Portrait d’artiste : Nan Goldin

Le 27/04/2009

Nan Goldin parcourt la maquette de son nouveau livre. Elle aime faire des livres, sentir l’encre, assister à leur impression même si c’est toujours difficile pour elle d’aller au fin fond de l’Allemagne chez son éditeur… Elle a peur et s’angoisse dans les aéroports ! Dans son appartement parisien, remplis d’ex-voto et de tirages, elle change encore et encore le déroulé des photos de ce nouvel ouvrage, une compilation de son travail, publié à l’occasion du prestigieux prix Hasselblad (récompense la plus prestigieuse en photographie) qu’elle a reçu le 9 novembre 2007. La gagnante reçoit ainsi 70 000 dollars, décernés par la fondation du même nom, à Göteborg, en Suède. Inlassablement elle feuillette sa vie.

La beauté des visages

Rencontrer Nan Goldin, c’est tout de suite plonger dans sa vie privée, dans tous les recoins de son intimité, et c’est surtout lui demander des nouvelles de ses amis, ceux qui hantent son oeuvre depuis ses premières images en 1972. Beaucoup sont aujourd’hui morts, mais ils continuent de vivre à travers ses photographies : Bruce, Sharon, Cookie, Greer, David, Gilles, Joey, Suzanne, Siobbhan, Kee, Piotr... « Loin de créer une distance, l’instant où je photographie est pour moi un moment de clarté, de contact affectif. On dit souvent que le photographe est par nature un voyeur, le dernier qu’on invite à la fête. Mais je ne fais aucune intrusion, c’est ma fête à moi, c’est ma famille, mon histoire. » (Entretien avec Jean-Luc Hennig dans le catalogue The Golden Years, 1995). A travers cette galerie de portraits où se télescopent sexualité, amour, jeux de rôle, pudeur, Nan Goldin nous présente, au-delà des clichés les plus éculés, sa vision de la Beauté : « Le premier aspect de la Beauté qui m’intéresse concerne le visage humain. Je tombe amoureuse des visages, c’est la raison pour laquelle j’ai pu être bisexuelle parce que je ne tombe pas amoureuse des organes sexuels. Je tombe amoureuse uniquement des visages et cela a été vrai durant toute ma vie. Après, je compterai dans mon hit parade personnel de la Beauté le désert et l’océan. » (Entretien avec l’auteur en 2000 à NY).

Dédicace

Au départ de chaque oeuvre, il y a souvent une cassure, un fait qui marquera l’auteur pour la vie ( Le viol chez Tracey Emin, l’attitude du père de Louise Bourgeois). Chez Nan Goldin, c’est le suicide de sa soeur aînée à qui elle a dédicacé son oeuvre majeure, The Ballad of the sexual dependecy, un « slides show » qu’elle a commencé en 1981, et qu’elle ne cesse de transformer au gré de sa vie... " En fait j’ai dédicacé toute ma vie à ma soeur. Je ne pense pas que je serais là, que j’aurais fait toute cette oeuvre si ma soeur était restée en vie. Nous vivions dans une banlieue américaine comme on les imagine, pleine d’ennui, près de Washington quand ma soeur s’est suicidée. C’était une pianiste, très douée, elle jouait huit heures par jour. Elle était aussi très libérée sexuellement et elle revendiquait sa sexualité ce qui était inacceptable à cette époque. Elle diffusait une colère très féminine. Moi j’ai eu de la chance de grandir après 1968, j’ai quitté la maison paternelle à 14 ans, et j’ai pu canaliser cette colère avec mon propre entourage, constitué de hippies et de freaks. Ma soeur n’a pas pu, elle a préféré se suicider ! " (Entretien avec l’auteur en 2000 à NY). Vivant avec la communauté homosexuelle de Boston des années 70, elle a côtoyé la drogue, le sida, la marginalité et la mort. Mais son oeuvre traite tout simplement de “la condition humaine, de la douleur et de la difficulté de survivre”. Au fil de ses oeuvres, sa vie chaotique : amants, drogue, accident alternent avec des répits de bonheur : voyages, nouvelles rencontres, sang neuf de la jeunesse et les enfants… Des autres.

