Entre mères et filles : les difficiles mots du sexe.
Le 24/09/2010
Certaines en parlent…D’autres, non. Entre gêne et pudeur, les mères semblent avoir du mal à trouver les mots pour parler de sexualité. Mais est-il vraiment besoin de « dire » pour se faire comprendre ? Certains messages de plaisir sont-ils délivrés d’inconscient de mère à subconscient de fille ? L’autorisation à jouir est-elle transmise par la mère ?
« Le jour de mes quatorze ans, raconte Célia, qui en a le double aujourd’hui, ma mère s’est plantée devant moi, les yeux pétillants : « Bon…Ma petite chérie », a-t-elle lancé. « Je me souviens t’avoir « briefée » sur la façon dont on fait les bébés…Mais je ne suis pas sûre de t’avoir précisé que faire l’amour avec un garçon est l’un des plus grands plaisirs de l’existence. A condition que tu aies un désir fou pour le jeune homme ». Elle s’est arrêtée ensuite devant ma mine rosissante. C’est la première fois qu’elle me parlait de ça », confie Célia, et je dois dire que je m’en souviens encore aujourd’hui ! Je n’avais qu’une envie : qu’elle s’arrête ! Difficile d’avoir les mots pour le dire, entre mère et fille. Encore aujourd’hui, 40 ans après la révolution sexuelle !
Parenthèse enchantée
« Le sujet a toujours été difficile, corrige la psychologue Maryse Vaillant (1). Sauf, peut-être, pendant la « parenthèse enchantée », après la pilule et avant le sida, de 1970 à 1986. Une toute petite parenthèse de libération sexuelle où l’on pouvait aussi se débrider par les mots. ». Aujourd’hui, entre le sexe paillettes façon lady Gaga et le puritanisme ambiant, il y a un fossé. « On ne parle pas ou très peu de vraie sexualité en famille » insiste Maryse Vaillant. Symptomatique de cette complexité, d’après la psy, le manque de vocabulaire à notre disposition. Entre le lexique graveleux (bite, couilles…), la terminologie romantique (minette, zizi…) et le vocabulaire médical. Mais il n’y a pas de « répertoire familial » de la sexualité, preuve en est qu’aborder le sujet du désir ou du plaisir n’est peut-être pas prévu au programme ».
Avec ou sans les mots ?
Mais est-il toujours nécessaire de passer par les mots ? Si dans certaines familles silence ou retenue sont de rigueur, le message passe malgré tout…d’inconscient à subconscient. La jouissance est-elle un joyeux virus transmissible de mère en fille ? Certaines n’ont pas attendu l’émancipation sexuelle pour jouir sans entrave. D’autres ont profité de l’époque des seventies pour découvrir leur désir…Ces femmes-là ont donné naissance à des filles à qui elles ont « transmis » ce doux goût pour le plaisir, sans même pourtant échanger un dialogue particulier avec elles. Un savoir « par-delà les mots ? Les psys et sexologues connaissent bien le pouvoir de « l’infra-langage », du langage des émotions et du corps. Ce sont des signaux bien plus puissants que les mots. Isabelle, 51 ans, qui affiche une sexualité très épanouie, n’a pourtant jamais échangé un seul mot des choses du sexe avec sa mère. « Mais, confie-t-elle, je l’ai observée, toute petite fille, quand elle se préparait le soir : l’odeur exquise de la poudre de riz, la lingerie fine, les talons cambrés… Elle se rendait à ses rendez-vous pleins de mystère. Parfois, je l’entendais rire avec ses amies, afficher un air épanoui, heureux et généreux. Tout ça a dû m’influencer… J’avais compris, poursuit Isabelle, sans que cela n’ait jamais été dit, qu’elle avait une sexualité heureuse…Et un rapport aux autres léger et délicieux. D’une certaine façon, c’est resté ancré en moi, et je n’ai recherché auprès de mes amants que la « bonne jouissance ». Jamais un quelconque réconfort matériel ou moral. Aujourd’hui, je sais que Cléa, ma fille de 23 ans, aime séduire tout autant que moi. Nous avons le même goût pour l’Eros. ».
