Homme à louer : épisode 22
Le 08/03/2010
Une pluie de confettis accueillit Héléna et Edouard à la sortie de la mairie. De tous les côtés les invités criaient : « Vive les mariés ! ». Et le couple descendit le perron de l’hôtel de ville sous un déluge d’applaudissements et un orage de sifflets. « Vive les mariés, vive les mariés ! » répétaient en chœur les bouches hilares.
Parmi ceux qu’on trouvait agglutinés près du bâtiment municipal, une jeune femme particulièrement excitée projetait à tout va des serpentins de toutes les couleurs en direction des nouveaux conjoints. Ses cheveux de jais, aux boucles savamment calamistrées, se balançaient sur sa robe jaune. Et lorsqu’elle sautait pour projeter le plus loin possible ses rubans verts, rouges, roses ou bleus, ses seins, jaillissant de son corsage, rebondissaient à qui mieux mieux tels deux ballons gonflés d’allégresse. Par moments, elle cessait brutalement ses bombardements. Alors, semblable à une sirène en goguette, elle enlaçait un beau jeune homme blond qui se pressait contre elle, l’embrassait à pleine bouche. Cinq secondes après, reboostée, elle reprenait de plus belle ses lancers.
Quelques semaines plus tôt, allongée sur son lit, la jeune femme languissait pourtant dans une mélancolie des plus noires. Ne venait-elle pas d’apprendre qu’on allait la renvoyer ? Et devant ses yeux gorgés de larmes, son imagination troublée faisait défiler les suites probables de cette terrible disgrâce. Retour dans son pays natal, retrouvailles avec ses parents, contraintes imposées, mariage arrangé... Pour fléchir le sort elle invoquait tous les saints. Mais les saints restaient sourds à ses prières ! Et Héléna frappa bientôt à sa porte. « C’est l’heure ! Dépêchez-vous ! »
En sortant de la chambre avec sa grosse valise, Anita croisa le regard de sa patronne. Regard dur, inexorable. Regard implacable de juge fusillant une coupable. Or qu’avait-elle fait pour mériter une telle sévérité ? Était-ce si grave de fouiller dans les affaires de monsieur Édouard ? (voir épisode 20)
Madame, d’une main sèche, lui avait tendu l’enveloppe qui contenait sa dernière paie sans le moindre commentaire. L’instant d’après, Anita se tenait seule sur le trottoir. Déboussolée la jeune femme demeura d’abord, durant de longues minutes, littéralement clouée sur place. Puis, rassemblant le peu de courage qui lui restait, elle se dirigea vers l’entrée du métro. Sa démarche ressemblait alors aux pas chancelants d’une martyre qu’on flagelle. De fait, arrivée sur le quai, elle se trouva trop mal. Elle trébucha, s’étala de tout son long sur sa valise. Et un vide sans fond l’avala. La chute lui parut interminable.
Enfin une voix, une voix qui venait de très haut comme le Saint-Esprit et qui prononçait son prénom, se fit entendre. « Anita, Anita, vous allez bien ? » Était-elle morte ? Rêvait-elle ? A travers la buée de larmes qui voilait son regard il lui semblait néanmoins distinguer, auréolés par la lumière blanche des néons de la RATP, les traits familiers de Quentin. Non…Était-ce bien lui ? Elle n’eut pas le temps de douter davantage. Deux grandes mains la saisirent sous les bras. Deux yeux bleus plongèrent dans ses yeux. Et une bouche qu’elle aurait voulu mordre la questionna avec douceur. Sans se faire prier, entrecoupant son récit de crises de sanglots, elle conta son malheur. « Eh bien, ma chère, je rentrais chez moi, dit en riant le jeune homme. Venez. Je vous invite ! »
Le studio de Quentin, situé dans le VIe, était des plus modestes. L’escort réglait ses loyers grâce à ses extras. Ce qui lui restait servait à payer les livres, les DVD qui s’accumulaient en mini tours de Pise, à tous les angles des murs (murs recouverts au demeurant de posters à la gloire de groupes de rock anglais des sixties et des seventies). Il faisait déjà presque nuit quand ils arrivèrent. En allumant une lampe, le jeune escort déclara tout de go à Anita qu’il ne la laisserait pas repartir avant le lendemain matin et qu’il coucherait sur le canapé et elle dans son lit. Elle regarda le lit en question situé à l’angle de la pièce vis-à-vis du canapé et fit signe que c’était impossible. Quentin s’indigna. « Je connais bien votre pudeur, qu’est-ce que vous croyez ? Tenez ! » Et d’un petit placard il sortit un grand rideau de laine noire qu’il se mit immédiatement à punaiser aux murs et au plafond. Le lit étant désormais protégé contre les regards indiscrets, impossible de refuser.
