Homme à louer : Episode 7
Le 12/04/2009
Héléna rêvait. Elle imaginait qu’elle passait en revue un bataillon de mâles à poil dont les queues, dressées au ciel par des triques d’enfer, avaient l’air de canons prêts à faire feu au premier commandement. Vêtue d’un uniforme kaki elle circulait entre les rangs bien alignés, une badine coincée sous son aisselle droite, le regard sévère, les traits figés. De temps à autre, elle s’arrêtait. Et des yeux et de la voix elle fusillait alors quelque soldat faiblissant :
« Plus haut ! Encore plus haut ! Vous ne savez donc plus bander ?"
Le sexe au garde-à-vous se raffermissait aussitôt. »
« Voilà…voilà… Commentait la chef en s’emparant de l’organe revigoré. C’est mieux comme ça ! »
Elle le branlait d’une main experte et en éprouvait d’appréciables tiraillements au niveau du bas-ventre. Puis elle lâchait soudain prise, et poursuivait son inspection. Celle-ci terminée, elle se campait devant ses hommes, poings sur les hanches. Physique mis à part (à quarante-cinq ans elle demeurait encore plus que désirable), elle ressemblait dans cette posture au sergent-instructeur de Full Metal Jacket. Derrière elle, énorme tache jaune au milieu d’un bleu limpide, le soleil brillait. Il devait être aux alentours de midi. Les yeux aveuglés des soldats clignaient. Plaquées sur leurs cuisses leurs mains frémissaient légèrement. Tous les phallus restaient érigés dans une attente déférente.
« Feu !" criait-elle alors. Une première salve de giclées blanches s’échouait à ses pieds.
« Feu !" hurlait-elle à nouveau. Une deuxième salve maculait ses genoux.
« Feu ! »
Semblable à un tsunami laiteux, la décharge finale la recouvrait entièrement. Elle se réveillait avec un sourire aux lèvres.
Tous les matins, elle avait pris l’habitude de consulter son compte en banque sur Internet. C’était sa manière à elle de se lever du bon pied. En trois clics elle pouvait contempler, tel un conquérant considérant la carte de ses immenses territoires, l’ampleur de sa réussite. La colonne crédit affichait un solde insolent. Sur ses lèvres gonflées au Botox un sourire se dessinait. De petits frissons la parcouraient. Des perles de mouille suintaient aux commissures de son sexe. Deux minutes après, alors que l’écran de son ordinateur se mettait en veille, elle commençait à gémir. Un vibro entre les cuisses elle se tordait sur son lit. A quoi ou plutôt à qui pensait-elle à ce moment là ? Nulle exceptée elle-même n’aurait pu le dire. Mais elle jouissait avec force. Et avec un sans-gêne à toute épreuve.
A plusieurs reprises, Anita, sa femme de ménage, s’était alors trouvée à proximité de la porte de sa chambre. Et loin de les camoufler elle avait pris un malin plaisir à faire retentir ses plaintes dans tout l’appartement, juste pour la choquer. Elle savait la jeune Brésilienne très croyante et très pudibonde, et elle ne manquait aucune occasion de la mettre mal à l’aise. Est-ce qu’on pouvait être aussi coincée à vingt-deux ans ? Elle lui demandait exprès de lui nettoyer ses sex-toys, d’épousseter tout spécialement les étagères où elle rangeait ses livres cochons, de classer dans l’ordre alphabétique ses DVD coquins. La jeune femme accomplissait ces tâches avec un air de martyre vraiment amusant. La vue des godemichés de sa patronne tout particulièrement lui tirait des grimaces extraordinaires. Elle les astiquait avec un ostensible dégoût. C’était sa manière de protester contre les mœurs dissolues de son employeuse. Mais celle-ci se délectait de telles marques de condamnation. Une fois même, Anita s’était permise de lui dire combien ces types de travaux la traumatisaient.
« J’en fais des cauchemars la nuit, madame » avait-elle déclaré.
Héléna, loin de se sentir coupable, en avait conçu une vive satisfaction. Elle ne doutait pas que derrière ce mot de cauchemar se dissimulaient des images qui dérangeaient non par ce qu’elles étaient pénibles mais parce qu’elles étaient, au contraire, délicieuses. Et que la jeune femme lui en voulait d’être obligée de se caresser la nuit.