Sandrine a eu un autre parcours. Sa mère, intellectuelle laissait trainer des livres partout, y compris de nombreux essais sur la sexualité. A 14 ans, elle avait déjà tout lu et compris l’intérêt de « la chose » : « Si je caressais distraitement, dans la conversation, un objet de forme oblongue, ma mère ne pouvait réprimer un sourire enthousiaste. Ça m’a suffit. Aujourd’hui je suis plus bavarde avec ma fille, parce qu’elle ose me poser des questions précises, mais je crois aussi qu’elle se sent libre de me poser ces questions car je dois certainement envoyer les bons signaux ». Signaux ou…accessoires ? Certaines fillettes, guettant toujours les signes de féminité chez leur mère, ont parfois l’œil sur des objets défendus… mais qui leur ouvrent les portes de l’imaginaire sexuel. Ainsi, Karine, qui n’a jamais douté de la profonde attirance entre ses parents. Entre deux portes, à la volée, elle surprenait sa mère se vêtant de guêpière, porte-jarretelles, culottes fendues et autres « attiseurs de désirs »… « Cela pourrait paraître obscène… Mais j’ai conscience, à 43 ans, de la chance que j’ai eue. J’entends si souvent mes amies se plaindre de n’avoir rien su de leurs mères. Et surtout d’être affublées d’une libido au-dessous de zéro ! ».
Injonction à ne pas jouir
La raison de la pudeur est-elle à chercher ailleurs ? Pour la psychiatre psychanalyste Marie Lion-Julin (2), l’entrée dans la sexualité inaugure une séparation radicale entre enfants et parents- et en particulier entre mères et filles, qui ont tant de mal à « défusionner » ! D’où le « frein » inconscient posé par les mères : « Imaginer sa propre fille en train de jouir, pour la plupart des mères, est compliqué, car la fille s’émancipe vraiment de cette façon. Avoir une fille qui continue à ne pas jouir, c’est peut-être aussi s’assurer qu’elle reste « la petite fille à sa maman » poursuit la psy. C’est ainsi que, inconsciemment, une forme de « frustration », de « tiédeur sexuelle » peut être véhiculée de mère en fille… comme un refrain transgénérationnel qui dirait en substance : « ne pars pas, reste avec maman ! ».
Qui ne connaît les petites phrases insidieuses, pernicieuses, répétées de bouche de mère à oreille de fille à longueur de génération ? Parmi elles, le ravageur : « Dans la famille, les femmes ne sont pas très intéressées par ça », accentué par le sempiternel « les hommes ne pensent qu’à ça ! ». Autre petite « gifle verbale », étonnamment fréquente, aux dires des psys, « toutes les femmes qui couchent sont des putes », qui vaut à nombre de filles un certain nombre de débâcles sexuelles quand ça n’est pas un petit ou long détour sur le divan ! Un scud, à entendre Émilie, 33 ans : « Je l’ai entendu très jeune, ce fameux « Les femmes qui couchent sont des putes… En particulier le jour où j’ai demandé à ma mère la permission d’aller dormir chez mon copain. Et nous étions dans les années 90 ! Ça ne m’a pas empêchée, bien heureusement, de prendre mon pied avec mon copain ».
« Attention ma fille »
D’après Maryse Vaillant, pourtant, les mots maternels ne suffisent pas à condamner ou sublimer une sexualité chez la fille. Il faut qu’ils soient accompagnés d’une attitude particulière, d’une invitation à la projection. « Dans mon livre « La répétition amoureuse », rappelle la psy, l’un des témoins, Julia, est d’une grande puissance sexuelle, et, dit-elle « très douée » au lit. En réalité, elle s’est identifiée inconsciemment à son père, très porté sur le sexe, d’autant plus que sa mère lui a toujours refusé le droit de porter des robes et des cheveux longs. Tout en lui disant « tu as tout de ton père » !
