Les affranchies

Le 02/04/2010

Un vent souffle d’Amérique et nous dit qu’une femme de 40 ou 50 ans au bras d’un homme de 30 ans n’est pas une femme qui se paye un gigolo mais peut-être un couple d’amoureux. Désignées comme un phénomène et malheureusement pas encore comme une banalité, les amours de femmes mûres et de jeunes hommes ont encore beaucoup de chemin à parcourir, au regard de ce qu’il se passe de chaque côté de l’Atlantique.

Prédatrice ?

Avec un léger décalage horaire, les quotidiens et magazines féminins français accordent, depuis quelques mois, une place de choix dans leurs colonnes aux « cougars ». Depuis plusieurs années, c’est ainsi qu’on désigne aux USA les femmes qui s’affichent avec des hommes plus jeunes. Les américains, par essence, usent et abusent de néologismes et expressions pour qualifier les nouveaux phénomènes de société. Ce terme de cougar est donc la traduction du mot puma, prédateur par excellence du royaume animalier. Selon Cyndi Targosz, consultante en image, life coach et auteur américaine du best seller Date the younger men. A Complete Guide to Every Woman’s Sweetest Indulgence. paru en 2008 chez Paperback, le terme cougar a une origine bien précise : « Cela provient de l’équipe de hockey de Vancouver qui nommait ainsi les femmes plus âgées qui tentaient de s’infiltrer dans les vestiaires. » Autre terme à connaître : « cubs », qui signifie lionceau, et représente ces jeunes hommes objets de toutes les convoitises.

Les people porte-drapeau

Le phénomène cougar aux USA a surtout été mis en avant par la presse people. Demi Moore demeure la référence par excellence, depuis son mariage, il y a cinq ans, avec Ashton Kutcher, de seize ans son cadet. Idem pour Madonna mariée pendant 7 ans à Guy Ritchie, réalisateur anglais qu’elle précède de dix ans. Depuis son divorce, la chanteuse quinquagénaire bat des records en s’affichant désormais au bras du mannequin brésilien Jesus Luz, jeune éphèbe de 22 ans. Du côté d’Hollywood, l’année 2009 n’a jamais vu autant de films dont les premiers rôles sont interprétés par des femmes d’âge mûr. Jennifer Aniston prépare d’ailleurs un film Pumas, dans lequel elle jouera le rôle d’une trentenaire en quête de chair tendre, ironie du sort, Aniston a 41 ans. Autre exemple, la déplorable série américaine Cougar Town sur ABC avec Courtney Cox (ancienne héroïne de la série Friends) dans le rôle de la quadragénaire tout juste divorcée qui ne jure que par les garçons de 20 ans. Une série à l’humour potache qui a du mal à convaincre et n’approfondit en rien les rapports inter-générationnels, au risque de les stigmatiser.
L’engouement médiatique et cinématographique pour cette thématique est si unanime outre-Atlantique que l’hebdomadaire Newsweek a décrété l’année 2009, année de la Cougar.

Le tabou persiste

Ce phénomène est devenu l’enfant chéri des médias alors que les différences d’âge parmi les couples existent depuis la nuit des temps. Mais si cela est totalement accepté pour l’homme, la femme, elle, a toujours dû se cacher pour aimer un plus jeune qu’elle. Si déjà en 1967 le film Le lauréat évoquait une relation entre un jeune homme finissant ses études et la femme d’un ami de son père, la fiction était et reste toujours loin de se répandre autour de nous.
Il est tout de même enrageant qu’une pratique totalement anodine chez l’homme reste une curiosité, une extravagance ou pire une vulgarité chez la femme.
Le simple terme de cougar démontre les relents sexistes de notre société. On se gausse sur le couple de Demi Moore, alors que tout le monde passe à l’as le mariage récent de son ex mari Bruce Willis, 54 ans, avec Emma Emmings, mannequine de 29 ans. Pour citer la féministe américaine Gloria Steinem dans le New York Times : « Aussi longtemps qu’un groupe a besoin d’un adjectif alors que l’autre est la définition centrale pour toute l’humanité, nous avons du souci à nous faire. Et c’est hélas toujours vrai. » Bon nombre de femmes, telle Cyndi Targosz, détestent cette appellation « Le terme de cougar évoque le stéréotype de la prédatrice. Or dans la plupart des cas, ce sont les hommes qui font le premier pas et non l’inverse. J’ai dû me battre avec mes éditeurs pour le titre de mon livre, afin que les termes boy toy et cougar n’apparaissent pas. » En effet, Julia Veyron, amazone quinquagénaire californienne, affirme également que ce sont, depuis une quinzaine d’années, les hommes plus jeunes qui l’approchent : « C’est eux qui me courent après, je ne les poursuis jamais. » En 95, Miss Veyron s’est mariée à un homme de quinze ans de moins : « Ça m’a vraiment choquée au début, ce n’était pas facile, puis je m’y suis faite et je l’ai épousé ! De toute façon je trouve qu’il y a plus de choix chez les hommes plus jeunes. Les hommes de mon âge sont soit mariés, compliqués, moins flexibles ou ont trop peur de m’approcher. Certains hommes semblent intimidés par les belles femmes. Les hommes plus jeunes n’ont pas l’air d’avoir ce problème. »