Photographier c’est aimer

“Photographier était presque devenu comme faire l’amour, donner une caresse, prolonger l’acte”. Le comportement physique des gens, leur sexualité, leur identification sexuelle, autant de thèmes que l’on retrouve dans son oeuvre et qui mettent le corps au centre du propos, pourtant enfermé dans les carcans moralistes de l’époque. Puis elle a réglé ses comptes avec son enfance et ses parents, et rendant encore et encore hommage à sa sœur défunte dans une installation à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 2005 : « Sœurs, Saintes et Sybilles est un hommage à ma sœur et à toutes les femmes rebelles qui se battent pour survivre dans la société. Je voulais questionner au travers de ces trois récits le piège de l’enfermement, au propre comme au figuré : l’histoire de Sainte Barbara, décapitée par son père pour s’être libérée grâce à la découverte de sa spiritualité, la vie de ma sœur aînée Barbara qui fut enfermée dans différentes institutions psychiatriques pendant la majeure partie de son adolescence pour s’être rebellée contre le conformisme extrême de la société, de l’époque et de la famille et mes deux séjours en hôpital psychiatrique, le premier pour s’échapper du piège de la toxicomanie et le second pour me protéger de la dépression ».

Toujours scandaleuse

Aujourd’hui, après quelques années à se chercher, s’auto-parodiant quelque peu, cherchant dans le sang nouveau de ses derniers jeunes amis, les âmes de ses amis d’antan et d’une jeunesse bien éteinte, les paysages deviennent de plus en plus importants dans son oeuvre : chacun de ses paysages donne lieu à une représentation de ses peurs, de ses angoisses… Paysages révélateurs de ses sentiments, voir ce sapin de Noël perdu dans la salle d’attente du Priory à Londres, lors d’une de ses cures de désintoxication… Ou ce ciel plombé et menaçant à Winterthur apparu en même temps que la mort d’une proche, Philippine. Ou cette rivière dorée (Self-portrait at golden river, Silver Hill hospital, CT, 1998) : « C’est une photographie très métaphorique, je suis debout sur le pont, j’ai envie de sauter pour en finir, mais d’un autre point de vue il y a de l’espoir qui émane de cet or magique que l’on voit dans la rivière. Quand j’étais dans cet hôpital, j’étais complètement obsédée par cette rivière. J’y allais tous les jours voir les couleurs, elles changeaient sans arrêt ! » Mais Nan Goldin est toujours poursuivie par des démons aux formes variées, elle continue de faire scandale : en septembre dernier, Elton John a fait l’objet d’une enquête policière en Grande Bretagne pour avoir exposé une de ses photos : « Klara et Edda faisant la danse du ventre », avec deux enfants, dont l’un nu et totalement innocent !

[gris]Patrick Rémy[/gris]

Commentaires (1)

  • iNdhISyPf

    BRAVO ! Je viens d’entendre l’auteur sur RTL aux Grosses Teates. Je suis un adepte de la TOUFFE. Il y a quleques anne9es un journal a e9te9 publie9, il s’appelait d’ailleurs LA TOUFFE . Malheureusement il n’y a eu qu’un No Je l’ai encore.Je pre9fe8re regarder des K7 vide9os e9rotiques des anne9es 60, 70 et encore 80 of9 rien n’e9tait rase9. Et dans ma vie prive9e, j’en ai vu des broussailles ! J’ai ve9cu de 1990 e0 2000 e0 Prague, c’e9tait sublime car l’e9pilation est apparue en retard e0 l’Est. J’ai encore des photos de copines nues extraordinaires.Il FAUT REVENIR A LA TOUFFE ! SIGNONS LE MANIFESTE !