Marianne, elle, n’a pas été frustrée dans sa féminité… Mais elle se souvient encore du « bon conseil » prodigué par sa mère, l’année de ses seize ans, quand elle a commencé à sortir avec un garçon : « Dès que tu couches avec un garçon, il ne te respecte plus. Et quand tu perds son respect, c’est fini pour la vie ». J’avais appris par ailleurs, poursuit Marianne, de la part de ma tante que ma mère « n’était pas une chaude », et que, après son mariage, elle avait fait une grave dépression. Comme si le mariage se soldait par quelque chose de dramatique. En tout cas par une frigidité certaine. Cela ne m’a pas empêchée, raconte Marianne, d’avoir des relations sexuelles top, surtout pendant les « amourettes », à l’adolescence. Mais dès que la relation devenait plus sérieuse dans la durée, le sexe s’affadissait. Il n’y avait de place que pour le « sexe irrespectueux » ! Aujourd’hui, avec mon second mari, je lutte contre l’ennui au lit. Et j’ai dû m’offrir un amant ». Y aurait-il donc une relation entre le manque de plaisir des mères et…celui de leurs filles ? Pour la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc (3), le problème vient de la frustration maternelle :
« Les mères épanouies sexuellement ont toutes les chances de transmettre ce plaisir de la chair à leur fille- même sans en parler ! En revanche, si elles s’ennuient au lit, elles ne supporteront pas de voir leur fille accéder à un domaine- la jouissance- qu’elles se sont interdit ». La rivalité viendrait se nicher jusque sous la couette et peut débuter très tôt, pendant la petite enfance ! « Si la mère n’a pas de relation sexuelle satisfaisante avec son mari, elle peut même être intolérante au moment du complexe d’Œdipe, quand la petite fille se met à jouer à sa petite séductrice avec son papa. Ce qui est tout à fait normal à cet âge-là peut parfois rendre très malheureuse la maman- qui se met à se moquer des attitudes hyperboliques de sa fille, sur le thème : « regarde, cette petite peste, comme elle se tortille ! », poursuit Catherine Blanc. « Mine de rien, la fillette risque de se souvenir longtemps de ces petites phrases assassines ». Plus tard, au tout début de l’adolescence, ou quand la fille s’apprête à passer le cap de la « première fois », la mère frustrée est souvent là- inconsciemment toujours- pour la freiner plus que pour la libérer. Françoise Dolto ne disait-elle pas : « Dans une maison, les chats et les enfants comprennent tout ? ». Sous entendu : il n’est jamais trop tôt pour comprendre les messages inconscients délivrés par les mères ! « Entre mère et fille, on est dans le corps à corps : c’est au-delà des mots que cela se passe », rappelle Marie Lion-Julin.
Pudeur oblige...
Pour permettre à leurs filles d’accéder à leur propre « libération sexuelle », rien ne sert de lâcher des confidences crues sur ses prouesses sexuelles. Les mères doivent au contraire user de pudeur ! « Je pense, renchérit Maryse Vaillant, quitte à paraître réactionnaire, que les mots du sexe doivent être limités ; que mieux vaut en dire pas assez que trop ; que la meilleure des attitudes parentales est la retenue ». Inutile de déborder de confidences sur ses propres orgasmes… N’oublions pas que la sexualité des parents fait horreur aux enfants. Ce qui est finalement une réaction saine : le goût et le dégoût étant liés, cela signifie que l’enfant a bel et bien compris l’interdit de l’inceste » conclut la psy.
« Quand ma fille a été adolescente, vers 14 ans, raconte Mariette, qui a aujourd’hui 65 ans, je lui ai expliqué tout simplement que faire l’amour était l’aventure la plus merveilleuse qui soit. J’ai précisé que la relation que j’ai eue avec son père a été une formidable rencontre d’ordre physique. Et que j’avais aussi, par la suite, rencontré des hommes que j’avais follement aimés. Un autre jour je lui ai fait une confidence « amorale »… en lui révélant en chuchotant que, pendant quelques années, il m’était arrivé de sortir sans petite culotte ! Un autre jour, comme ça, en passant, je lui ai dit à quel point je trouvais dommage de voir les jeunes femmes consacrer toute leur énergie à leur carrière… « Il faut en garder pour le couple. A la fin de sa vie, souvent, on regrette de n’avoir pas suffisamment aimé », lui ai-je dit. J’ai « zappé » le mot « sexuel ». Mais je pense qu’aujourd’hui elle est très amoureuse de son mari. ». Quelques phrases plus crues parfois sont prononcées, par des mamans qui pourtant, ne disent jamais « je ». Garance, qui fête ses 40 ans cette année, se souvient comme si c’était hier de l’unique confidence « sexuelle » de sa mère : « Quand j’ai raconté, à vingt ans à ma mère que je n’aimais pas prendre la pilule, mais que je craignais tout de même de tomber enceinte elle m’a juste dit cela : « Tu peux utiliser bien sûr les préservatifs, mais certaines femmes aiment le moment de l’éjaculation, et sont frustrées de ne pas vivre l’acte sexuel jusqu’au bout. C’est peut-être un hasard, conclut Garance mais j’aime beaucoup ce moment où je me sens « inondée ».
