L’entrepreneur de Corfou
Le 07/05/2010
Rien ne présageait cette rencontre, si ce n’est peut être l’endroit où elle se produisit, un petit hôtel-restaurant face au port d’embarquement des ferries pour l’Italie. Une journée presque banale sur l’île, trafic dense et au loin le ronronnement incessant des chargements et déchargements des bateaux.
Le soleil inonde la baie et l’humeur par cette chaleur est plutôt nonchalante.
Assise à la terrasse, je croise beaucoup de monde, il y a des gens en partance, il y a ceux qui arrivent. Je rêvasse, apprécie le joyeux brouhaha qui s’articule autour de moi et si typique des lieux de transit.
La première image qui me revient de lui, ce sont ses pantalons, j’étais assise lorsqu’il me demanda du feu. Je relevais alors la tête pour entrevoir à contrejour un homme mince, pas très grand. Je mis ma main sur mon front pour protéger mes yeux du soleil et je commençais à distinguer ses traits. Il était brun, il portait un complet de couleur vive, un costume d’été. En allumant sa cigarette, il me demanda ce que je faisais ici, je lui répondis que j’étais en partance pour l’Italie, il dit "aujourd’hui ?" Je lui répondis que non, que j’avais encore quelques affaires à régler avant de quitter l’île.
Il me demanda s’il pouvait se joindre à moi pour un café. Je lui fis signe de s’asseoir. Lorsqu’il prit la chaise, il fit bouger avec lui des effluves sombres et troublants.
Était-ce ce mélange entre son odeur et ce parfum ? J’essayais de détecter les fragrances afin de les isoler, pour que mon nez parvienne à l’essence de sa peau. Peu à peu, les odeurs de cuir et d’encens laissèrent place à celle de sa peau.
Je sentais mes mains devenir moites, je feignis pourtant de ne pas être troublée et j’engageais la conversation avec lui. "Que venez-vous faire à Corfou ?" Il sourit et me raconta ce qui l’amenait ici. Il était entrepreneur, dans le commerce des voitures allemandes. Il venait ici pour affaires. La serveuse apporta les cafés ; il sourit et la suivit du regard jusqu’à ce que sa silhouette disparaisse derrière les portes vitrées de l’hôtel.
Je profitais de cet instant pour le regarder, ses cheveux, son nez, sa bouche, son costume moutarde, sa chemise entrouverte laissant apparaître une toison de poils et ses bijoux. Rien de tout cela ne m’attirait foncièrement.
"Et vous, que faites-vous ici ?" me lança-t-il, je sortais de ma torpeur pour lui répondre que j’avais travaillé sur l’île deux mois et que j’avais quelques détails à finaliser avant de partir. Il regarda sa montre, releva les yeux vers moi. Hésitant, il finit par me demander si j’avais prévu quelque chose pour le dîner de ce soir.
Je lui dis que j’avais prévu un dîner frugal ici à l’hôtel vers 20h, je l’invitais à se joindre a moi. "20h, dit-il, ça me va, néanmoins je me demande ce que vous entendez par frugal, il se peut que je succombe aux plaisirs de la table, ici ne pas en profiter serait un pêché, alors à ce soir"
Il se leva et je le vis régler en passant les cafés à la réception avant de se fondre dans la foule de la rue principale.
Son odeur m’avait laissé une impression forte. Était-ce pour cela que j’avais invité cet homme à dîner ? Ou était-ce pour pallier l’ennui d’une nuit d’été passée ici, en transit, dans une ville portuaire de la Méditerranée ? Peut-être était-ce un peu des deux à la fois ?
J’enfilais une petite robe en mousseline noire, je fardais légèrement mes yeux, mon teint hâlé aurait suffi à égayer n’importe quelle tenue, "less is more" dit-on chez nous. Je descendis les escaliers de l’hôtel mes escarpins à la main. Je ne connaissais même pas son prénom…
Il apparut à l’entrée du petit patio de l’hôtel, la lumière y était douce et tamisée. Des petits photophores scintillaient sur les tables, la nuit était chaude et les plantes et les fleurs arrosées depuis peu enveloppaient l’air d’une certaine fraîcheur. La soirée était agréable, il avait quitté son costume trois pièces et portait un chemisier en lin noir à col Mao. L’ambiance était guillerette, nous profitions du bon vin et des mets délicieux qui défilaient à notre table. Nous parlâmes de choses et d’autres, de la vie.
Il me proposa de me joindre à lui pour une excursion en bateau l’après-midi suivant. J’acceptais autour d’un digestif, je me retirais ensuite dans ma chambre.
Comme convenu la veille, nous nous retrouvons à 10h et prenons un taxi jusqu’au port de plaisance. De transport en transport, je voyais maintenant s’éloigner la côte et nous étions en pleine mer, profitant d’une petite collation sous le soleil et l’azur. Je sentais que cet homme me désirait de toute son âme.
Mais l’idée de m’adonner avec lui au plaisir de la chair ne m’était pas venue. L’après-midi se passa sans contrainte, de la manière la plus agréable qui soit.
Le bateau, le bon vin, en compagnie d’un homme serviable et plein d’humour.
Le soir venu, nous dînions encore ensemble à l’hôtel, le soleil - à moins que ce ne soit le bon vin - avait eu raison de moi, j’étais pourtant particulièrement détendue, je rayonnais d’une énergie nouvelle, j’en aurais presque oublié les raisons qui m’avaient contraintes à rester ici quelques jours de plus. Je regardais ma montre : 10h30, je prenais congé en remerciant mon hôte.