« D’ici un an j’aurai fait de cette petite oie blanche une vraie libertine ou je ne m’y connais pas… » pensait-elle. Cette idée l’excitait au plus haut point. A présent il n’y avait pas un jour où elle ne demandait à Anita de s’occuper de ses objets de plaisir. Et elle était toujours à ses côtés pour l’observer. Ce matin-là, simplement habillée d’un peignoir, elle regardait Anita désinfecter pour la énième fois les formes troublantes de son Happy Duo, quand elle sursauta sur son canapé. Le téléphone sonnait. Elle répondit.
« Allô ? Oui, bien sûr ma chère Claude (voir épisode 5). Stanislas est toujours disponible. Vous voulez qu’il passe à votre cabinet ? Non, chez vous…Bien. Des envies particulières à me soumettre ? Attendez je note : habillé en livreur de pizza… Oui, pas très original mais efficace. Un vieux fantasme ? Hé, hé. J’ai déjà essayé moi aussi. Que n’ai-je pas déjà essayé ! Avec un faux ? Non, un vrai ! Il suffit d’un joli pourboire… Et pour la pizza, Stanislas vous prend quoi ? Oui… Oui… Sans olives ? Très bien. Non, ce soir c’est impossible. Nous fêtons avec mes garçons la première année de notre agence. Demain ? Oui. Vingt heures. 16 boulevard G*****. C’est noté. Au revoir… Docteur. »
Lorsque Héléna arriva dans la salle du restaurant, les quatre escorts étaient déjà attablés. Elle les passa en revue, les yeux moites :
« Toujours aussi désirables, messieurs. Je suis persuadée que bien des femmes vous ont reluqués depuis que vous êtes là. Je me trompe ? »
La salle était bondée. Aux tables voisines des couples se parlaient, devant des assiettes garnies de mets raffinés. Il y avait aussi des groupes mixtes plus nombreux, probablement des cadres sup’ en déplacement, qui profitaient d’un séjour dans la capitale pour découvrir cet établissement coté au Michelin. Et que ce soient les femmes en couple ou les autres, toutes de temps à autre jetaient un coup d’œil discret vers les quatre gigolos. Ils étaient tellement beaux ! Ou plutôt ils avaient tellement de charme ! Habillés de costumes ultra élégants ils semblaient tout droit sortis des pages d’un magazine de mode. Mais sans le côté papier glacé, le côté lisse des mannequins. C’étaient de vrais hommes, en chair et en os, avec des corps chauds et des sexes qui ne demandaient qu’à servir. Combien seraient-elles, de retour à la maison ou à l’hôtel, à fantasmer sur eux, la main dans la culotte ? Héléna se le demandait. Toutes ces femmes étaient autant de clientes potentielles et elle ne perdait jamais de vue les intérêts de son business.
« Si je ne craignais pas de me faire expulser pour racolage, je distribuerais des cartes de visite », se disait-elle.
Mais son attention fut ensuite accaparée par ses quatre employés. Le repas fut long, fut bon, fut gai. Des éclats de rire fusaient qui faisaient se retourner les autres dîneurs, et beaucoup devaient s’interroger sur le statut de cette quadra blonde, fine et bronzée, vêtue d’une robe de haute couture hors de prix, soigneusement coiffée et manucurée, et qui devant ces quatre hommes se comportait comme une lycéenne en bordée. Plus les verres se vidaient et plus Héléna se montrait exubérante. Elle ne se tenait plus de joie. Sans la moindre discrétion elle lançait des blagues grivoises à faire rougir un bataillon de sapeurs. Si bien que les clients des tables voisines arboraient pour la plupart des mines outrées. Certains, cependant, paraissaient franchement s’en amuser. Et qui sait s’ils n’en étaient pas émoustillés également ?
Héléna ne se livrait d’ailleurs pas qu’à des jeux de mots. Elle jouait aussi aux mains baladeuses, palpant parfois l’avant-bras de Stanislas, parfois celui de Pierre (placés face à elle), la cuisse gauche de Benoît ou la cuisse droite de Quentin (placés à ses côtés). Il était patent qu’en elle le désir montait à vitesse grand V. C’est alors qu’en levant son verre elle dit d’un air solennel :
« Messieurs, puisque nous en sommes arrivés au dessert, je vous annonce qu’en considération de vos performances, vous aurez le droit à une prime exceptionnelle. »
Les quatre hommes accueillirent cette déclaration par un concert de remerciements.