Surveillée par l’image du Christ (image qu’elle s’était permis de scotcher sur la face d’un guitariste effrayant qui aurait pu lui causer des cauchemars) Anita dormit d’un sommeil d’ange. Les premières lueurs de l’aube, filtrant entre les stores des velux, l’éveillèrent vers six heures du matin. Durant quelques secondes elle se crut encore chez Héléna. Le souvenir de ce qui s’était passé la veille lui revint peu à peu. « Mon Dieu, songea-t-elle alors, comment ai-je pu accepter de dormir chez ce garçon ? » Sous les draps elle se découvrit en sous-vêtements. Elle retrouva son jean et son pull roulés en boule au pied du lit. Elle les remit discrètement, se recoucha. « Si jamais je dois me lever, se rassura-t-elle, je serai parée. » Puis, incapable de se rendormir, elle se mit à épier les bruits perceptibles derrière le tissu noir. Il y avait les rumeurs de Paris qui s’éveille. Il y avait le tic-tac d’une horloge. Il y avait la respiration de Quentin. La respiration de Quentin ! Il était là, tout proche d’elle, et elle couchait dans son lit ! Elle en fut soudain effrayée. Car peut-être l’escort n’était-il pas si gentil que ça ? Peut-être faisait-il semblant de dormir ? Peut-être allait-il se lever ? La violer ? A cette pensée des palpitations la saisirent. Et d’une main fébrile elle écarta lentement le rideau.
Dans la pénombre, dévoilée par une couverture qui avait glissé, son œil repéra sur le canapé une masse de chair étendue sur le ventre. Cette masse de chair était nue. Et dans le mol abandon du sommeil, elle se soulevait à un rythme apaisé, régulier, rassurant. Le rideau retomba. Une brusque bouffée de chaleur accablait à présent Anita. Une mouille abondante coulait entre ses cuisses. Et dans ses oreilles la respiration de Quentin s’amplifiait de façon insoutenable. Elle se voyait devenir folle ! Elle plongea sa tête dans l’oreiller. Hélas ! aussitôt les odeurs du jeune homme (dont l’oreiller était plein) achevèrent de la bouleverser ! C’en était trop. Elle n’y tint plus. Le jean enlevé, la culotte baissée, sa main droite commença son œuvre qui fut rapide. Anita caressait son clitoris en se calquant sur la respiration de son hôte. Elle revoyait sa chair puissante en reniflant dans l’oreiller les fragrances de sa peau. Elle se sentait reliée à lui par d’indéfectibles attaches, par un sentiment écrasant, absolu. Oh oui, elle l’aimait ! Elle l’aimait comme une chienne, comme une reine, comme une esclave ! Quoique étouffée, sa jouissance s’avéra merveilleuse. Elle en pleura de joie jusqu’au retentissement du réveille-matin.
