Au pays de l’aigle audacieux

Le 30/04/2011

A coups de battements amples, profonds et puissants, l’aigle s’élance et s’élève dans le ciel en décrivant des orbes. En longue glissade il évolue, rasant les dômes rocheux, longeant les falaises à pic, surgissant de derrière un canyon. Il jouit de sa possession de l’espace et des courants aériens et va, aspiré par le plaisir de la chasse.
Alna aime suivre le vol majestueux de l’oiseau. Jambes allongées, cuisses légèrement écartées, la brise chaude du désert australien qui pénètre par la fenêtre de sa chambre mouille ses fesses, des reins au clitoris et fait frémir ses lèvres...
L’aigle s’est laissé glisser dans le vide. Un dernier battement et ses grandes ailes brunes se referment sur son nid.
Alna respire calmement. Elle ne fait rien pour se soustraire au vent coquin et s’offre du mieux qu’elle peut à ses caresses invisibles. Sous son souffle pénétrant ses lèvres s’entrouvrent et s’emperlent de plaisir.
Du rebord de l’aire s’est envolée une longue plume brune. Elle tombe comme feuille morte, ne sachant pas encore où porter ses bontés. Le vent la pousse en vagues. Elle se balance, virevolte, cherche son ascendant pour enfin planer. Planer doucement vers celle que l’esprit des ancêtres des plaisirs solitaires a choisie d’honorer.
Alna ne doute pas d’être l’heureuse élue. Elle s’agenouille, pose son menton dans ses mains grandes ouvertes et attend, frémissante. Ses reins se creusent en terre d’accueil pour la tige volante inconnue à son plaisir. Un léger souffle et la plume atteint la jeune femme qui statufiée dans l’attitude du sphinx se sent prête à jouir pour l’éternité.
Un long frisson la parcourt quand, animée par l’esprit de l’aigle, la plume entreprend l’exploration de son corps.
Dix fois de suite, elle monte et descend le long du dos qu’elle chatouille délicieusement puis, s’aventure sur l’intérieur des cuisses, à l’endroit où la peau est si fine, si protégée, si secrète qu’elle reste toujours plus blanche et plus douce que partout ailleurs.
Alna tressaille de bien être. la pointe du calamus en profite pour entamer sur sa peau une étrange chorégraphie qui n’est pas sans rappeler les acrobaties aériennes, loopings, piqués et festons auxquelles les couples d’aigles s’adonnent en périodes nuptiales. Ce contact à la fois émoustillant et douloureux aux fesses d’Alna met sa sensibilité à vif.
La danse lascive de la plume lui devient bientôt intolérable.
Aux spasmes qui la secouent la plume comprend que la jeune femme n’est pas loin de la jouissance, alors les barbules lisses glissent le long de la fente, chatouillent l’entrée du vagin et avec une infinie précaution écartent les lèvres délicates qui s’épanouissent comme l’orchidée au frémissement de l’aile du papillon.
Une liqueur chaude coule des pétales ouverts, relâchés, complètement apprivoisés par les attouchements de la plume.
Affolée de plaisir, Alna supplie qu’on lui donne à boire.
La plume devine de quel fluide la jeune femme a envie de s’abreuver. Elle joue avec le clitoris qui gonfle si bien qu’il semble vouloir craquer comme une figue gorgée de soleil et de miel, suit le fleuve des émois d’Alna le long de ses jambes ; remonte, s’imprègne une fois encore du jus de ses lèvres, effleure le ventre dur avant d’atteindre le rivage des seins.
Les tétons sont redessinés comme un bijou aux mains d’un orfèvre.
Après les rondeurs de l’épaule, la plume atteint le cou et la nuque, si sensibles aux caresses furtives.
Le plaisir inonde en vagues successives le ventre d’Alna dont le flot incessant ne réussit pas à éteindre la brûlure du sexe.
La plume est maintenant toute proche de la bouche grande ouverte qui grimace d’envies. Elle s’immobilise quelques instants pour laisser à la jeune femme le bonheur de réaliser que son corps tout entier est possédé par la montée de la volupté puis elle utilise sa liqueur intime pour tatouer à jamais cet instant dans la chair de sa langue qui lape et relape le miel dont les barbules sont imprégnées...
Les yeux mi-clos, Alna voit une masse brune fondre sur elle. un bec énorme la fouille, la dilacère et l’aspire tout entière tandis que des serres puissantes plongent dans sa poitrine et lui arrachent des cris de bonheur. Alna s’élève dans les airs, capturée par l’aigle. A chaque coup de reins qu’il donne, la jeune femme s’approche un peu plus du soleil. Il est là, tout proche, il l’inonde, la dévaste, la submerge et l’entraîne loin au-delà de l’horizon.
L’aigle a refermé ses ailes et se laisse basculer dans le vide. Pour quelques instants le monde a cessé d’exister et pendant ces secondes qui durent une éternité, Alna a l’impression que son corps va éclater tant la douleur qui l’irradie est merveilleuse et la plonge dans un orgasme sans fin.
Puis l’aigle la dépose sur son aire. Alna est inconsciente...
Un quot’quot’ sonore retentit dans le désert. La jeune femme se réveille en sursaut. Dans le creux moite de sa main repose une longue plume marron ; celle de l’aigle audacieux qui hante depuis toujours le pays du Dreamtime où elle vit depuis dix ans.

[gris]Annicia[/gris]