Le Manoir, conte de fées pour adultes IV
Le 16/09/2010
Véranda.
Élise changeait. Elle réalisait à quel point chaque visite chez Sonia faisait d’elle un être différent à chaque fois. Ou plutôt, elle avait le sentiment profond que le manoir de Sonia ne lui révélait rien d’autre que sa vraie nature, et faisait enfin germer une petite graine exotique qu’elle n’avait jamais pris la peine d’arroser. Néanmoins ces transformations, surtout les deux dernières visites, la conduisaient à poser sur elle-même un regard souvent chargé de honte et de mépris. Sonia n’aurait pas aimé cela, elle le savait et elle avait presque l’impression de la trahir lorsque ces pensées lui venaient à l’esprit. Que se passait-il ? Pourquoi n’arrivait-elle pas à trouver la paix ? Elle décida un jour d’aller s’en ouvrir à Sonia. Oui, Sonia était sage et pourrait l’aider. Sonia avait sans doute déjà vécu tout cela. Elle s’habilla à la hâte et courut chez sa voisine.
Sonia ne la jugea pas, ne se moqua pas d’elle, ne lui conseilla rien. Elle l’écouta juste sans rien dire. Lorsque Élise eut fini de lui expliquer ses tourments, elle sourit et lui dit doucement :
— Il serait bon de savoir garder nos désirs et nos interdits dans deux bocaux hermétiquement fermés, de telle sorte qu’ils ne soient jamais en contact. N’est-ce pas ? Il serait également bon que les uns et les autres nous appartiennent vraiment, et ne soient pas seulement le reflet de ce que d’aucuns appellent la morale, ou les bonnes manières. Tenez, aujourd’hui, j’ai quelques invités dans cette magnifique véranda que vous voyez là-bas. Ils sont charmants, je pense qu’ils vous apprécieront et réciproquement.
Élise commençait à avoir l’habitude des messages cachés de Sonia. Sans dire un mot, elle entra dans la véranda. Elle y trouva six hommes et six femmes entièrement nus, le visage masqué. Certains hommes étaient en érection, et les femmes les touchaient, des rires fusaient. Lorsqu’ils se rendirent compte de sa présence, ils eurent tous un mouvement de surprise. Certaines femmes poussèrent un petit cri et détournèrent le regard. L’une d’elles s’approcha, l’air réprobateur.
— Mais enfin mademoiselle, vous êtes habillée ! C’est totalement indécent, d’où venez-vous ainsi ? Allez, soyez raisonnable et découvrez-moi tout cela, nous sommes entre personnes civilisées, pas entre sauvages. Et cachez-moi ce visage, mon Dieu ! Comme si cela se montrait !
Élise était stupéfaite. Ils étaient nus comme des vers, et choqués qu’elle se présente devant eux habillée et à visage découvert. Sans chercher à comprendre, elle se déshabilla entièrement et mit le masque que la femme lui tendait. L’atmosphère se détendit, elle entendit des ouf de soulagement. La femme parut apprécier.
— Merci, vous m’avez fait peur un instant, j’ai cru que vous étiez une de ces folles, vous savez… Venez, nous étions en train de discuter.
Elles s’approchèrent du reste du groupe. Élise tenta de faire bonne figure. Engager la conversation avec cet étrange aréopage n’était pas une affaire facile.
— Euh… Cette véranda est vraiment magnifique…
Ils la regardèrent avec des yeux horrifiés, comme si elle avait avoué avoir tué sa grand-mère. Il y eut un silence gêné. La femme qui était venue l’accueillir prit la parole pour briser la glace.
— Bien mais… Faites attention à ce que vous dites je vous prie, nous ne nous connaissons pas. Bon, parlons de choses plus correctes, ce sera mieux. Avez-vous vu la bite de cet homme ? Vous aimeriez qu’il vous la mette ? Moi j’aimerais beaucoup, je ne l’ai pas encore essayé mais il m’a promis de me baiser tout à l’heure, dans ce canapé. J’en mouille déjà, regardez.
Elle prit la main d’Élise et la porta sur son sexe qui était effectivement humide. Les autres reprirent leur conversation, apparemment soulagés. Une femme murmura à l’oreille d’une autre :
— Cela me rappelle une fois, tu ne vas jamais le croire, où un jeune homme entièrement habillé, je t’assure, m’a demandé l’heure !
— Quelle horreur… Ils ne savent plus quoi faire pour choquer, maintenant.
Élise en resta muette de surprise. Elle écouta plus attentivement de quoi parlaient les divers invités et réalisa que la conversation dite correcte n’était en fait qu’une litanie d’obscénités, que tous débitaient sur un ton cordial, comme s’ils avaient parlé de la météo. Elle se rendit compte aussi que la plupart de leurs gestes évoluaient vers des caresses de plus en plus poussées. Un homme avait pris les seins d’une femme dans ses deux mains. Une autre était derrière lui et le caressait. La femme qui l’avait gratifiée de ce commentaire sur la taille du pénis d’un autre homme s’était mise à le chevaucher et continuait à commenter ses attributs.
