Qu’est-ce que l’un et l’autre ?
Le 23/02/2018
Parce qu’on assiste (héberluées, en ce qui nous concerne) à une volonté de scission sans cesse grandissante entre les femmes et les hommes (qui a démarré au XVIIIe siècle), il parait bon de revenir un instant sur les différences entre hommes et femmes. Qu’est-ce que l’un ? Qu’est-ce que l’autre ?
Le sexe génétique
Viennent d’abord les différences génétiques. Ce sont les chromosomes qui définissent le genre ; sur les 23 paires qui nous constituent, une paire dite sexuelle, permet de différencier le genre, XX pour les femmes et XY pour les hommes et tout particulièrement le gène SRY sur le chromosome Y. Ce sexe chromosomique se déclare à la 7e semaine de la vie embryonnaire.
Le chromosome X porte des centaines de gènes utiles à la formation de nombreuses parties du corps (et pas seulement l’appareil génital), ce qui n’est pas le cas du Y, moins riche, ayant perdu de nombreux gènes depuis ses origines. Si l’altération s’est stabilisée il y a environ 25 millions d’années avec une fonction réduite à la détermination du sexe masculin et la fabrication des spermatozoïdes, des scientifiques prédisent sa disparition (ça n’est pas pour tout de suite, pas de panique), tout en insistant sur le fait que les hommes pourraient se passer de ce chromosome, qui est - dans l’état des connaissances scientifiques actuelles - ce qui constitue génétiquement un homme et certains mâles ailleurs dans le monde animal (certains insectes mâles comme les cafards et les criquets n’ont plus de chromosome Y et se contentent très bien de chromosomes X).
Une équipe de l’université d’Hawaï qui a travaillé sur ce qui déclenche la différenciation de l’embryon (2 gènes, a priori) s’interroge sur ce qu’est la la masculinité et la nécessité ou non du chromosome Y, comme ils le disent dans un numéro du magazine américain Science paru en 2013 : « on peut s’interroger sur l’importance du chromosome Y dans la reproduction masculine. » Il est possible qu’un jour les chercheurs trouvent d’autres gènes qui interagissent avec Y et que sa disparition soit au final sans incidence sur la vie reproductive.
Les hormones sont un autre point essentiel des différences génétiques hommes / femmes. Elles induisent l’apparition de caractères sexuels secondaires à l’adolescence (seins, poils, voix, muscles, collagène …) et elles déterminent l’apparence des organes génitaux . Chez les hommes, les hormones, dites androgènes , regroupent la testostérone (20 fois plus élevée chez l’homme que chez la femme), la delta-4-androsténedione et la DHEA. Ces hormones agissent sur certaines parties du corps (pilosité, voix …), la fabrication des spermatozoïdes, la libido et certaines émotions. Chez les femmes, les ovaires sécrètent les œstrogènes, la progestérone, et également des androgènes sous forme de testostérone et de 4-androsténediones (avec l’aide des glandes surrénales) , dont le rôle porte en particulier sur la pilosité au niveau du pubis et des aisselles. Donc hommes et femmes partagent des mêmes hormones, dont les taux ne cessent de varier au long d’une vie : le taux moyen de testostérone dans le sang d’un homme de 20 ans est de 3 à 8 microgrammes par litre alors qu’il est en moyenne de 0,1 à 0,9 pour une femme. L’excès de production d’androgènes chez cette dernière entraîne une virilisation qui se manifeste par une hypertrophie clitoridienne et une altération de la voix qui devient plus grave. Mais avant l’adolescence et après ménopause et andropause, les écarts sont bien moindres. Pour rappel : avec une durée de vie qui s’allonge (ceux nés au XXIe siècle seront largement centenaires), hommes et femmes n’auront qu’une quarantaine d’années de vie avec des écarts dans la marge haute.
La variation de ces taux hormonaux est au coeur des débats dans les instances sportives pour arriver à déterminer si un athlète va concourir dans une catégorie féminine ou masculine. « Cela montre la similitude entre les êtres. Des parties des chromosomes X et Y semblent commander ce dosage relatif d’oestrogènes et de testostérone, créant ainsi un continuum entre le masculin et le féminin » selon Martine Rothblatt, docteur en médecine, juriste et vice-présidente d’un comité international en bioéthique.
Le sexe psychique
Quels que soient les taux d’hormones, il existe également un sexe psychique, celui ou un individu, dès l’enfance, ne se sent pas en adéquation avec son corps, où il se sent "enfermé" dans un mauvais corps. Cette transsexualité n’est pas encore expliquée, ni par les biologistes ni par les psychologues, mais elle est peut-être à rapprocher du travail des anthropologues sur les sociétés anciennes. On sait, par exemple, que les Amérindiens comptaient 5 genres : féminin, masculin, deux-esprits féminin, deux-esprits masculin et transgenre.
Le sexe social
C’est le sexe social qui fabrique les stéréotypes de genre et impacte considérablement notre société actuelle. Dès l’enfance, on façonne l’un et l’autre sexe à adopter les codes de son genre, lesquels mutent au gré des sociétés et des besoins politiques. On crée un idéal de genre, faisant advenir ce qu’il dit et nomme, en le martelant sans cesse pour le faire exister.
C’est ce que dénonce la philosophe américaine Judith Butler. Elle propose, à l’inverse, de valoriser de multiples genres et de multiples sexualités. Poussant plus loin le raisonnement, pour elle, le féminisme fait d’une certaine façon un travail contre-productif : « Vu l’insistance précipitée avec laquelle on table sur un sujet stable du féminisme où « les femmes » sont prises pour une catégorie cohérente et homogène, on ne s’étonnera pas que l’adhésion à la catégorie suscite de nombreuses résistances. Ces domaines d’exclusion font apparaître les implications coercitives et régulatrices d’une telle construction, même lorsque la construction a été entreprise à des fins émancipatrices. En effet, la fragmentation du mouvement féministe et l’opposition paradoxale au féminisme de la part des « femmes » que le mouvement prétend représenter montre les limites inhérentes à la politique identitaire. » Paradoxalement, le féminisme renforcerait l’idée d’une différence de genres, en voulant s’en libérer.
Martine Rothblatt défend l’idée que le troisième millénaire vera les orientations sexuelles évoluer « vers un modèle unisexuel, parce que les catégories hommes et femmes disparaitront (…). Avec ce continuum de possibilités sexuelles, les mots « gay », « hétérosexuel » ou « bisexuel » perdront toute signification (…). Dans le monde unisexuel, il sera clair pour tous que les préférences pour des positions sexuelles actives ou passives seront fonction de l’identité sexuelle unique de chaque individu et non pas de ses organes génitaux ». Il est probable aussi que, d’une part les robots sexuels et d’autre part, la reproduction bientôt totalement externalisée du corps de la femme, aident les uns et les autres à tendre vers cette liberté-là.
Appartenir à l’un ou l’autre genre de façon biologique et / ou psychique dans une telle souplesse d’esprit pourraient mettre fin à cette construction sociale moderne et pourtant contre-productive d’une différentiation hommes / femmes. Une fluidité de genres, la vision d’une complémentarité dans un modèle unisexuel seraient au bénéfice des deux genres, libérés des injonctions étouffantes et sclérosantes qu’ils et elles subissent au quotidien.
Nos différences biologiques sont trop tenues pour que cette différentiation fabriquée des genres puisse avoir un avenir qui dure ...