"Sexe et Art", le débat SecondSexe

Le 02/10/2009

SecondSexe et Terrafemina organisent un colloque qui sera animé jeudi 8 octobre par Catherine Millet et Bettina Rheims, sur le thème « Art, sexe et féminité ». L’inscription est close, mais nous mettrons rapidement en ligne une série de vidéos des meilleurs moments.

La représentation du sexe.

« Et si la sexualité était le principal moyen d’accéder au bonheur et à la liberté de pensée ? » se demande Fabrice Bousteau [1], divulgant par cette interrogation la place majeure de l’Eros dans l’art, depuis les premières représentations de phallus et de vulves de la Préhistoire. Il forme avec son pendant, Thanatos, un duo rémanent qui fusionne dans la « petite mort ». « Au-delà du simple sujet (motif) artistique le sexe est partie prenante des processus de l’art lui-même » [2]. Mais comment apparaît-il ? Pour Fabrice Bousteau, « on est passé d’une époque où le réel du sexe était interdit à la représentation, à une époque où l’on sur-représente un sexe fictionnel ». De fait, les images qui nous parviennent tous azimuts via la consommation et la communication, n’ont plus grand-chose à voir avec le réel, en ce sens que nous ne nous projetons pas en elles, et encore moins notre plaisir. Que nous montrent donc les cimaises actuelles ? L’obscène (et son corollaire la censure), qui n’est pas une invention récente, arpente toujours les galeries et les musées d’art contemporain. Pas une exposition qui ne recèle ne serait-ce qu’un fragment d’éros. Pas un cache-sexe qui n’ait été arraché. La nudité, la différence des sexes, l’homosexualité, la transgression, l’auto-érotisme… tout est à découvert. Artistes, femmes et hommes, ont tous les droits. Surtout depuis Duchamp qui voulut remplacer tous les ‘–ismes’ de l’art par celui d’érotisme, pour montrer enfin ce qui était toujours caché.

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© Natacha Merritt

Le sexe à l’inaction

« Le pornographique ne serait, proprement, que le déshabillage, la dénudation, le désornement de ce qui, ailleurs et autrement, n’est qu’habillé, orné, étoffé, analyse Georges Molinié. (…) On fait voir du voir. » Pour Freud, si la représentation des parties génitales est excitante, elle n’est jamais considérée comme belle. C’est un fait qu’aujourd’hui, la beauté, tout ou moins décorative, flatteuse, n’est pas le souci premier de nos artistes contemporains. Pour ce qui est de l’excitation, rien en vue non plus ! C’est que l’art reste à l’état de figure, impénétrable, intouchable, inodore, d’où cette perpétuelle frustration : on sort rarement sexuellement excité d’une exposition surtout quand le sujet en est précisément érotique. Le spectateur est parfois choqué, quelques fois interloqué, souvent blasé, rarement érotisé. Le problème est qu’on cherche tous la même chose : on guette notre jouissance à travers les yeux d’un autre, comme pour l’assurer, la figer, dans une quête absolue, insoluble. « Nous ne saurons rien de l’essence de l’amour ni des mystères de la jouissance féminine », se lamente le critique d’art Bernard Marcadé. « Nous ne serons conviés qu’au spectacle figé et répétitif d’actions de passions n’ayant pour seule épaisseur que celle de l’image. »

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Le Girl power ou l’immanence de l’œuvre toute puissante.

Bien plus que la question de la jouissance féminine dans l’art, la position de la femme artiste est sujet à questions et à revendications comme en atteste l’exposition « Elles@centrepompidou ». Expositions de femmes, commissariat féminin… on a parfois l’impression de pénétrer dans un ghetto, comme si le regroupement était la seule alternative. Pour certain(e)s il faut en passer par le quota ou le regroupement genré pour que s’exprime la voix de la femme. Le risque n’est-il pas de niveler les talents, de noyer les œuvres, ou d’inventer de toute pièce une artiste là où il n’y a qu’une femme ? Pour d’autres en effet la question du Masculin / Féminin serait dépassée, effacée par la puissance de l’œuvre elle-même ou par le hiatus entre le sexe biologique et les nouvelles identités revendiquées. Andy Warhol s’interrogeait déjà : « De même qu’avoir des rapports sexuels, être un être sexué est un dur labeur. Je me demande s’il est plus difficile 1) pour un homme d’être un homme, 2) pour un homme d’être une femme, 3) pour une femme d’être une femme, 4) ou pour une femme d’être un homme.(...) J’imagine que ça doit être passionnant d’essayer de changer de sexe, mais il peut être passionnant de garder celui qu’on a ». Aussi, que signifie être une femme artiste ou un artiste femme à l’heure où, en apparence tout au moins, les codes se mélangent ?

