK9jup At last, someone comes up with the "right" asnewr !