Les atouts des femmes mûres

Il est vrai qu’il semble y avoir une connivence parfaite entre femmes plus âgées et hommes jeunes. Rolando, avocat brésilien de 32 ans qui vit à NYC depuis 3 ans, a de son côté toujours été attiré par les femmes mûres « Je pense que c’est dans ma personnalité, je suis depuis toujours entouré de gens de tous âges, j’ai un grand frère avec lequel je traînais tout le temps. Je pense que, de toute façon, le premier fantasme des adolescents ce sont les copines de la mère. J’ai toujours aimé apprendre et je vois la beauté partout et à tous les âges. Les femmes après 30 ans, 40 ans ont déjà bien vécu, un mariage, un divorce, des enfants, elles ne recherchent plus l’homme parfait. Elles sont avec un homme car elles le veulent vraiment, car elles sont attirées sexuellement. Elles connaissent leur corps parfaitement, elles sont moins dans le contrôle, donc elles éprouvent plus de plaisir. Et ce qu’un homme désire vraiment c’est faire jouir sa partenaire. Ce qui est plus difficile avec les filles plus jeunes qui se cherchent encore. » L’attraction sexuelle demeure inhérente à ces discours, les femmes après quarante ans se sentent d’autant plus compatibles avec leurs puinés. L’expérience, la connaissance du corps et de ses mécanismes leur ouvrent bien des portes. D’autre part, une nouvelle génération d’hommes a éclos dont les mères furent souvent féministes comme l’indique Cyndi Targosz « Bien que je n’aime pas généraliser, les hommes entre vingt et trente ans aujourd’hui ont été élevés pour respecter les femmes, ils les écoutent plus que leurs ainés et ont appris à dévoiler leurs sentiments. »

Petit traité d’entente

Il semblerait qu’il y ait quelques règles à respecter pour que ce type de relations fonctionnent. Le côté mère poule devant être écarté violemment, comme l’explique Julia Veyron : « Il faut vivre le moment présent, ne pas oublier de laisser à l’homme sa liberté, le respecter. Se rappeler quand on avait leur âge, à quel point c’était beau. Mais surtout les laisser devenir des hommes par eux-mêmes. Il ne faut pas les forcer à entrer dans votre vie, surtout si vous avez des enfants. A moins qu’ils assument vraiment. ».
Hélas les cougars sont déjà devenues un outil marketing. Quand on évoque par exemple L’International Cougar Cruise croisières au large des côtes américaines, qui permet de faciliter les échanges entre cubs et cougars le temps d’une traversée. Sans compter un grand nombre de sites de rencontres internet tels que : www.dateacougar.com, www.cougared.com et www.gocougar.com au succès retentissant. En France un nouveau venu www.allocougar.com est également entré dans la danse. Arrivées sur le site on tremble d’énervement à la lecture du petit texte de présentation, le vocabulaire de prédation est évidemment au rendez-vous : "Vous êtes une femme cougar à la recherche de nouvelles proies ? Inscrivez-vous gratuitement sur Allocougar.com et laissez libre court à vos instincts. Femme cougar : La chasse est ouverte !"

La scène arty new-yorkaise n’est pas épargnée. L’artiste Ryan McGuiness a décidé dans le cadre de 50PARTIES, cinquante soirées thématiques dans son atelier, d’en consacrer une aux cougars. « Le but était de revisiter la notion de salon dans mon atelier d’artistes, et d’inviter des cougars et des cubs à se mélanger. » Et il semblerait que ces relations qu’on appelle aussi ici « May-December » soient pérennes. Comme l’énonce enfin une des témoins du livre de Cyndi Targosz, de 88 ans, en couple depuis 14 ans avec un homme de 72 ans, quand elle répond à la question : Qu’arrive t-il quand vous vieillissez ? « Quand vous vieillissez, ils vieillissent aussi, donc ça ne sert à rien de se soucier. »

Pour que le phénomène cougar sorte de la foire médiatique une révolution semble nécessaire. Le jour où l’on considérera enfin que les lois de l’attraction sont les mêmes pour nous toutes et tous, qu’un sein de femme moins tonique équivaut à un ventre d’homme moins musclé, que la ride de monsieur n’a pas plus de caractère que celle de madame et le jour où le pouvoir économique sera vraiment partagé, peut-être que les cougars ne seront plus montrées du doigt. Peut-être que le terme lui-même se dissoudra dans la banalité. Restera le frein majeur : la question de la procréation...


[gris] Julie Boukobza[/gris]


Site de Cyndi Targosz www.starglow.com
Soirées Ryan Mcguiness http://50parties.com/
Site Cougar Town http://abc.go.com/shows/cougar-town


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Commentaires (2)

  • Marina

    Suis bien d’accord ! Ca devrait rentrer dans les moeurs et ne plus être montré du doigt...

  • Adrien’

    Frein majeur toi-même.
    Ces femmes, soit ont déjà eu des enfants, soit n’en veulent pas. Ces hommes, soit trouvent leur couple très bien comme ça, avec parfois les enfants déjà grands de leur compagne, soit n’en veulent pas non plus.