Tout comme le déplaisir, le plaisir se communique aussi au-delà des mots. « Il ne faut pas sous-estimer la transmission inconsciente, renchérit avec force la psychologue Béatrice Copper-Royer (4). Une mère scotchée à ses enfants, qui réclame encore des câlins même quand ils ont passé l’âge, révèle malgré elle qu’elle n’est pas très heureuse en couple. Alors qu’une maman heureuse illico va les pousser d’elle-même vers l’ailleurs… ». Reste après cela à exprimer du plaisir dans tous les domaines de la vie. Porter de jolis sous-vêtements en soie, avoir les yeux qui brillent, quand on nous interroge sur notre relation avec son père, goûter à un bon petit plat, s’exclamer : « Qu’est-ce qu’on est bien ! Quel plaisir on a à vivre tous ensemble ! Qu’est-ce que je suis gourmande ! », dire à sa fille qu’elle est jolie, tout cela est peut-être plus important qu’on ne l’imagine.
Car c’est la « haine de soi » et de leur propre féminité qui pousse les femmes à interdire inconsciemment la jouissance à leurs filles : « Si l’on veut faire de nos filles des « jouisseuses », il est important de véhiculer auprès d’elles l’image d’une « bonne féminité », celle d’une femme forte, désirante et active dans sa sexualité », raconte Maryse Vaillant. Et non pas celle d’une féminité maudite et victime que les femmes, parfois à leur corps défendant, se transmettent souvent de génération en génération, et qui donne lieu à toute une rhétorique anxieuse et phobique anti-sexe !
La transmission de cette « bonne féminité » passe, non seulement par les « mots du sexe », mais, très tôt, chez les petites filles, par ceux de la conception et de la naissance : « Quand on raconte aux fillettes que le papa glisse sa graine dans le ventre de la maman, on leur fait imaginer la femme comme un terreau à fertiliser ! On nie leur part active dans la sexualité aussi. En revanche, quand on leur dit que la graine du papa et la graine de la maman font un bébé, c’est différent. La fille peut se sentir active. Elle sent qu’elle a un sexe et un pouvoir. Nier ces mots-là, c’est faire de la fille un être qui « reçoit », qui est d’emblée victimisée, et qui risque d’être très tiède au lit. »
Le bel héritage
Très tôt, donc, la petite fille saura décoder chez la mère l’autorisation au plaisir ou au déplaisir. Certaines mamans « transpirent » la frustration, l’amour besogneux… d’autres au contraire dégagent des envies communicatives. Nous sommes loin des injonctions des médias à vouloir nous « normer ». Dans la réalité des choses, il y a celles qui d’une façon ou d’une autre attendent encore le prince charmant, chargé de donner la jouissance, et celles qui, parce qu’elles ont reçu ce précieux héritage maternel, sont jouisseuses-nées, dans la vie comme au lit ! Émancipées, pleine de désir, épanouies, elles s’affirment… comme des chefs. Si ces femmes libérées sur tous les plans lèguent à leurs filles l’appétence du plaisir, et si ces filles le transmettent à leurs propres enfants, on obtient de génération en génération une authentique chaîne de libération féminine. Sans calicot, sans banderole, mais dans l’intimité feutrée d’une chambre close…
[gris]Sophie Thomas[/gris]
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Bibliographie :
(1) co-auteure avec Sophie Carquain de La répétition amoureuse-sortir de l’échec éd. Albin Michel). Co-auteure également de Entre sœurs, une question de féminité (Albin Michel) et de Vivre avec elle, mère et fille racontent (éditions de la Martinière).
(2) Psychanalyste, auteure de Mères, libérez vos filles (Odile Jacob)
(3) Auteure de La sexualité des femmes n’est pas celle des magazines (éd de la Martinière)
(4) auteure de Premiers émois, premières amours (Albin Michel).
Commentaires (10)
J’ai eu une double éducation : très libertaire du côté de mon papa. Toujours associée aux discussions de grands, je ne comprenais pas toujours... mais voir ma belle mère réprimander mon père m’a donné le goût de l’interdit. Je me délectais de ces histoires de sexe sans bien les comprendre.
Un jour (je devais avoir 8 ans), après avoir réprimandé mon père, elle m’a glissé à l’oreille.. "Tu verras Mathilde c’est meilleur quand on l’a dans la bouche"
15 ans plus tard, cette phrase est toujours un running gag, signe de notre complicité. Et je ne la remercierais jamais assez de m’avoir décomplexée !