— Elle est vraiment… grosse… là quand je descends… à fond... je la sens…
— C’est vrai ? dit une autre venue assister à la scène. Tu me la feras essayer ? Pour l’instant il y en a un qui me lèche mais j’aimerais bien qu’il m’enfile, je ne sais pas s’il va le faire enfin.
En effet, il y avait un homme entre ses jambes, qui comprit son message et s’exécuta immédiatement. Elle parut soulagée.
Un homme s’approcha d’Élise, l’air détendu.
— Bonjour, nous ne nous connaissons pas, on dirait. Je m’appelle John. Vous avez une jolie petite chatte, dit-il en introduisant d’office un doigt. Et déjà mouillée, on dirait. Venez, je vais vous baiser, tenez, je bande très dur. Il prit la main d’Élise et la posa sur son sexe, comme pour la convaincre. Décidément tout le monde joignait le geste à la parole.
Elle eut un recul, et ne sut que répondre. A chaque fois qu’elle disait quelque chose de normal, tout le monde avait l’air outré. Heureusement à ce moment-là, un autre homme entra dans la pièce, également masqué. Élise profita de l’occasion pour tenter une sortie.
— Euh pas tout de suite, je lui ai promis à lui qu’il me baiserait en premier, vous comprenez ?
— Ah, d’accord, je ne savais pas. Bien, on verra tout à l’heure, de toute façon il y en a une là-bas à qui je vais faire sa fête, vous pourrez lui demander ce que ça lui a fait. Bonne baise !
Tout était clair maintenant. Les codes étaient renversés, tout ce qui relevait de la conversation d’ordinaire anodine était jugé obscène, ainsi que le fait de porter des vêtements ou de montrer son visage. Par contre, tout ce qui concernait la nudité et le sexe était absolument normal et naturel. Elle en était de moins en moins surprise. Les hommes et les femmes qu’elle avait rencontrés étaient maintenant tous plus ou moins en train de faire l’amour dans toutes les positions et combinaisons possibles. L’homme qui lui avait parlé en dernier se faisait lécher tout le corps par une femme, sans doute celle à qui il avait promis de faire sa fête. Ensuite en effet, il la prit successivement par ses deux autres orifices. Elle vit une femme à genoux écarter les cuisses de sa voisine et y enfoncer un objet oblong. Deux hommes se caressaient et s’embrassaient, puis l’un d’eux descendit doucement sa bouche le long du torse de son compagnon. Elle tourna la tête. Le volume des cris augmentait. Seul le dernier arrivé restait seul, n’ayant encore trouvé personne avec qui s’accoupler. Elle se demandait comment faire pour participer à cette réunion et l’inviter à y participer aussi, lorsque la femme du début vint lui parler.
— Ça ne va pas, tu ne t’es pas encore faite baiser une seule fois, est-ce que tu t’ennuies ? Il y en a un là-bas qui vaut carrément le détour, j’ai failli m’évanouir quand il me l’a mise, je te jure. Tu devrais y aller.
— Non euh, je pensais plutôt aller… essayer… celui qui vient d’arriver là, tu vois ?
— Très bien, viens, je vais te présenter ! Tu m’as l’air timide.
Aussitôt, elle l’attrapa par la main et l’amena près de l’inconnu.
— Salut ! Tiens regarde, il y a une nouvelle qui ne sait pas bien quoi faire ici, elle ne connaît personne, elle aimerait bien que tu la baises. Tu devrais la prendre en levrette, tu fais ça si bien. Allez cocotte, mets-toi en position, tu vas voir.
Élise obéit, de plus en plus habituée à ce vocabulaire chargé d’obscénités, et se mit à quatre pattes. L’homme se mit à genoux derrière elle, et la caressa, puis glissa deux doigts dans son sexe, très doucement. La femme était restée là et commentait.
— Alors, elle mouille ?
— Oui, c’est déjà trempé, regarde.
— Ah oui, en effet. Je crois qu’elle attend que tu lui mettes, vas-y. Je vais la caresser pendant ce temps.
Ce qu’il fit immédiatement. Élise sentit le choc se propager de son bas-ventre dans tout son corps, et eut à peine le temps de reprendre ses esprits qu’un autre se produisit, énorme. La femme avait glissé ses doigts contre son sexe et massait son clitoris.
— Alors, tu as vu ? Tu la sens ? Tu vas voir, on va te faire jouir comme jamais.
Élise n’écoutait plus. Tout le monde baisait à qui mieux-mieux dans cette pièce, elle comprit, et c’était bien. Elle remercia intérieurement Sonia de la délicatesse de ses invités. Elle se concentra sur les coups de boutoir qu’elle recevait et qui la dévastaient chaque fois un peu plus, puis se laissa aller alors que le rythme accélérait. La femme la caressait toujours de ses doigts experts. Ses cris se mêlèrent à ceux des autres, puis la pièce disparut.
[gris]Fairy Tale[/gris]
© Silvio Tamberi - Fotolia
Commentaires (2)
Je suis fan de cette série de nouvelles si originale, merci à l’auteur.
Très belle série en effet. J’adore aussi. C’est original et bien écrit.