Les jours suivants, une existence nouvelle s’organisa. Ne sachant où aller, la jeune femme avait accepté de vivre quelque temps chez son sauveur. Le soir, quand celui-ci rentrait, il trouvait la table mise, le studio rangé. Il ne protestait pas. Il savait combien la jeune Brésilienne avait à cœur de se rendre utile, de ne pas s’imposer. Il se permettait seulement de temps à autre quelques menues remarques. « Vous n’êtes pas tenue de jouer les femmes au foyer ici vous savez… » suggérait-il. Anita rougissait. Quelquefois même elle éclatait en sanglots. Il voulait la prendre dans ses bras. « Laissez-moi ! » répondait-elle. Et ils se couchaient tous deux quelque peu fâchés. Les nuits étaient lourdes. Des rêves étranges réveillaient Anita en sursaut. Parfois elle se sentait prête d’étouffer. Des pensées réprimées dans la journée revenaient la hanter. N’avait-elle pas sans cesse envie d’embrasser Quentin, de se serrer contre lui ? Elle résistait à ces désirs au prix d’une lutte atroce. Mais dans son sommeil ceux-ci rejaillissaient en impressions confuses. Son sexe appelait ses doigts. Il lui arrivait de se caresser des heures durant sans même s’en rendre compte ! Et au petit matin elle constatait qu’elle avait la vulve toute humide, les mains toutes poisseuses. Cela la mortifiait. Elle craignait, en effet, que le jeune étudiant s’aperçoive de son état, qu’il l’entende, ou pire, la surprenne !
Enfin, un soir, elle fut prise d’une telle crise d’amour qu’elle manqua s’évanouir. Elle venait d’apercevoir Quentin qui sortait de la douche une serviette nouée autour de la taille ! « Qu’y a-t-il ? » avait alors anxieusement interrogé le garçon qui s’était précipité pour la soutenir. « Allongez-vous… » avait-il ajouté. Elle se laissa porter. La puissance de ses muscles, le frottement de sa peau, l’odeur virile mêlée au parfum sucré du gel douche…Quelle femme n’aurait pas cédé ? La tête d’Anita s’enfonça dans le cou du jeune homme. Et, désarmée, elle se mit à le couvrir de baisers. C’était plus fort qu’elle ! Ses dents mordaient la chair offerte. Ses doigts s’y enfonçaient. Ses ongles la griffaient. Elle devenait sauvage comme une tigresse ! « Doucement, doucement… » tempérait l’étudiant. Mais elle ne l’écoutait pas ! La passion la rendait comme ivre. Bacchante déchaînée, elle déchirait ses propres vêtements, écrasait le garçon sur le lit. Elle criait : « je t’aime ! Je t’aime ! ». Et ce disant elle lui pétrissait la poitrine en jetant des rires extatiques. Sa bouche parcourut rapidement la zone séparant les pectoraux de la serviette mouillée qu’une bosse commençait à soulever. Elle empoigna cette bosse. Elle avait des frissons partout ! Une boule de feu incendiait son bas ventre ! « Montre-la-moi ! » intima-t-elle en gloussant d’excitation. Quentin ôta sa serviette. Elle écarquilla les yeux, toucha tout, caressa tout, palpa tout, mania tout. Puis s’allongeant et écartant les cuisses : « je veux que tu me manges là » osa-t-elle. Et sa vulve duveteuse d’où coulait un jus chaud et salé fut mangée magistralement. Bue, lapée, aspirée, tordue, vrillée sur le matelas, Anita se livra tout entière au plaisir. Quelques minutes après elle regardait Quentin enfiler un préservatif. « N’aie pas peur » souffla celui-ci. Il s’allongea sur elle. Ils s’embrassèrent. Et il y eut une douleur légère, presque douce. Après quoi, la béatitude. L’espace d’un instant Anita se vit même mourant dans les bras de son amant ! Mort délicieuse à laquelle un regain de vie succéda… Illico la jeune femme exigea de nouvelles caresses, de nouveaux baisers. Elle effrayait presque son amoureux par la violence de son désir ! Elle se positionna face à lui. Elle s’agrippait à ses épaules, croquait son cou, allait et venait sur son sexe. Elle soufflait dans ses oreilles des paroles enfiévrées ! A un moment, entre deux cillements d’yeux, elle aperçut l’image du Christ. Elle l’arracha d’un simple geste. Respect ? Reniement ? Quoi qu’il en soit elle cavala après cela à un rythme d’enfer. Ses reins apprenaient vite. Elle improvisait parfois des enchaînements qui désarçonnaient sa monture. Elle adorait que ses fesses claquent fort contre la chair de l’homme. Totalement décomplexée, elle en riait comme une diablesse en plein sabbat !