Vers l’âge de 4 ans, j’ai posé à ma mère LA question qui, pour la plus part d’entre nous, marque les débuts de l’apprentissage de la sexualité : "Maman, comment on fait les bébés". J’avais plus ou moins entendu des histoires d’abeilles et de cigogne auxquels je ne croyais pas le moins du monde, j’avais vu ma mère enceinte de ma petite sœur. Mais je ne m’attendais pas à une réponse aussi crue.
Ma mère a toujours été contre les petits mensonges qu’on raconte au enfant.
C’est ainsi que j’ai appris que lorsque qu’un homme et une femme décide d’avoir un enfant, l’homme met son sexe dans celui de la femme et il laisse des spermatozoïdes (espèce de petits têtards) qui vont féconder l’ovule … et ainsi de suite jusqu’à l’accouchement. Elle ne m’épargna ni les déchirements ni les douleurs, m’expliquant vaguement que l’acte sexuel était source de plaisir.
Je me rappelle de ma tête déconfite face à la brutalité de la vérité nue et d’une certaine déception due au fait qu’elle n’ai pas essayé de d’édulcoré un peu les choses. Mais je savais.
Malgré sa feinte décontraction, elle m’avait répondu avec une certaine précipitation, une certaine dureté que j’ai comprise bien plus tard. Ma mère n’était pas à l’aise avec le sujet, mais elle se faisait un devoir de donner une éducation "féministe" à ses filles (elle ne l’a jamais défini comme tel, mais c’est de cela qu’il s’agissait).
Tout au long de mon enfance et de mon adolescence, elle s’est toujours efforcée de répondre de la manière la plus exact possible à mes questions. Très tôt, je savais nommer toutes les parties de mon corps.
Il fallait savoir pour se protéger. Alors un jour, en revenant de l’école, j’ai trouvé un livre sur la sexualité expliquée aux 9/12ans et un autre pour les 14/16ans. J’avais environs 10ans. On y apprenait avec des schémas comment étaient fait les organes génitaux, comment se passaient les rapports sexuels, le fonctionnement de la contraception, ce qu’était une MST et bien sûr "comment on fait les bébés".
Il fallait aussi savoir pour s’épanouir. Je me rappelle d’une discussion, sortie de tout contexte, au cours de laquelle ma mère m’expliqua qu’elle avait une amie qui s’était masturbée très jeune. Pour sa part, elle n’y prenait pas goût. Toutefois elle trouvait « bien » le principe de la masturbation, car on apprenait seule à découvrir son corps. Elle conclut par une phrase dont je me souviens encore « il n’y a aucun mal à la masturbation ». Jusqu’à aujourd’hui, je ne comprends pas pourquoi elle m’en avait parlé : le lieu ne s’y prêtait pas et le sujet n’avait été amené par rien du tout.
J’avais 13ans et j’entendais toutes mes amies s’indigner des "femmes qui se touchent". Ce jour là, elle me donna une sorte d’absolution. Elle ne le sait pas, mais grâce à sa dernière phrase, épanouissement sexuel il y a eut. Je me suis découverte simplement et sans honte.
On a toujours parlé de sexualité avec ma mère. Je savais que la sienne n’était pas très épanouissante. J’évitais de lui en demander les raisons : je ne voulais pas en savoir trop. Mais à mesure que je devenais femme j’en apprenais les aléas et je comprends mieux maintenant la manière dont elle a appréhender avec moi la sexualité.
J’ai une mère qui, lorsque nous étions petites, adorait nous pincer affectueusement le pubis, elle disait aimer cet endroit bien dodu et soyeux. Elle aimait bien nous toucher le corps en général. Et ça ne ressemble pas du tout à de la pédophilie, on avait simplement un contact très charnel, et je crois que ce simple geste à fait que plus tard je n’ai pas eu de problème à demander à mes copines plus en avance que moi de refaire avec moi ce qu’elles avaient appris avec les garçons, sans non plus me sentir ni lesbienne ni bi, mais juste bien avec mon corps et curieuse d’avoir très premières expériences dans les meilleures conditions. Du tout aujourd’hui, je suis à l’aise avec tout, je ne crois pas avoir trop de tabous, et je ris jaune de voir qu’aujourd’hui le comportement de ma mère serait vécu comme hautement suspicieux. Ses gestes ont été pour moi une vraie aubaine et je souhaite que d’autres mères puissent toucher leurs filles sans se sentir coupables.
