Butins et cætera - chapitre 3
Une fâcheuse histoireLe 30/07/2009
C’est encore une bien drôle d’histoire qui arriva, ce jour-là, à Wolsime-Lovine Voot ! À chaque fois, c’était quasi-bourricot le même bazar. On ne le voyait pas venir, et pour n’induire personne en erreur, lui même ne pouvait prédire son point d’atterrissage. Il surgissait de nulle part, frénétique et rapide comme un zébu (Bos taurus indicus) lubrique de la corne de l’Afrique. Wolsime-Lovine Voot avait, on peut d’ores et déjà le révéler, rapport à son accident de jeunesse, une énergie de super héros, et pas seulement dans son élégante manière de porter le bleu de chauffe. Une faiblesse de jugement, un excès de confiance, une volée de bois verts eussent pu gripper la machine, et provoquer un crash qui l’eut sans aucun doute fait renoncer à jamais à son art ! Mais la belle et huilée mécanique du mécano ne s’enrayait jamais.
Tel que vous le voyez là, il se tenait donc déjà fin prêt, les sens en alerte. Le souffle de son arrivée époussetait les fines particules ocres de la terre battue et tenait en suspens les premières feuilles du trépas d’automne. Une femme, Fiona Pomme pour l’état civil, ne paraissait en rien surprise de cette soudaine intrusion dans son espace et ses jupes de jeu. On eut dit qu’elle l’attendait, que Wolsime-Lovine se posait comme un sauveur, l’ultime rempart à une fatale issue annoncée, la dernière chance et le fourbe joker pour contrer in extremis une défaite sans gloire, et inverser le cours de l’Histoire. « Pitié, tout sauf la débâcle comme en 40 ! » avait-on lu dans son regard un millième de seconde avant l’impromptu abordage. Ce n’était pas sport, mais c’est ce qui comptait pour les tablettes des records. Son adversaire, qui répondait au trognon patronyme de Leslie Figue, tout à son étonnement, ne comprit pas instantanément la raison et le sens de ce chambardement. Car, une paille auparavant, les deux femmes, tenues de tennis badines, culotte skaï-coton pour l’une, petit coton tout court pour l’autre, badmingtonnaient, en partie champêtre, au cœur d’une clairière de verdure, abrité du vent, en tout bien tout honneur, par une haie de fougères deux fois centenaires. Les deux femmes en étaient à un tournant du match. Le score affiché sur les ardoises de marque révélait que Leslie menait 10 à 7. Voyons la scène précédant l’arrivée de Wolsime : perchée sur la pointe des pieds, Fiona fit vriller son corps d’un quart de tour pour déposer sur la ligne de fond les volants en plume d’oie cendrée. Elle jouait là le match ! Sur la ligne de fond opposée, Leslie campait cambrée à-propos pour retourner gagnant. Et ni une ni deux, Wolsime-Lovine Voot était arrivé à l’Américaine !
Aussi sec, Fiona Pomme le mit en garde :
« Oui homme de la bricole, mais gaffe, y’a un piège à l’entrée ! »
Le bricoleur refréna son entrain. L’éclat rouge d’une diode cligna sa méfiance. Ça ressemblait à un truc qu’il ne lui avait été donné de croiser que dans la littérature technique, bel objet high-tech, référencé « chaste culotte à haute sécurité laser ». Wolsime-Lovine Voot allait devoir crocheter, à brûle-pourpoint, un verrou inconnu, ce qu’il espérait ne jamais avoir à faire sur le terrain.
« Bite, bitte et zut », fit-il. Ça c’est d’la mauvaise veine !
Nonobstant l’écueil, Fiona Pomme, assise sur ses talons tel un Touareg sirotant une tisane de paix aux étoiles, abandonna en confiance ses cuisses au creux des mains de l’ouvreur.
Rehaussée sur la pointe des pieds, Leslie, en face, protesta mollet d’abord puis s’emporta prête à jeter aux orties, d’une main de l’autre, sa tenue déjà en partie démanchée.
« D’où vient-il, çui-là ? C’est quoi ce binsse à un point du match ? J’suis pas sûre-sûre qu’le règlement permette pareils rabats la gagne ? On n’déboule ni n’interrompt ainsi une compétition ! J’palpais, à l’instant, la victoire du bout d’la raquette. »
« Vous finissez l’une contre une, on déboucle serein », dit plomate Wolsime-Lovine Voot, et peut-être un peu inquiet de la cambriole à effectuer.
« Que non, fit Fiona lectrice de la presse sportive, belle joueuse à l’évidence, c’est à ce genre d’interruption qu’on jauge l’adversaire et son goût d’la victoire. »
Leslie Figue et Wolsime-Lovine Voot trouvèrent court, faut voir ! l’argument, et optèrent d’en causer, à trois à l’occasion, dans un tête à tête apaisé. En attendant, Leslie ramena ses fesses et zieuta, à croupetons, avec intérêt le sieur Voot en démo. Ça n’arrive pas qu’aux autres ! Elle saurait dégoupiller le bazar, si d’aventure…
D’ses dix doigts et d’une langue en contrepoint, Wolsime-Lovine Voot fit vite sauter, frisou, l’obstruction lasero-libidinale. Il avait réussi. Fiona le remercia à grand train, et conçu d’invoquer comme excuse, à l’attention de l’obstructeur curieux d’une pareille défaillance, une forme de vice caché de la fermeture. Elle maudirait accessoirement la faillite du constructeur, accuserait à demi-mots une maladresse de l’installateur et rassurerait de mauvaise foi de l’innocuité de l’effraction. Leslie admira la mise au rebut de la gâchette haute-technologie, toisa la toison, et, de joie, joignit ses lèvres à celles déjà embrigadées. La partie reprenait. Fiona, l’entrave à bas, et Leslie, remise en selle, se répartirent de nouveau de chaque côté du filet. Wolsime-Lovine Voot, fringant de ces neuves et enivrantes amertumes pubiennes, offrit d’arbitrer le point du match en échange d’oreilles à l’écoute de son secret.
Il n’y eut pas de spectaculaire retournement de situation. Leslie brandit le trophée et les deux femmes s’accordèrent une demi-heure pour reparaître dans la clairière, shampooinées, parfumées, vêtues de frais et tout ouïe.
[gris]Camomille Belleplante[/gris]