Dans le saint des seins
Le 13/11/2009
Léonard de Vinci dans ses dessins anatomiques reliait les seins au clitoris par un petit canal. Connexion directe inventée ou fantasmée. Et pourtant, qu’on les mordille, les effleure ou les pétrisse, les seins, une fois stimulés, provoquent souvent des palpitations au creux de l’entrejambe. La poitrine n’est cependant pas une zone érogène chez toutes les femmes et pour une fois, ni la taille ni la forme ne sont en jeu. Voici une déambulation le long de ces sinus, courbures en latin, à l’origine du mot.
Qu’est ce qu’un sein ?
Une glande mammaire, entourée de graisse, centré par un mamelon, lui-même posé sur une aréole. Il pèse en moyenne de 300 à 500 grammes. La dissymétrie épargne seulement 20% des femmes, les autres doivent composer (parfois sans le savoir) avec un sein plus bas ou moins développé que l’autre. Avec le clitoris et les bulbes du vagin, les mamelons sont l’un des trois organes érectiles de la femme. La sexologue Dominique Gros affirme que beaucoup de femmes voient dans leurs seins « un équivalent phallique » [1]. Selon leur forme et leur taille, les seins provoquent fantasme ou sarcasme, complexe ou fierté, un peu en effet comme le phallus chez l’homme. Lorsqu’on demande à une femme de décrire sa poitrine, elle commence souvent par donner sa taille. Il faut dire que la fourchette est large, dans le prêt-à-porter elle démarre au 80 bonnet A et s’arrête au 130 F. La moyenne française s’établit à 90B. Marie, avec un 85 B, se dit fière de ses seins « en pomme à croquer et pas encore en raisin sec ». Anaïs porte du 90 B mais regarde avec envie le bonnet tant convoité : le C, malgré selon elle « une très belle forme de poitrine, ferme qui tient sans soutien-gorge ». Magali loge ses seins dans un bonnet C et pourtant « je ne les trouve pas aussi beaux que je voudrais et ils ont une furieuse tendance à piquer du nez. » Plus de 80% des femmes seraient donc insatisfaites de leur poitrine. [2]
Zone érogène
« Le sein est un organe sacrifié sur l’autel gynécologique, transformé par la pilule, le cycle menstruel, l’âge et les maladies. Il faut avoir un bon c.v érotique pour comprendre que le sein est une zone érogène primaire et accepter d’en jouir ». Ainsi s’exprime l’un des fondateurs de la sexologie française contemporaine, le docteur Jacques Waynberg. Le petit Larousse de la sexualité classe les seins en zone érogène secondaire. Peu importe ce classement, selon le sexologue Gérard Leleu, 24% des femmes parviennent à l’orgasme par la seule stimulation des seins. Laura a connu cela…une fois : « C’était déroutant et ça ne s’est hélas jamais reproduit. ». Maïwenn est une accoutumée, il faut dire que ses seins, elle les utilise : « J’aime les frotter contre le corps et le sexe du partenaire, faire de l’autocaresse aussi quand je n’en ai pas eu assez ». Pour celles qui doutent de la réalité de tels orgasmes, une explication physiologique s’impose ; l’excitation des seins peut provoquer une décharge d’ocytocine, hormone sécrétée au moment de l’orgasme chez la femme et chez l’homme. Ce dernier (même s’il n’aime pas forcément l’avouer) peut également être très sensible du téton.
Nomenclature des caresses
L’humoriste chansonnier Léo Campion disait : « Dieu a donné à la femme deux seins parce qu’il a donné à l’homme deux mains ». La caresse mammaire est une activité que l’homme exerce avec constance, du premier flirt jusqu’à sa mort, tel Louis XV gisant qui aurait réclamé de peloter une dernière fois le sein de sa maîtresse. L’écrivain Martin Monestier dans son encyclopédie consacrée aux seins [3], a répertorié 19 types de caresseurs. Petit florilège : « l’attoucheur n’établit le contact qu’avec les doigts » contrairement aux « presseur » qui y va à pleine main. « L’effleureur » se consacre généralement au téton. « Les malaxeurs » et « tirailleurs » sont la terreur des seins. On découvre aussi « l’amignardeur », une sous catégorie du « cajoleur » mais qui s’adresse au sein comme s’il était une personne. « L’écraseur est soit un débutant, soit au contraire un vieux routier des lits qui cherche à faire mal pour se faire rabrouer, ce qui l’excite. » Le virtuose absolu étant l’ambidextre. Cette nomenclature très masculine ne nous dit pas si les femmes entre elles piochent dans cette palette. Magali, bisexuelle, témoigne : « Une femme en général sait que caresser ce n’est pas pétrir comme du pain ! La caresse sera, je pense, toujours un peu plus sensuelle, et plus juste. Mais en même temps, la maladresse d’un homme est aussi très excitante et plaisante. »
Le sein libéré de la main… pour mieux souffrir
Dans la pratique SM, les cigarettes incandescentes sur les tétons ou les aiguilles enfoncées dans la masse mammaire remplacent les caresses. Chez les anthropophages, les seins de leurs victimes comme les organes génitaux sont souvent les premiers engloutis. Au-delà de ces exemples marginaux, là où le sein a vraiment eu une place maudite, c’est dans le code pénal. Au Moyen Age la femme adultère était exposée poitrine dénudée sur la place publique, la récidiviste avait droit à la même peine avec en prime un marquage au fer rouge en haut du sein. L’ablation des seins de la criminelle s’est pratiquée jusqu’à la fin du XVIIIe siècle en France et jusqu’au début du XXe en Chine. Del Piombo, Véronèse ou Zurbaran ont symbolisé cette barbarie avec Sainte Agathe, jeune vierge du IIIe siècle à qui l’on arracha les seins, ayant commis comme seul crime celui de se refuser au gouverneur de Sicile. Les représentations de la martyre la montrent le plus souvent avec ses seins posés sur un plateau en offrande à Dieu ou entourée de ses bourreaux, les mamelons enserrés dans les tenailles.