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© Louise Bourgeois

Matriarc’art

Autrefois, la position de la femme dans l’art était celle de muse ou de modèle, capable de s’adapter aux désirs masculins. Ainsi Hans Bellmer qui au début des années 30, pousse cette disponibilité jusqu’à inventer sa Poupée, « une fille artificielle aux multiples possibilités anatomiques capable de rephysiologiser les vertiges de la passion. Ainsi les femmes artistes sont des exceptions jusqu’au XXe siècle, (hormis les interprètes, chanteuses, danseuses), des femmes à tous points de vue hors normes. Très vite, en acquérant une place dans les Beaux Arts, elles en ont embrassé les enjeux sexuels et sexués. Louise Bourgeois (1911-) a ouvert la voie de l’explicite : représentation d’organes sexuels et d’actes, sans faux-semblant. Sa Fillette, phallus géant sculpté de ses mains, se fait totem, objet à la fois sacré et attachant. Ce que Catherine Millet attribue à une attention au réalisme plus prononcée chez la femme que chez l’homme, se vérifie : depuis les années 70 en particulier, les artistes femmes ont modifié la représentation du corps féminin, éloigné du fantasme et de l’idéalisation masculine. Le canon au sens propre comme au figuré disparaît sous leurs doigts au profit de corps tour à tour fragiles et puissants, bruts, nus, pleins, vivants. Presque toujours, le regard est bienveillant, voire aimant.

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© Sarah Lucas

Ainsi, au-delà de la représentation du corps, la question de la liberté du corps et de sa réappropriation a également été le moteur de leurs œuvres. Nombreuses artistes mettent même leur propre corps à l’œuvre, investies à part entière dans leur art. Niki de Saint Phalle, Cindy Sherman, Bettina Rheims, Nan Goldin, ou encore Annette Messager, Sophie Calle, Marlene Dumas, Betty Tompkins, Sarah Lucas, sont quelques unes des artistes phares qui adressent les questions de la représentation de la femme comme être sexuellement différent et désirant. Cinquante ans après l’émancipation féminine, il semble que les femmes s’attachent plus à affirmer leur position d’artiste, à revendiquer leur égalité sur l’échiquier du marché de l’art, qu’à exprimer leur singularité de femme, et qui plus est leurs désirs intimes. Si tel était le cas, ne verrait-on pas plus de représentations masculines, corps d’hommes servant la sexualité féminine ?

Sophie Bramly et Aurélie Galois

1 : Sexes, images-pratiques et pensées contemporaines, Beaux-Arts magazine/Livres, 2003. 2 : Marie-Laure Bernadac & Bernard Marcadet, introduction du catalogue Masculin/féminin, 1995, Beaubourg.

Commentaires (2)

  • Cléa

    L’homme dans l’art religieux est toujours ( ? ), en tous cas, souvent dénudé devant des femmes, elles toujours couvertes de la tête aux pieds et quasiment en extase. MAIS ( Les majuscules ne sont pas une faute de frappe ! ) ces hommes sont toujours en souffrance : il n’est que de voir tous les crucifix et autres saint Jean Baptiste transpercés de flèches. Pourquoi donc ce mariage incongru( ? ) de la douleur et de la représentation très érotisée du corps de l’homme ?

  • Anonyme

    En apparence les codes se mélangent certe, mais dans le fond la femme n’est elle pas objet par rapport au status de l’homme ? L’égalité est elle présente actuellement ou les préjugés n’ont pas changés ? La femme peut elle exprimer sa sexualité plainement à travers son metier ou son intimité ?