Toute petite je rêvassais et me posais des tonnes de questions. J’essayais d’imaginer des choses "qui n’existaient pas encore". Un jour, alors que j’avais environ 5 ans, je cru avoir fait une découverte majeure. Je suis allé trouver ma mère, pleine d’enthousiasme, et lui ai parlé de ma dernière invention : "maman ! est-ce que le pénis d’un monsieur peut entrer dans le vagin d’une madame ? Ce serait drôle d’essayer !". Il est clair que ma maman avait dû me parler rapidement de l’aspect biologique des genres avec une fille comme la sienne. Je me souviens de prendre mon bain avec elle et lui poser des questions sur ses seins, qu’elle me laissait toucher, innocemment, par curiosité. J’avais une fascination aussi pour cet endroit étrange, aux poils denses et sombres, que je regardais seulement. Suite à ma question donc, ma mère, à la fois sage et candide, me raconta l’acte d’amour. Elle en parla de telle façon que, à mesure que mes yeux s’agrandissaient et que mon cœur s’emballait, mon désir de vivre de tels moments croissait. Elle en parla presque comme d’une histoire mystique, magique, mais cette fois, contrairement aux contes de fées qui semblaient trop loin de notre monde, cet acte, d’amour, de volupté et d’infini, serait à ma porté un jour. Après ce moment magnifique, où ma mère me donna l’Amour de l’amour, je n’eus que de l’impatience ; je rêvais au jour où je pourrais enfin me marier (car elle avait bien sûr ajouté cet élément dans l’équation !) pour pouvoir faire l’amour où, quand et comment je le voudrais, autant de fois que mon corps me le réclamerait !
Bien que ses propos furent teintés d’une vision conservatrice, concernant le mariage notamment, ses mots et la liberté qu’ils exprimaient m’ouvrirent un monde de possibilités merveilleuses. Je devins une jeune fille pour qui les fantasmes n’attendaient que le bon moment.
Nous avons continué d’en parler bien sûr, entre autre un jour où je lui ai fait part de ma nouvelle "invention" en lui demandant si les gens avaient pensé à mélanger leur langues en s’embrassant ! Elle a cependant refusé de me servir de cobaye, avec un grand sourire, en m’expliquant que c’était réservé aux "amoureux", malgré mon insistance et mon grand désir de mettre en pratique ma dernière trouvaille. Toutefois, avec l’adolescence, une distance s’est installée, qu’elle a respecté. Je lui ai écrit une lettre un jour, que j’ai glissé dans le tiroir de sa commode, dans lequel je me libérais de ma culpabilité face à la masturbation. Dans la lettre je lui demandais de ne pas m’en parler, jamais. Ce qu’elle fit, me délestant du coup d’un poids qui m’étouffait.
J’offris donc ma virginité à l’homme que je voulais, où je voulais, au moment où je le voulais et quand je l’ai voulu et je fais donc partie de la minorité qui se souvient de sa première fois avec bonheur ; c’est un cadeau de ma mère et je continue à l’entretenir. Oh et, je n’étais pas mariée !
Je travaille dans un sex-shop. A ce titre, je vois une population très variée qui m’oblige à sortir de ma vision personnelle et étriquée des choses.
Ma mère, ex-féministe, a toujours employé un vocabulaire cru, m’a appris très tôt comment faire usage de mon sexe, et n’a jamais donné de priorité à un "comment on fait les enfants" sur un "comment prendre un pied maximal".
Cependant, je ne me verrais pas du tout parler de sexualité avec elle, longtemps pour moi la sexualité devait se construire hors du champ parental, dans un domaine tu et caché. Ce n’était pas tant la joie de créer un tabou là où il n’y avait pas lieu d’être, c’était plus une vision de l’individu qui doit construire sa sexualité en rupture avec son apprentissage.
Bref. Tout ce petit magma cérébral n’a pas tant d’importance, il ne concerne que mon individu propre.
Le fait est que je vois très fréquemment des files venir en boutique avec leurs mères, et se faire payer des sex toys qu’elles n’auraient pas les moyens de se payer seules. Même si ce n’est pas le modèle que j’ai décidé de vivre avec ma mère, je ne peux m’empêcher d’être touchée par leurs fous rire, leur entente et leur façon de se conseiller mutuellement.
Non, ma mère n’a pas été ’initiatrice’ de ma sexualité. Sur ce point, j’ai l’impression d’avoir appris toute seule. En fouillant dans les livres des "grands" à la bibliothèque. J’avais très jeune une sorte de ressenti des choses du sexe. j’avais compris ce que faisaient mes parents lorsqu’ils fermaient la porte de leur chambre (contrairement à mon petit frère qui régulièrement allait toquer à leur porte "vous faites quoi ???"
