Point d’harmonie ou de divergence ?

Le 19/11/2010

Le point G est-il une mythologie contemporaine voire le Graal sexuel de toute femme ? Rendez-vous à New York pour un cours de pratique plus ou moins pratique sur la question, et résolument régressif. Une ville où trouver un atelier point G est presque aussi facile que de s’inscrire à un cours de yoga. Peut-être trop facile justement...

Avant-propos

On ne peut guère affirmer, en ce dimanche soir glacial new yorkais que la première envie eut été de participer à un atelier sur le point G et l’éjaculation féminine. Mes amies auxquelles j’en avais parlé le jour même étaient tout aussi perplexes que moi, elles l’évoquaient comme le Triangle des Bermudes, un mythe tenace autour d’une zone mal identifiée, une envie d’y croire et de se méfier comme de tout dogme ou avancée technologique. Même ma psy s’était écrié « Ça existe encore cette histoire de point G ! » quand je lui avais parlé de mes plans.

Mise en bouche

Me voici donc devant la porte à Soho à 19h30, un dimanche soir je le répète, dans l’une des succursales de Babeland, boutique dédiée au plaisir. C’est une jeune femme replète moulée dans un tee shirt jaune criard, code couleur de cette chaîne (avec le rose), qui me reçoit. A l’intérieur, une quinzaine de personnes sont déjà installées sur des chaises pliantes, pour ce cours qui coûte 35 dollars. En majorité des femmes entre 30 et 35 ans, mais aussi un couple et deux hommes seuls arborant des alliances scintillantes. Nos éducatrices sexuelles se présentent : il y a ici Amy et Natalie. Amy est grande et brune, et possède une voix de crécelle un brin agaçante, Natalie est petite, blonde et bien ronde. Toutes deux ont de lourds tics de langage : elles ponctuent toutes leurs phrases de « Awsome » (génial) et « Fun » (drôle). Des béquilles verbales censées alléger le propos. En tant que femme française de 30 ans, il faut savoir qu’il est difficile en faisant ce type de compte rendu de ne pas glisser dans la peau de Houellebecq, époque « Extension du domaine de la lutte » parlant de sexualité féminine. Tout ici donne l’impression que nos éducatrices sexuelles s’adressent constamment à des petites filles. Plus que le contenu, c’est leurs intonations, leur gestuelle et leurs gimmicks, qui donnent à ces leçons des allures de cours de pâte à sel. La mise en bouche est subtile, Amy et Natalie nous demandent de hurler à l’unisson : « Cock ! Pussy ! Ejaculate ! Nipples ! » afin de nous déniaiser. En avant-propos, elles dénoncent les médias qui remettent souvent en cause l’existence du point G, cette zone ultra érogène découverte par le docteur Gräfenberg en 1950 et popularisée dans les années 80. Selon Amy et Natalie, « Il existe des orgasmes internes et externes ». La leçon commence par un cours d’ « anatomie du plaisir ». A l’aide d’une grande vulve en peluche rose framboise, nos deux éducatrices nous donnent quelques clefs : « Pénis = clitoris puis, point G = prostate »