En montant dans l’escalier, je sentis sa main frôler un de mes bas. Une envie brûlante m’envahit malgré moi. Je continuais à monter et je sentais son souffle dans ma nuque, derrière moi. Il passa sa main sous mon pull, il pressa ma poitrine dans ses mains. Je sentais comme un éclair traverser ma colonne et mon bassin se cambrer. Je me rapprochais de lui. J’avais maintenant envie de lui, mais je le connaissais à peine.
Je voulais résister à une expérience que je jugeais dépourvue de sens.
Arrivée devant ma chambre, sa peau frôla la mienne. Je pris son visage entre mes mains et j’embrassais tour à tour son œil, sa joue et sa bouche. Je sentis monter le désir entre ses jambes, il m’embrassa à pleine bouche.
J’avais du mal à maîtriser son ardeur. Je voulais pourtant mettre un terme à cet interlude. Je mettais ma main sur sa poitrine et redressais mon visage lentement.
Il voulut entrer dans ma chambre, et prendre un dernier verre. J’ouvris la porte et dans l’obscurité je fourrais ma main dans ma poche, m’allumais une cigarette avant de laisser tomber mon trench sur le canapé.
Il était derrière moi. Il craqua une allumette et des volutes de fumée bleue envahirent la pièce.
J’ouvris le rideau et la fenêtre en grand et c’est à la lueur du lampadaire de la rue que j’entr’aperçus sa figure. Il sourit. Je ris.
Il me dit "Tu ne peux pas me faire ça, tu me crucifies. Je te vois toute la journée à moitié nue prendre le soleil. Je te désire comme un fou. Viens, faisons l’amour."
Je ne voulais pas, j’étais fermement décidée à résister à ses avances. Nous discutâmes encore. Il mit sa main entre mes cuisses. J’avais envie de dire stop, mais je le laissais faire. Il savait si bien s’y prendre avec moi, je me mordais la lèvre inférieure et commençais à me tortiller de plaisir.
Avec son autre main, il m’attrapa le cou, il approcha sa tête et le couvrit de baisers. Il me susurrait des trucs obscènes avec son accent, ça me rendait dingue.
Je ne voulais pas qu’il me pénètre. Il eut plusieurs tentatives d’approche. Cela allait durer pendant des heures. Systématiquement, je lui refusais l’entrée de mon calice.
Je le laissais pourtant embrasser mes seins et caresser mes fesses, lécher mon ventre et embrasser mon bas-ventre. Je me tordais de plaisir, il mettait maintenant ses doigts partout. Je suffoque, je gémis à mesure qu’il enfonce sa langue dans mon intimité.
Il relava la tête vers moi et me dit : "Appuie-toi au divan..."
Je m’exécutais, comme ensorcelée, attirée par l’appel du vide.
Il me demanda de sortir mon rouge à lèvre de mon sac. Mon corps s’était naturellement lové dans le sofa et je portais encore mes bas.
Il prit le bâtonnet de rouge et commença à maquiller le bout de mes tétons.
De l’autre main, il écarta mes cuisses. Il dégrafa un bas, puis l’autre.
Il regarda mes seins d’un air gourmand tout en les caressant encore.
À cet instant, le son lointain de sa voix me disait : "Ne désire que mes caresses… Et ne me regarde même pas". À quoi je m’entendis répondre en moi même : "N…Non…Je ne veux pas…Je t’en prie laisse-moi s’il te plaît !"
… Et voilà, arrivait le moment dont j’avais tellement peur, le moment où sous la main inflexible du maître, j’allais succomber à la tentation ultime du plaisir interdit. Quel soulagement, quel délice et quelle torture en même temps...
"Je regrette ! Comme ça c’est trop simple. Peut-être que j’aurais aimé…Mais je n’y tiens…Ahh..." Il m’attrapa les poignets et je me retrouvais face à face avec lui. "… Hhh… Ah… Pas !" Je me laissais caresser "Oui, comme ça, Hmm…comme ça… "
Il glissa à nouveau sa main entre mes cuisses, et de ses doigts, il me donna le vertige.
Dehors, les premières lueurs de l’aube apparaissaient. Je sentais que mon amant commençait à fatiguer à force d’une attente interminable. Peut-être voulait-il me prendre pour suspendre un peu de ce temps. Le Temps. Le temps d’un spasme. Peut-être y avait-il chez lui un soupçon d’innocence qui avait chez moi momentanément disparu.
J’ai chaud, je suis trempée, je pense en moi-même "ça te plait de me sentir et de me lécher. Ce n’est pas un peu ridicule tout ça ?"
Dans la chaleur du matin, j’entendis au loin le premier paquebot, c’était une belle matinée, ici, sur le bassin méditerranéen. Et comme je suis plutôt du matin comme fille j’avais baissé les armes. J’étais finalement d’humeur plus câline et je n’offrais à cet instant plus aucune résistance. Je m’étais relevée sur le lit, j’écartais les genoux et je tournais la tête vers lui. Je lui souris.
J’avais l’impression qu’il regardait une pêche. Une belle pêche fraîche, juteuse. Avec une peau lisse et légèrement rosée. J’étais jeune, il était marié.
Je suppose que c’est ça qui m’avait refroidie dès le départ. It’s a fucking turn off.
Nous nous étions cherchés toute la nuit, il régnait dans la pièce une atmosphère mêlée de désir et d’épuisement. J’étais très excitée, mon corps n’attendait que lui.
Il se releva sur le lit et s’agenouilla aussi face à moi. Il me donna un baiser langoureux, il attrapa mes fesses. Il me chuchota à l’oreille : "Ti prendi tutta…"
[gris]Audem Nowadays[/gris]
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