Mise à nu
La représentation de Sainte Agathe est un bel exemple de prétexte historique derrière lequel les peintres devaient se cacher jusqu’au XIXe siècle, afin de représenter des seins nus sur leurs toiles. La bible et la mythologie offraient également de précieuses excuses. « On recense, par exemple plus de 3000 représentations de Léda, dont les appâts admirables fascineront le cygne sous l’apparence duquel s’approche Jupiter ». Les seins dénudés ont également eu une grande importance dans l’architecture avec les cariatides venues de la Grèce antique. Ces statues de pierre représentant des femmes à la poitrine dévoilée servaient de colonnes ou de soutènement. Les cariatides apparaissent en Occident sous la Renaissance et restent en vogue jusqu’à la première guerre. Toute cette nudité exhibée, suspendue aux corniches, balcons, portiques, quelle audace, quelle ironie lorsque l’on se replace dans le contexte de puritanisme qui régnait dans ces sociétés.
En mouvement
Peut-on faire autre chose avec ses seins qu’accueillir des caresses de mains, des griffures ou des morsures enseignées par le Kama-sutra ? Oui, comme par exemple se livrer à la suctustrupratie ou l’art de se sucer les mamelons soi-même. Les « urophiles » atteignent l’orgasme en se faisant uriner sur la poitrine. D’autres déposent des escargots sur le bas des seins et les laissent remonter, les glissements baveux seraient divins… Dans son encyclopédie, Monestier cite même les variétés de gastéropodes les plus adéquates pour ces jeux érotiques. Plus classiquement les seins se mettent en scène par toutes sortes de mouvements. Anaïs aime gifler doucement son mari avec ses seins. Séverine pratique une fellation acrobatique où elle fait rebondir ses seins sur les testicules de son partenaire sans cesser de le sucer. Le ballottage des seins au rythme des coups de reins excite généralement les deux partenaires. Parmi les 48 positions érotiques du coït recensées par Forberg [4], seules six ne permettent pas à l’homme de voir la poitrine de celle qu’il pénètre.
Dans les yeux
L’obsession des hommes pour les seins amusent, excitent et agacent tour à tour. Avec un 85 E, Séverine ne compte plus les regards posés sur ses attributs. Complexée à l’adolescence, c’est avec les garçons qu’elle a appris à aimer ses seins. Mais au lit leur engouement est parfois si prévisible, qu’il lui arrive de placer un : « Eh ! oh ! J’ai aussi tout le reste du corps… ». Laura confirme : « Mes seins, c’est ce qu’ils regardent en premier. En fonction de mon humeur et de l’homme, je suis soit flattée soit terriblement agacée qu’on ne me regarde pas dans les yeux. » « Regardez moi dans les yeux », Eva Herzigova le demandait, les seins au balcon, rehaussés par le Wonderbra dont elle vantait les mérites. Lorsque nous nous déplacions encore à quatre pattes, il y a quelques millions d’années, le problème ne se posait pas. C’est en passant de la position quadrupède à la station debout, au cours de l’évolution de l’espèce humaine, que la glande mammaire a été mise en évidence. Et c’est ainsi que « la vulve qui n’est plus apparente transfère sa fonction de signal sexuel au binôme hanches-fesses et seins. » [5]. A moins de bander ses seins comme les religieuses d’autrefois, il faut donc s’habituer à ce que ce signal sexuel porté sur le thorax attire les regards.