Télé achat

A peine commencé, l’ambiance télé achat de cet atelier démarre sur les chapeaux de roues, Natalie nous suggère déjà l’acquisition du livre « The Clitoral Truth ». Après une description détaillée de cette peluche magique, où l’on nous explique ce qu’est la vulve, où se trouve le clitoris « la seule partie du corps dédiée au plaisir », son capuchon, et quelques conseils comme : « Toujours uriner après un rapport sexuel », on nous dévoile enfin ce mystère. Le point G serait simplement l’éponge urétrale, une membrane de la paroi vaginale ou comme certains l’attestent une extension des parois du clitoris. La meilleure manière de le trouver étant de le chercher manu militari. On pourrait penser que là commence le moment gênant, où toutes les filles vont devoir se toucher en public… Hélas rien de tout cela ! Déferle simplement une musique de gym tonique et nos deux comparses de s’exclamer « c’est l’heure de la gymnastique du périnée ! » En effet la maîtrise des muscles du plancher périnéal permettrait d’accéder à plus de plaisir. Mais afin de découvrir le point G de manière tangible, Amy ne jure en premier lieu que par la masturbation et nous fait une démonstration tel un cours de Air Guitar, en agitant en l’air son majeur et son index rapprochés « Voici les deux doigts de "Come hither" ! » (invitation sexuelle tendant à dire à quelqu’un : rapproche toi). Puis elle nous suggère, toujours en théorie, d’insérer ses dits doigts à l’intérieur du vagin à 5 centimètres de profondeur environ et légèrement recourbés vers la paume, jusqu’à la sensation d’une zone plus rugueuse que le reste, « telle une noix. » Pour exemple elle prend un autre organe, la bouche, et nous invite à sentir cette zone moins lisse qui se trouve juste derrière les dents avant le palais. Natalie renchérit « Si vous sentez que vous avez envie d’uriner c’est que vous avez atteint le bon endroit. » Mais bien entendu cette recherche du plaisir doit se faire dans des conditions optimales. Amy nous confesse « Je suis une grande fan de l’éclairage sexy ! » Des bougies un peu partout, comme celles vendues chez Babeland qui lorsqu’elles se consument deviennent huile de massage… Dans cette autre séance de pub, Natalie nous conseille à son tour un film porno vendu ici en nous rappelant que 1 femme sur 3 consomme du porno aux USA, le chariot des desserts se terminant par un lubrifiant indispensable, à base d’eau, également estampillé Babeland.
Une fois qu’on est donc bien équipé, et que surtout on a un minimum de temps devant soit on peut donc s’adonner à une séance royale de masturbation. Amy ne s’arrête pas aux deux doigts du « Come Hither » pour nous électriser, il y a aussi d’autres « positions » tels les Scissors (ciseaux) , ces mêmes majeurs et index qui se rapprochent et s ‘écartent à l’intérieur du vagin. Le « Wish Bone » (l’os des vœux) qui consiste à utiliser les deux mêmes doigts magiques mais cette fois-ci écartés. Le « Windshield wiper » en français l’essuie-glace. Le « Swirl » ou un mouvement rotatif à l’intérieur et enfin le « Jack Hammer », même mouvement que le « Come Hither » mais plus énergique car partant de l’épaule et non du poignet. Pour celles qui ne goûtent pas le côté low tech de la masturbation manuelle, le télé achat reprend, Natalie et Amy nous conseillent différents types de vibromasseurs comme le Gigi et un autre plus dur en métal. Des coussins pour le sexe nous sont même proposés au cas où certaines d’entre nous auraient des problèmes de dos. « Awsome ! » C’est l’heure du break, 15 minutes nous sont accordées pour faire une pause, voire acheter en toute tranquillité et demander des conseils aux vendeuses.

Le magicien d’Oz

Au retour, nous avons le droit au clou du spectacle une reprise du classique musical « Over the Rainbow » version point G. Nathalie et Amy se mettent à chanter « Somewhere over the rainbow I will find the G –Spot ! » Je suis bien la seule à être gênée, autour de moi les jeunes femmes sont hilares. La sexualité aux États Unis s’apparenterait donc bel et bien à un remake du magicien d’Oz ! Pourtant l’étape suivante concerne la stimulation du point G avec son partenaire. Natalie commence « J’adore la communication hors de la chambre avec mon partenaire. L’important c’est que vous restiez POSITIVES. Dans le lit par contre c’est dur de sortir du champs du plus fort, plus vite, plus lent etc.. C’est pour cela que l’on adore le parler cru. » Amy ajoute « Entrainez-vous, en vous regardant dans le miroir susurrez-vous des mots cochons. » Prochains conseils : le sexe anal. « So much fun ! » nous rappelle Natalie. L’Amérique étant un des pays les plus hygiénistes du monde, les conseils sur la partie anale de l’iceberg ne concernent pratiquement que les excréments qu’on pourrait rencontrer. Comment les éviter, les gérer, ne pas s’en offusquer, et au cas où notre portefeuille serait encore plein, il est possible de s’offrir des gants en latex noir pour opérer. Il semblerait qu’on s’éloigne un peu du point G mais qu’on se rapproche de plus en plus des névroses américaines…Enfin on conclut ce cours magistral par une démonstration cauchemardesque dispensée par nos deux nouvelles meilleures amies. Natalie enfile à travers ces cuisses charnues une ceinture godemiché, Amy s’installe sur une table avec un coussin pour soutenir son dos et toutes deux nous régalent des positions sexuelles les plus courantes au cas où l’on aurait besoin d’un récapitulatif en répétant encore et toujours la même maxime, puisqu’ici le comique de répétition fait fureur, « Practice makes perfect » (Rien ne vaut la pratique !). Sans oublier quelques détails sur l’éjaculation féminine, trop souvent ignorée, résultat d’une bonne stimulation du point G, tout en soulignant que éjaculation n’est pas forcément synonyme d’orgasme. On n’évoque hélas pas ici la femme fontaine, un concept peut-être trop européen. Dernière phrase : dernier achat recommandé. On n’échappe pas au livre de Deborah Sundahl, grande prêtresse du point G. Il est 21h30 je suis rompue. Hélas pas comme après une bonne partie de jambe en l’air.