L’étreinte s’acheva aux aurores. Elle reprit au réveil, se continua les jours suivants. Et deux semaines s’écoulèrent ainsi, quand, vers quatre heures de l’après-midi, on sonna à la porte. Anita ouvrit. Elle était en peignoir. Héléna, toute vêtue de rouge, se tenait sur le paillasson. Elle avoua tout. Pouvait-elle laisser son employée se morfondre dans une chasteté si délétère ? Évidemment que non. Elle avait donc tout manigancé. Et elle en assumait les conséquences. « Me pardonnes-tu Anita ? »
« Vive les mariés ! » hurla une dernière fois Anita tandis qu’Héléna et Édouard arrivaient à leur voiture. Pressé d’emporter les amoureux vers leur lune de miel, le V8 de la Rolls vrombissait déjà avec des feulements d’acier. Héléna se retourna. Elle aperçut son employée juchée sur les épaules de Quentin. Et avant de pénétrer dans le véhicule elle échangea avec elle un ultime regard. Et dans ce regard, oui, dans ce regard il y eut quelque chose de l’amour que peut avoir une mère pour sa fille.
[gris]Axelle Rose[/gris]
Commentaires (5)
on retrouve un style beaucoup plus clair que celui du 21 ce texte est beaucoup plus existant avec se suspens a propos de Anita et Quentin et cette délivrances tous en caresse j’ai adoré.
J’ai adoré ce texte beaucoup plus clair que le 21 et très exitant avec ce suspense entre Anita et Quentin et cette délivrance tout en caresse et en plaisirs furieux j’ai adoré.
Superbe texte. On reconnait le style d’Axelle Rose des les premières lignes.
Merci encore, cela vallait bien l’attente de l’episode numero 22.
J’ai lu tout les episodes d’une traite et ils sont très bien écrits ! Ça change, en beacoup plus agreable, de ses récits écrits par des hommes ou la femme est vue comme une pute. Cette histoire a plus de sentiments, de sensibilité... plus feminine, peut-être.
Je trouve, aussi, que l’écriture a evolué au cours des chapitre, même si je ne sais pas vraiment en quoi... Peut-être, au derniers chapitres, il n’y a moins de description ?
J’espère pouvoir lire la suite bientôt !
PD : dessolé pour les fautes
Bonjour,
Une nouvelle fois, j’apprécie votre style. Je vous en avais déjà fait compliment, il y environ un an après la lecture d’une de vos nouvelles. j’aimerai la relire mais malheureusement, je ne la retrouve pas sur le site "secondsexe". Vous serait-il possible de la retrouver et si possible de me l’envoyer en pièce jointe. C’était un beau récit d’initiation sexuelle d’une jeune fille partie en vacance avec une amie après une rupture familiale. A la belle écriture pour la forme, vous ajoutiez tendresse, douceur de la progression et forte sensualité. En y repensant ces derniers jours, il m’est venu l’idée que pour un lecteur, cela pouvait être transposé en récit d’initiation pour un homosexuel. Les rares descriptions lues jusqu’ici m’ont toujours parues marquées par excès de violence et domination. Bien que cela ne soit pas le domaine de "secondsexe", peut-être avez vous en référence quelques récits qui ne soient pas marqué par ces stéréotypes.
A nouveau tous mes compliments pour la qualité de vos textes dont l’érotisme léger et sensuel est bien plaisant.
Bien cordialement,