De l’air
Les regards masculins seront d’autant plus insistants que la gorge sera replète, le décolleté plongeant et le vêtement transparent. Avant l’apparition des implants dans les années 60 aux Etats-Unis, toutes sortes de subterfuges ont été utilisés par les femmes pour donner à voir. Dès le XVe siècle, la poitrine s’emboîte dans des corsets qui en prime étranglent la taille et cette mode va perdurer pendant plus de 400 ans. Au XIXe siècle, les hilarants faux seins gonflables, avec petite pompe dissimulée dans le manche des ombrelles, ont fait plus d’une fois monter le rouge aux joues lorsqu’un des appâts se dégonflait. Les soutiens-gorge à poche d’eau, d’huile ou d’air ont jalonné l’histoire des sous-vêtements jusqu’à nos jours avec le célèbre Wonderbra. Mais comment donner le change après le premier effeuillage ? Dix millions de femmes dans le monde ont répondu à cette question, en ayant recours à la pose d’implants mammaires. Tout l’art est alors de savoir où s’arrêter. Lolo Ferrari a atteint les 180 cm, elle aurait sans doute dépassé les 2 mètres si elle n’était pas morte (d’un abus de silicone ? la justice n’a pas statué...). La grande majorité des chirurgiens se refusent cependant à de tels excès. Et les hommes qu’en pensent-ils ? Pour son encyclopédie, Martin Monestier s’est livré à une petite enquête auprès de plusieurs dizaines d’hommes âgés de plus de 25 ans. A la question « que pensez-vous des seins siliconés ? », 3% ont répondu « j’aime », 64% « ça m’est égal », 19% « je déteste » et 14% « je ne vois pas de différence ».
De l’art de les montrer
Au cinéma ou sur papier glacé, on ne compte plus les paires de seins dévoilés. Selon sa sensibilité on gardera un souvenir ému des seins de Fanny Ardant dans « La femme d’à côté » ou ceux de Miou-Miou dans « Les valseuses ». Outre-atlantique ceux de Daryl Hannah dans « Splash » ou de Sharon Stone dans « Basic Instinct ». Les magazines affichent des seins au moindre prétexte, célébrités enceintes, célébrités contre le cancer, célébrités de plus de 50 ans dont les seins défient les lois de l’apesanteur… Bref, de quoi satisfaire les adeptes de la scoptophilomammophilie, « terme quelquefois utilisé en psychanalyse pour désigner le voyeurisme qui s’attache aux seins. » [6] Le champ des possibles est imprévisible. En Italie, La Cicciolina siégeait à la chambre des députés en exhibant ses avantages sans pudeur. En France, c’est la première femme élue à l’Académie Goncourt qui fût une des pionnières du sein nu sur scène. C’était au début du siècle dernier au Moulin rouge. Elle s’appelait Colette.
Qu’on les montre par provocation, pour gagner sa vie, pour revendiquer une égalité des sexes ou par amour du naturisme, les seins sont souvent mis en scène comme des objets inertes. S’ils gigotent beaucoup dans le porno, les seins y sont plus des réceptacles à éjaculation que de véritables organes de jouissance. La poitrine doit être appréhendée et choyée à part entière pour retrouver sa capacité à procurer du plaisir, d’abord à celle qui la porte.
[gris]Nathalie Olivier[/gris]
[gris]Notes : 1 Dominique Gros, Le sein dévoilé 2 Martin Monestier, Les seins, le cherche midi éditeur, 2001 3 idem 4 Friedrich Karl Forberg, philosophe et philologue allemand du XIXe siècle, auteur du Manuel d’érotologie classique. 5 Le petit Larousse de la sexualité sous la direction du Dr Sylvain Mimoun, 2007 6 Monestier toujours.[/gris]
[gris]Merci à Lili Castille, pour son billet, plein de sublimes photos de seins.[/gris]
Commentaires (5)
La photo est sublime !!!!
Très bel article et... beaucoup de tristesse en le lisant.
Un homme dont l’épouse a subi deux ablations et ne cesse de rêver aux bonheurs que sa lourde et ferme poitrine lui apportait...
Alors Messieurs penez soin de ces joyaux quelle que soit leur forme, taille,... Aimez-les et respectes-les. Au moins autant que votre femme.
Merci à toi pour cet article érudit !
Lili
...je dois dire qu’elle m’a séduit par sa jolie poitrine, qu’elle adorait dresser, huiler, caresser, masser, imposer, soulever, dévoiler, dénuder, devant moi...ils étaient comme des détecteurs de son désir dans nos ébats intimes...je les ai adulés sans compter, peut-être trop d’ailleurs et elle m’a quitté, en les gardant que pour elle...égoïste !!
...ma lionne sauvage se reconnaitra...avec beaucoup de regrets de sa décision, j’espère !
ton ex-voyou...abandonné !
cette photo donne envie .......