lettre de Pierre à Marie
Le 16/04/2013
Marie,
Vos dernières pensées ne laissaient point de doute
Quant à la passion qui brûle votre corps,
Vous m’y affirmiez vous adonner encore
A la caresse intime, dont vous étiez absoute.
Vous remémorez-vous cette chaude journée,
Où de vos chaperons vous étiez l’otage ?
Vous l’aviez passée sur la côte sauvage,
Arpentant les rochers et guettant la marée.
Votre ami observait le blanc immaculé,
De la robe d’écume aux volants ajourés,
Recouvrant votre peau de broderie anglaise.
L’étoffe lancinait mon esprit éperdu,
Soulignant le dessin d’un corps comme la braise,
Dont je désespérais de saisir la vertu.
Marie,
Le tango incessant des vagues océanes,
Parsemait son écho au pied des falaises,
D’où un air alourdi faisait poindre un malaise,
Et imprégnait les chairs d’une moiteur insane.
De nos corps accablés les senteurs assassines
Exhalaient leurs parfums comme une frêle brise,
Au souffle de laquelle à jamais s’harmonisent
Votre fragrance intime et l’iode marine.
C’est ainsi qu’éthérée jusques au crépuscule,
Vous avez en secret, par un doux préambule,
Eveillé mon émoi au gré de l’océan.
Votre robe engorgée d’embruns odorifères
,
Essaimait les effluves du puits de vos onguents,
Sensuel encensoir, creuset de vos mystères.
Marie,
Dans l’ambiance nue de la mer à l’étal,
A travers une brume étrange et vaporeuse,
J’ai vu choir à vos pieds sur la roche poreuse
Votre enveloppe chaste et linge virginal.
Une fleur exaltée sans ses frêles pétales
Inondait cette scène aux lueurs mielleuses ;
De votre gynécée une huile onctueuse
S’épanchait lentement dans l’onde vespérale.
A vos yeux scintillait la prière muette
De me voir admirer votre alcôve secrète
Où vos doigts attisant la sensuelle ferveur
Caressaient impromptus l’écrin de la vertu.
En résonance émue à l’intime candeur,
Aussi chaud qu’un tison, je m’étais dévêtu.
Marie,
Au secret des rochers nous avons exploré
Le plaisir partagé des trésors interdits –
Nos mains en quatuor, en parfaite harmonie
Couraient à la surface de nos corps dénudés.
Ebloui par la chair et ses reflets ambrés,
Je goûtais à l’ivresse aux fruits de l’inédit ;
Et, au scherzo charnel de cette symphonie,
J’ai béni votre autel de blanche volupté.
Nous nous sommes alors effondrés au jusant
Où nos bras enlacés au soleil rougeoyant
Ont achevé l’étreinte en caresses marines.
Des flots océaniens nous avons émergé,
La peau immaculée par les ondes salines,
Sensuellement absouts du plus doux des péchés.
Marie,
Vous m’avez depuis lors confessé les plaisirs
Qui consument vos chairs et érodent votre âme –
Les falaises d’Armor ont vu naître une femme
Dans l’osmose incendiaire du feu de vos désirs
Lorsqu’au souffle divin des vents océaniques,
Arrachés aux confins de votre sanctuaire,
Ardente chrysalide et diamant éphémère
Ont péri dans l’abside en fracas volcaniques.
Je m’en suis retourné à la roche où le vice
Avait assassiné innocence et malice ;
Sur la pierre affleurait l’empreinte fugitive
De nos amours lascives, au rythme des marées.
Chaque jour en soirée votre absence me prive
D’une folle dérive à vos bras délurés.
Marie,
Il me tarde à présent d’avoir de vos nouvelles.
[gris]P. Eiffel[/gris]