Brève de comptoir
Le 12/03/2013
Je déjeunais avec Cyrille dans le bistrot Auvergnat en face du bureau, qui proposait d’excellentes saucisses de Morteaux, avec de la purée maison et un verre de Sancerre. La bouche pleine, il parlait avec excitation. L’idée que je fasse l’amour pendant les heures de bureau, tandis qu’il se tapait des dossiers complexes et épuisants, envoyant des sextos depuis des réunions interminables, l’enchantait. Il n’arrivait pas à comprendre l’obsession de certains pour les blondes à gros seins. Pour lui, au-delà du cliché, ça manquait de curiosité.
Cyrille, célibataire qui aimait toutes les femmes portées sur la chose, rentrait rarement seul le soir. Si j’avais excellé en m’absentant ce matin, sa soirée de la veille avait été productive.
— Tu as vu la rousse flamboyante à lunettes qui était au fond du bar, hier soir ?
— La rondelette, fagotée comme l’as de pique ?
— Tu es con, avec tes critères à trois balles. Elle buvait une bière, c’est la première chose qui m’a plu. Et puis elle sentait le cul. Elle avait un rire cristallin bandant en diable et une conversation décousue d’éméchée qui ne manquait pas de mordant. Une bière plus tard, je croquais ses lèvres charnues en palpant des seins un peu flasques. Je sentais ses gros tétons pointer au travers de sa robe. Elle s’est levée précipitamment et j’ai pensé qu’elle allait glisser entre mes doigts, mais non, c’est simplement qu’elle ne supportait plus de respirer le mélange de transpiration et de parfums qui a remplacé la bonne odeur des cigarettes dans les boîtes de nuit. Le velours rêche de la banquette irritait ses fesses. Une fois dehors, elle faisait des petits bonds de joie en jouant avec sa jupe à godets, puis m’a poussé dans sa voiture, une Volvo break anthracite.
— On s’en fout de la voiture. Passe.
— Pas du tout ! Une fille qui conduit un tank bordélique n’a forcément rien à voir avec une autre au volant d’une petite citadine ! Je continue. Elle tenait absolument à aller chez elle, un appartement près de la place des Abbesses. L’appart’ était foutraque comme la voiture. Les lumières de sa chambre étaient douces, elle avait recouvert les lampes de foulards de couleurs. Des bouquins étaient disséminés à même le sol, tout comme de nombreux coussins. Le matelas, très grand, n’avait pas de sommier et les draps unis débordaient. Je me suis approché pour l’embrasser, mais elle m’a proposé un jeu. Merde, je n’étais pas venu là pour jouer. J’ai dû m’asseoir sur l’unique fauteuil de sa chambre, inconfortable, avec un dossier raide en plastique blanc, installé près de la fenêtre, dont les rideaux épais étaient déjà tirés. Il fallait que je garde les mains sur les accoudoirs, comme les enfants à qui on demande de bien garder les mains sur la table lorsqu’ils mangent. Elle n’avait pas fourni beaucoup de détails sur le jeu, j’avais pour seule instruction l’interdiction de me masturber en la regardant. Elle a mis une musique sud-américaine, Tito Puente ou quelque chose du genre. Visiblement ses voisins avaient le sommeil lourd, le son était fort. Ca c’était au début, le temps qu’elle se déshabille. Je la découvrais de plus en plus charnelle dans la manière qu’elle avait de se caresser. Quand elle a enlevé sa culotte, Petit Bateau tout confort, une forêt rousse a surgi, bien drue. Putain, une fille avec des poils longs comme ça, ça m’excite à mort. J’adore ça... Ensuite, j’ai crains le pire, elle a coupé la musique pour mettre une conférence de Lacan au Collège de France. Il fallait que je reste concentré sur ce qu’il disait, sur sa voix, en la regardant droit dans les yeux et sans avoir la moindre érection. Bandant, elle menaçait de me jeter dehors sans que je puisse la toucher ; résistant à la tentation, elle me promettait une nuit sans limites. Tu vois le truc ? Elle s’est installée sur le lit, bien calée contre le mur, avec des coussins. Sous sa table de nuit, elle a attrapé une trousse volumineuse. Elle a saisi un Rosebud et...
— Un quoi ?
— Un Rosebud ? C’est un plug anal.
— Pardon ?
— Une ogive en acier, une tige et à l’autre bout une vasque avec une décoration. Tu le mets dans le cul. Le sien était gros, avec un strass au bout. Elle l’a humecté de sa salive avec gourmandise, a soulevé ses fesses et l’a introduit comme si c’était une queue sur laquelle elle venait s’empaler. Ensuite, je n’ai pas compris ce qu’elle comptait faire avec ses deux pinces à linge. Une pour squeezer chaque téton. Avec un démarrage en trombe comme ça, je sentais l’érection poindre et j’en avais un peu rien à foutre du père sévère de Lacan. J’ai dû penser à mon prévisionnel que je n’ai toujours pas rendu au bureau, ça m’a aidé à débander.
— Ouais. Lacan, rien à foutre tout court. Continue avec ta chaudasse.
— Rebecca, elle s’appelait Rebecca, c’est vrai que c’est un nom de chaudasse d’ailleurs. Après, elle a savoureusement enduit sa chatte et son clitoris de lubrifiant d’une main, l’autre courrait sur ses cuisses charnues. Elle a caressé ses lèvres, trituré son clitoris, sucé ses doigts avant de les glisser dans son sexe béant. Je n’en pouvais plus, m’agitais sur mon fauteuil. Je n’étais pas non plus là que pour penser au boulot. J’ai entendu Lacan prononcer le mot de « sexe » et j’ai tenté pitoyablement de comprendre des bribes de phrases. Je crois que je l’ai entendu discourir sur le désir comme essence de l’être humain, ou encore sur le phallus que personne ne possède et que tout le monde le désire, parce que, à ce moment là, elle a empoigné un gode titanesque. Son corps ondulait de plus en plus, je sentais qu’elle était au bord de convulsions fatales, le regard toujours fixé sur moi. Malgré ses grosses lunettes, je voyais bien que c’est le trouble dans mon regard qui l’allumait. Elle n’allait pas fermer les yeux pour jouir.
— Elle n’a pas joui sans toi quand même ?
— Sa respiration s’est accélérée comme si elle allait accoucher, je voyais les mouvements involontaires de son corps, la contraction des muscles. Elle a attrapé un tout petit vibro, qui faisait un bruit d’enfer, qu’elle frottait sur son clito, avec le gros gode toujours dans son sexe et là en 15 secondes, c’était parti. Son orgasme était si fort que ses cris sentaient presque la souffrance. Presque vexant.
— Et après ?
— Après je l’ai sauté et c’est privé. Trop bonne.
— Tu comptes la revoir ce soir ?
— Non, une aventure d’un soir, ça reste au singulier.
Sophie