Quête personnelle

En rentrant chez moi, pour le moins frustrée par cette expérience, je me rendis vite compte qu’il existait aussi de vrais ateliers. Deborah Sundahl, toujours la même proposait des ateliers pouvant durer de 1 à 5 jours et coûtant entre 100 et 450 dollars. Reine de l’auto promo elle les présente ainsi : « Mes ateliers sont dispensés par des professeurs particuliers chez des gens ou lors de séminaires. Pendant ces ateliers les femmes ou les couples (si c’est un atelier pour couples uniquement) mettent en pratique ce qu’ils ont appris lors de leurs cours. J’ai fait un atelier pendant une journée complète à Paris et les dix femmes présentes ont pu voir leur point G, le trouver avec leurs doigts et se faire une idée sur ce qu’était la sensation érotique à cet endroit là. Chaque femme pratique sur son propre corps. Elles ont réussi à trouver ce dont leur société réfute l’existence. Croyez-moi, elles étaient extatiques ! » Les ateliers pratiques, aussi angoissants qu’ils puissent paraître existaient donc ! Et ces simples classes ne seraient donc qu’une solution alternative, moins onéreuse, permettant de s’initier au monde merveilleux du point G. Les trois quarts des sexologues new yorkais auprès desquels je m’adressais ne semblaient pas si intéressés par la question. Heureusement le Dr. Michael DeMarco accepta de me parler, il ne pouvait confirmer ou infirmer l’existence du point G, mais évacuait par ses paroles pas mal d’angoisses. « Nous avons la preuve que chez certaines femmes il y a des zones antérieurs du vagin plus sensibles, qui font partie du canal vaginal. Mais pas chez toutes les femmes ! Le clitoris est la source du plaisir sexuel et a un grand nombre de terminaisons nerveuses. Mais ces terminaisons mènent au corps. Certains chercheurs pensent que le point G est l’arrière du clitoris. En apprenant à connaître les zones érogènes de son corps, à l’intérieur et à l’extérieur, vous contribuez à votre épanouissement sexuel. Mais il ne faut pas s’angoisser en se demandant si on a trouvé son point G ou non… On doit arrêter de penser avec l’héritage freudien qui veut considérer l’orgasme vaginal comme idéal et l’orgasme clitoridien comme immature. Peu importe le type de stimulation pourvu qu’elle mène au plaisir. Et ça ce n’est pas un mythe ! »


[gris]Clara Hops[/gris]

Références :

Sites :
www.babeland.com
www.deborahsundahl.com
Docteur Michael DeMarco : www.mytherapist.info

Livre :
Tout savoir sur le point G et l’éjaculation féminine de Deborah Sundahl, (Tabou Editions, France)

DVD :
Le Point G et l’Ejaculation Feminine de Deborah Sundahl (Tabou Editions, France)

Commentaires (3)

  • epicurienne

    ouah....article tres interressant, vraiment ces americains me surprendront toujours autant. j’etais a new york il y a 15 jours je n’ai pas pu assister a ces ateliers.
    A en croire l’article cela se fait aussi sur Paris ? pourrais je avoir les coordonnées pour un seminaire entre copines...mieux que les reunions tupperware !.
    vraiment je crois qu’il faut arreter de se focaliser sur ce fameux point G , l’important c’est de prendre son pied et qu’importe l’endroit tant que le plaisir est là. a trop vouloir le trouver on en oublie l’essentiel...le sex c’est un jeu, il faut se laisser aller au plaisir. Mesdames n’oubliez pas que c’est vous qui vous autorisez a jouir, ce n’est pas monsieur ou madame qui vous fait jouir mais bien vous.

  • Morte de rire

    C’est a hurler de rire ! Et si on lançait de nouveau ateliers absurdes ? Point de salut sans orgasmes avec feuilles de rose par exemple ? Ou Comment ça, vous jouissez sans stimuli des tétons, vous passez à côté des vrais orgasmes madame !

  • Wonder Why

    Pas de cadeau à gagner cette semaine ? Pas de vibro spécial point G pour mettre en pratique ?