« Ne me remerciez pas encore. J’ai dit que vous auriez droit à une prime en considération de vos performances. Donc à vous de me montrer ce que vous savez faire ! » Et ce disant, elle agita la clef d’une chambre d’hôtel.
Héléna empoigna l’énorme bite de Stanislas en gloussant d’excitation. A côté d’elle, laissant courir leurs mains sur son corps, Pierre, Benoît et Quentin se tenaient prêts à répondre à ses sollicitations. Tout en s’abandonnant aux effets de leurs caresses elle fit coulisser l’organe surdimensionné, découvrant puis recouvrant le gland. Elle s’allongea ensuite sur le lit. Elle avait réservé une suite immense. Elle aimait par-dessus tout se savoir riche. Et, pendant que les bouches des quatre escorts s’activaient sur son corps elle repensait à l’époque pas si lointaine où elle tirait encore le diable par la queue (sans jeu de mots). Ca lui paraissait bien loin maintenant. Si loin qu’elle doutait presque que cette époque eût jamais existé.
Elle était dévorée de partout. Elle se pâmait. Les parfums des quatre hommes se mêlaient dans ses narines. Elle pelotait allègrement les appas des uns et des autres, avec des moues de femelle en chaleur. Sa chatte dégorgeait des flots de mouille dans la bouche de Quentin. La blonde chevelure de l’étudiant s’étalait sur son ventre. Elle ne voyait pas son visage, sentait juste sa langue de velours la fouiller de fond en comble, et en éprouvait des frissons d’extase. Accoudée sur le matelas, elle entreprit ensuite de sucer Benoît, puis Pierre, puis Stanislas, avant que Quentin ne prenne leur place et eux la sienne, à tour de rôle. Les sensations de la pipe s’associaient à celles du cunnilingus. Jamais on ne l’avait aussi bien léchée. Jamais elle n’avait aussi bien sucé. Elle ne tarda pas à jouir. Après quoi, s’étant positionnée en levrette, elle accueillit alternativement en elle les sexes généreux des quatre mâles. Pendant qu’elle était pénétrée par l’un des escorts, six mains parcouraient son dos, sa nuque, ses bras, ses cheveux. Elle avait l’impression d’être emportée par une vague de caresses. Elle émettait des râles éloquents. Râles qui virèrent vite à l’orgasme. Elle était traversée par des secousses épileptiques. Elle bavait sur les draps de soie. Elle délirait.
Elle se leva et exigea d’être prise contre un mur. Puis dans le jacuzzi. Puis sur le canapé du salon. Puis sur la table en bois à l’entrée de la chambre. Puis par terre. Puis dans le dressing-room. Puis de nouveau sur le lit. Elle hurlait comme une démente, et tout son corps n’était plus qu’un bloc de chair en fusion. Elle aimait ces quatre hommes. Elle aimait tous les hommes. Elle aurait passé sa vie ainsi, entourée de sexes d’hommes, avec sans cesse une queue de mâle en elle. Mais il fallut bien s’arrêter avec l’arrivée du jour.
Quand ils quittèrent l’hôtel les visages épuisés des quatre escorts étaient décomposés, mais le sien, au contraire, rayonnait comme celui d’une sainte après une vision mystique. Il lui semblait qu’elle ne s’était jamais sentie aussi bien. Inutile de préciser qu’elle paya ce bonheur à son juste prix. Elle n’avait d’ailleurs jamais douté des performances des quatre garçons. Les billets étaient déjà prêts dans son sac à main. Elle n’eut qu’à les en sortir avant de pendre congé d’eux. En rentrant chez elle, elle tomba sur Anita qui, assise sur le canapé du salon, dévorait un roman d’Esparbec.
« Eh bien, lui lança-t-elle en feignant la colère, vous ne vous embêtez pas. Et le ménage ? »
La jeune femme, rouge de confusion, reprit son plumeau après avoir rangé le livre. Et, se croyant seule, elle l’entendit murmurer :
« Qu’est-ce qui m’arrive ? Je deviens folle… Mais c’est sa faute aussi. Ah ! mon dieu, qu’ai-je donc fait pour avoir une telle patronne ! »
[gris]Axelle Rose[/gris]