Mon premier souvenir "sexuel" vis à vis de ma mère, c’est lorsque vers 5 ou 6 ans je jouait à touche pipi avec un voisin plus âgé que moi (qui lui était loin d’être innocent sur la question), et que ma mère a raconté cet épisode en public à des amis, devant moi. J’étais extrêmement génée, car même jeune, je comprenais que j’avais fait qqc de ’gênant’. Depuis cet épisode j’ai caché à ma mère tout ce qui avait trait à ma découverte de la sexualité. Ses explications sur comment on fait les bébés ne m’ont apporté qu’un peu plus d’explications sur ce que j’avais déjà compris.
Sur l’aspect plaisir, ma mère n’a jamais caché que le sexe devait être un plaisir à partager à deux, un acte d’amour avant tout. Chez nous, les câlins étaient habituels et mes parents s’embrassaient et se calinaient sans soucis devant nous. Pas non plus de pudeur, nous nous sommes promenés nus dans la salle de bains jusqu’à ma pré adolescence. J’ai ainsi pu découvrir avec mon petit frère à quoi ressemblait un sexe de (petit) garçon.
Et puis j’ai grandi. Avec l’âge sont venus les tabous, la pudeur. De mon frère, puis de moi lorsque ma mère m’a surprise le sexe rasé (pas totalement), et a pris un air choqué que je fasse ça ’si jeune’. La masturbation, j’ai découvert très jeune (12 ans) sur des forums (internet a été un énorme terrain de découverte du sexe et de ses états). Ma mère n’en a jamais rien su - du moins nous n’en parlions pas. Premier copain, première fois, j’avais 15 ans. Lorsque je lui ai appris, un an plus tard, que j’avais passé le cap, je l’ai sentie très triste. Comme déçue. Cela m’a conforté dans le fait de garder pour moi ma vie sexuelle.
J’ai continué à avoir ma vie. Très libre et plutôt mature sexuellement, j’ai eu de nombreux copains et relations plus ou moins longues, plus ou moins approfondies. ma mère pendant des années - et je pense encore aujourd’hui - s’est interdite de voir la réalité concernant ma vie sexuelle. Je pense qu’au fond elle m’envie de cette liberté et cette capacité à découvrir sans complexes (elle a été très complexée étant jeune), mais a (eu) peur qu’il m’arrive quelque chose, que je ne me fasse pas respecter, que je ne sache pas faire la part des choses entre mon intérêt et les mecs "obsédés" de sexe.
J’ai envie de lui dire maman, rassure toi, j’ai fait des expériences pas toujours très positives, je me suis même parfois mise en danger, et ce sous ton nez, mais il ne m’est rien arrivé.J’ai une vie sexuelle que je pense équilibrée (même si ma psy dirait que mes troubles adolescents et certaines conséquences aujourd’hui pourraient venir de ma mère), et même si à 18 ans j’avais expérimenté plus que toi à 50, je vais bien. Merci de m’avoir fait grandir sans complexes et avec une grande confiance en moi, une curiosité immense et une notion du respect de moi même et de l’autre.
Ma mère ne m’a pas vraiment transmis un message clair sur le sexe. Je crois qu’elle voulait tellement nous protéger (ma sœur et moi) que j’ai l’impression d’avoir entendu toute mon enfance un message sous entendu du genre « il faut faire attention aux garçons », « les garçons c’est dangereux ». Le plaisir, que nenni mon enfant. D’ailleurs, je soupçonne la sexualité d’être absolument inexistante chez mes parents. Je me permets de dire cela, car j’ai dormi à coté de leur chambre pendant des années et je n’ai jamais rien entendu (hormis le ronflement de mon père). Et je n’ai jamais trouvé ma mère en porte-jarretelles dans la salle de bain, non non. En pyjama devant la télé, oui.
Mais revenons à nos moutons. Elle ne voulait pas du tout nous faire peur, j’en suis sure, mais elle a toujours été (et elle est toujours) hyper-protectrice.
Heureusement, elle eu la bonne idée de m’offrir alors que j’avais une dizaine d’années un livre sur la vie sexuelle qui était heureusement, un bon bouquin. Il parlait à la fois anatomie, physiologie et plaisir. Je l’ai lu et relu très longtemps.
Malgré cela (car un livre n’est pas suffisant), j’ai grandi avec la peur des garçons. Je ne suis sortie avec personne durant tout le collège et le lycée. J’étais « pucelle » de tout. Pas facile à vivre. Le tout sous le regard de ma mère qui guettait le moment où je « ramènerais un petit copain ».
