Le vagin à l’ère connectée
Le 23/08/2016
Dans la plupart des cultures ou sociétés où la sexualité a été élevée au rang d’art il existe un enseignement de celui-ci. Enseigné à des femmes, il n’a pas laissé de traces d’un clivage entre leurs orgasmes, aucune séparation n’est faite entre ceux dits vaginaux et d’autres dits clitoridiens. Pourtant en France, les études qui classifient le plaisir répètent sempiternellement qu’une femme sur quatre seulement serait capable d’avoir régulièrement des orgasmes uniquement grâce à la pénétration. Que peut-il y avoir de si différent entre un orgasme français et un autre, asiatique, par exemple ?
Dans la Chine Ancienne, on apprenait à certaines femmes à muscler leur muscle pubbo-coccyxgien et l’ensemble de la zone périnéale pour pouvoir serrer et relâcher à volonté leur plancher pelvien autour du pénis de leur partenaire, comme si elles tentaient de traire une verge. Le but était double, elles pouvaient ainsi aller chercher leur plaisir en enserrant le phallus, et augmenter celui de leur partenaire aussi stimulé que par une main. Cette technique Taoïste pour développer une amplification sexuelle a d’abord été reprise par les musulmans d’Inde, elle s’est ensuite répandue dans de nombreux pays. Elle permet d’allonger et d’intensifier le rapport sexuel.
Les Geishas en avaient la maitrise au Japon. En Inde du Sud, on l’enseignait aux jeunes filles dès l’adolescence. Les Anglais ont donné à cette technique le nom explicite de « Pompoir ». Les Arabes avaient ramené la technique des Indes (comme ils en avaient rapporté les mathématiques) et nommaient celles qui en avaient la pratique les « Kabbazah » ( littéralement « celles qui serrent, celles qui tiennent les hommes par le vagin »), décrites pour la première fois au XIXe siècle par l’explorateur Anglais Sir Richard Francis Burton. Aux Moyen-Orient, enserrer le pénis dans un double huit de contractions vaginales montantes et descendantes se dit également « jouer la flûte ». Ailleurs, on parle de « la prise de Singapour » ou du « Shanghaï Squeeze » (le serrement de Shanghaï). Le réalisateur et auteur Alexandro Jodorowsky avait décrit dans un livre l’expérience qu’il avait eu avec une « Kabbazah ». Voulant avoir un rapport classique, caractérisé par une série de va-et-vient, sa partenaire lui avait ordonné de s’arrêter, pour que ce soit elle qui agisse. Assise sur lui, face à lui, elle enserra sa taille de ses cuisses, croisa ses pieds dans son dos et posa son front sur le sien. Une minute se passa qui ressemblait à une éternité, puis, il sentit « un clignotement de la paroi aqueuse qui acquit peu à peu de la vitesse. Son vagin tout entier, pressant de façon vertigineuse, devint un gant trépidant. Au milieu de cette tempête musculaire je n’eus plus besoin de bouger. En quelques secondes ma semence l’inonda ».
Parce que les femmes occidentales ont un regard différent sur leur sexualité (on leur apprend que c’est la verge qui est active, tandis que le vagin serait passif), le philosophe russe Gurdjieff avait mis en place une méthode pour échapper à l’acquis et ne plus avoir ce qu’il appelait un « athanor » mort (de l’hébreu, fourneau ou source d’eau chaude). La technique permettait, par exemple, de contracter la vulve pour aspirer et rejeter l’air, mais aussi et surtout d’augmenter à volonté la lubrification. Il s’agit dans tous les cas de tonifier le muscle pubbo-coccyxgien pour que le vagin, enveloppé du clitoris (dont les racines, longues de 10 centimètres, longent la paroi du vagin), puisse se contracter à volonté. La technique varie selon les pays, et inclus des variations comme en Asie du Sud, où les femmes utilisent également leurs muscles abdominaux. Mais, dans tous les cas de figure, l’homme doit être passif et la femme active. Et c’est peut-être la principale raison pour laquelle ces techniques ne sont pas enseignées en Occident : cela ne correspond pas aux rôles culturels auquel le genre féminin a été assigné.
Il y a bien sûr des exceptions qui finissent par entraîner des changements de moeurs. En Angleterre, la rumeur voulait par exemple que Wallis Simpson, épouse du Duc de Windsor (qui avait renoncé au trône pour elle), maitrisa la technique, connue également sous le nom de « Baltimore Grip » (la prise de Baltimore), ville où elle avait grandi.
Si la technique semble complexe ou rébarbative, il existe aujourd’hui une ribambelle d’appareils et d’exercices pour tonifier le plancher pelvien et éveiller les muscles qui entourent le premier tiers du vagin et lui assurent son dynamisme et sa vivacité.
Pour arriver à une maîtrise supérieure, proche des Kabbazah, les femmes doivent s’entrainer pendant plusieurs années et la technique est difficile. Mais il existe aussi d’autres solutions moins contraignantes et néanmoins efficaces.
Les exercices de Kegel, que de nombreuses femmes pratiquent après un accouchement, est l’une des méthodes possibles.
Des exercises respiratoires pour le muscle releveur de l’anus, qui maintient la fermeté du vagin, sont une autre option. Il faut, en expirant, contracter ce releveur (c’est à dire avoir la sensation que l’anus se rétracte), ce faisant, un doigt dans le vagin permet de sentir si la contraction est forte ou faible, et lorsque le périnée est suffisamment tonique, le vagin peut littéralement enserrer le doigt.
Aujourd’hui, le vagin rentre, lui aussi, dans l’ère connectée. Une start-up, Perifit, propose depuis peu une sonde connectée : d’un côté un objet qui ressemble furieusement à des boules de Geisha avec une antenne qui dépasse (l’ensemble contient un un capteur de contraction périnéale), de l’autre une application mobile qui propose un jeu : chaque contraction du périnée fait monter dans le ciel un papillon. Plus il attrape de fleurs, meilleurs sont les scores et plus musclé devient le périnée. Quatre programmes sont proposés, dont un sexo. Un coach virtuel, à travers l’appli, permet d’avoir des conseils et de suivre ses progrès. L’ensemble a été conçu par un ensemble de kinés, d’ingénieurs et de développeurs.
Alors que la réalité augmentée pousse les foules à chasser des Pokémon dans les rues, on va peut-être maintenant voir les femmes s’éclipser pour chasser des papillons dans l’intimité.
Quelque soit la méthode, muscler la zone périnéale entraîne de nouveaux plaisirs. La femme est attentive à son sexe. L’éveil, les mouvements, lorsque les progrès sont là, permettent d’avoir des sensations qui conduisent presque jusqu’à l’orgasme, sans pénis, sans doigts, sans objet, sans fantasmes. Ensuite, pendant les rapports sexuels, il est préférable de tout oublier pour lâcher-prise. Mais la couche spongieuse du vagin tonifié se gorge de sang et s’épaissit avec l’excitation (comme une érection masculine), ce qui entraîne un rétrécissement du vagin. Il permet à la femme de mieux sentir le pénis du partenaire (ou de mieux sentir son vibromasseur) même en étant relâchée et détendue.
Quelle que soit l’option choisie, tonifier le bas du ventre entraîne une série de conséquences toutes aussi heureuses les unes que les autres. L’ensemble des organes génitaux est bien tenu, le plaisir augmente, le vagin cesse d’être perçu comme un « réceptacle » et la femme se sent active. On sort enfin la femme du rôle culturel auquel son genre a été assigné. Ce qui est essentiel.
Sophie Bramly