En parallèle, ma sœur (cadette de trois ans), elle, ne se gênait pas. J’ai souvenir d’une fois où, ma mère m’a dit avant de partir travailler « il faudra les déranger, hein, je compte sur toi » en parlant de ma sœur et de son copain qui restaient enfermés tout l’après midi dans la chambre. Je pense que son pire cauchemar aurait été que l’une de nous deux tombe enceinte. Je crois qu’elle se voyait déjà nous emmener au planning familial.
Heureusement, cela ne risquait pas d’arriver pour moi, car j’étais tout ce qu’il y a de plus innocente. J’ai découvert mon clitoris à l’âge de 17 ans.
Aujourd’hui, j’ai 24 ans. J’ai rencontré mon copain à 20 ans, quand j’ai enfin réussi à me « libérer ». Il a été mon premier pour tout. Et j’ai une sexualité très épanouie, bien que ça n’ait pas été facile au début. Je ne sais pas comment j’ai réussi à me « libérer » (je ne trouve pas d’autre mot). Ça s’est fait progressivement, et puis un jour je me suis jetée à l’eau.
Je suis sure que oui, la mère transmet un message inconscient à sa fille, puisque j’ai vécu avec le message « sexualité = danger » pendant quasiment 20 ans, sans jamais apercevoir une once de désir chez mes parents. Mais tout le monde ne réagit pas de la même manière puisque ma sœur a eu une vie sexuelle très jeune et sans complexe – sans doute pour braver ma mère ; tandis que j’étais tout le contraire. Je ne sais pas trop comment l’expliquer.
J’espère transmettre un autre message à ma fille (si un jour j’en ai une) pour ne pas qu’elle vive cela.
Bravo à Leelou qui est la gagnante du concours. Rendez-vous sur le dossier de la semaine consacré à l’infidélité pour participer à un nouveau concours.
Oh mon Dieu, je ne m’attendais pas à une telle révélation intérieure en lisant cet article.
En fait, je suis COMPLETEMENT sous l’influence de ma maman... complètement ! J’ai 22 ans, je n’ai jamais eu de copain, et je me suis toujours demandé pourquoi. J’ai peur d’eux, je n’ose pas les approcher, leur parler... Enfin, presque. (je suis pas non plus le stéréotype de la coincée, je sais très bien parler de sexe avec mes amies - même si je n’ai pratiquement rien à dire).
Ma maman a eu deux expériences dans sa vie. mon papa à 27 ans (je vous dis pas le temps qu’elle a attendu !) et mon beau-père. Tous les deux alcooliques, tous les deux dingues.
Elle ne nous a jamais caché la vérité sur le sexe (nous sommes 5 enfants - 3 filles et 2 garçons) mais elle ne nous a jamais expliqué le désir, le plaisir, le fantasme, la jouissance, l’orgasme... A 15 ans, je ne savais pas encore ce que c’était. Mais paradoxalement, j’ai toujours ressenti ces sentiments sans jamais oser les laisser vivre, en les étouffant. Sauf pour la masturbation, que j’ai connu très tôt (de moi-même).
Ma soeur aînée a eu un parcours très libertin, très précoce. Ce qui a fortement déçu ma mère et qui fait qu’elles ont toujours été en conflit. Mon autre soeur elle, a suivi un parcours normal, plutôt banal. Mais a tout de même réussi à l’orgasme puisqu’elle m’a confié quand elle avait 16-17 ans, qu’elle l’avait atteint (et j’étais plutôt choquée).
Aujourd’hui, je remarque que j’ai toujours été LA PURITAINE. Je ne devais pas la décevoir puisqu’elle l’a toujours été par ses deux autres filles. Et ce n’est qu’à 22 ans que je le remarque ! C’est incroyable ! J’espère de tout mon coeur pouvoir enfin vivre une vie de femme désirable et désirée... Mais en plus de ma mère, j’ai un problème de poids qui me complexe comme jamais...
En ce moment même, je ne sais pas si j’arriverai un jour à sortir de sa carapace à elle ! Elle a été tellement déçue par les hommes... Comment ai-je pu accepter de me construire avec ses erreurs à elle et non les miennes ? Je n’ai pas eu l’occasion de vivre de belles choses. Elle si, malgré tout.
Une sutolion : taxer les plus values mobilières de moins d’un an à 100%. Finis les déficits, finie la spéculation financière, finie la misère.