L’avenir incertain
Le 27/11/2012
Margareth, belle dans son tailleur bleu sombre, une chemise de soie blanche entrouverte marche dans les couloirs de l’Assemblé Nationale. Elle a les yeux bleus, le visage fermé, et des cheveux châtains sombres accrochés derrière sa nuque. Enfilant son manteau, elle pousse la lourde porte d’entrée, où des journalistes attendent en haut des marches, le micro à la main.
« Madame la députée, un commentaire ? ».
Elle regarde le micro qu’on lui tend, regarde frontalement la caméra et dit une phrase laconique, concluant par un « si vous voulez bien m’excuser ».
Il est 20h, son mari ne l’attend pas encore, il ne sera là qu’à 23h et les enfants sont gardés par la voisine. Elle sort son portable de la poche et écrit : « tu es libre ce soir ? J’ai deux heures… ». Quelques minutes plus tard, son portable vibre « viens à mon hôtel si tu veux, nous dinerons ».
Instinctivement, sa marche s’accélère, elle hèle un taxi, et dit « à l’Hôtel européen, rue des Archives ». Sa main serrant dans son manteau son portable, elle reste silencieuse tandis que la radio diffuse faiblement une musique.
L’hôtel européen est un hôtel pour businessman, un bel hôtel, large et confortable, avec des canapés, des fauteuils en cuir, et une grande salle à manger feutrée. Elle a à peine le temps d’aller au bar de la salle de réception que l’ascenseur s’ouvre sur une femme à l’allure souple.
La députée regarde marcher cette femme un moment et lui sourit. Sophia s’est avancée silencieusement, comme une chatte délicate, son visage est si avenant, qu’elle paraît encore adolescente alors qu’elle frôle la quarantaine. Elles se rapprochent et se font la bise, et Margareth est frappée par l’odeur de cette peau si immédiatement reconnaissable.
Margareth est heureuse, presque soulagée d’être là, et demande dans un murmure ce que Sophia veut boire. « Un bourbon » dit-elle en souriant, avec un regard net et décidé. Margareth ressent le timbre de la voix comme une vague de chaleur se répandant dans son corps. Le bourbon est servi, Sophia le porte à ses lèvres et lui dit à quel point ça lui fait plaisir de la voir.
Elles discutent un peu, beaucoup, le regard posé sur les lèvres de l’autre, les joues, le contour des yeux. Comme elles se trouvent belles alors… « Tu as faim ? » demande Sophia à Margareth, et l’entraine dans la salle à manger à peine remplie. Les tables sont tellement éloignées les unes des autres, que Margareth ne perçoit rien ni personne, et elles s’assoient dans un coin, à une table ronde. Les plats arrivent, le vin coule goulument dans les verres que les serveurs s’empressent de remplir.
Sophia qui n’est à Paris que pour quelques jours regarde son amie et amante depuis peu, cette femme mariée qu’elle n’aurait jamais crue avoir, et pourtant… Quelle tentation ! Comme il est difficile de résister, or en réalité, il n’est plus question de résister, puisque son corps entier est au service de cet amour. De temps en temps, elle croise le mari de sa maîtresse, dans des congrès, à Bruxelles ou Londres, et ne peut s’empêcher d’avoir honte, surtout quand il vient la saluer amicalement. Oui, elle a honte, mais elle est déjà … dépendante du corps de sa femme. Saura-t-il un jour qu’elle est dépendante de ce corps ? Elle se perd dans ses considérations, tandis que Margareth raconte sa vie et ses vicissitudes, la difficulté d’être une femme au parlement, comment les hommes oscillent entre séduction et misogynie, comment elle doit paraître homme, hausser la voix, asseoir ses arguments avec autorité.
Margareth a besoin de parler. Elle ne se confie pas dans la vie, entretient des relations cordiales avec ses collègues, amis, mais en général ne s’épanche pas. Et n’a jamais dit à personne qu’elle était amoureuse d’une femme. Et quelle femme : tout en parlant, elle regarde encore Sophia, fine et grande, au visage de Tartare, aux yeux bleus fendus en amande, et au sourire ambigu. Elle ressemble à un renard ou à un chat, et a l’instinct d’un félin.
Le destin s’est véritablement abattu sur elle. Ce n’est que quelques heures à chaque fois, deux ou trois heures tout au plus, dans des chambres d’hôtel. La première fois qu’elles se sont allongées sur un lit, Sophia lui a fait délicatement l’amour, en experte, les yeux rivés sur ses paupières closes.
Sophia se lève et demande à Margareth de l’accompagner, un cadeau l’attend dans sa chambre. Dans l’ascenseur, l’une en face de l’autre, elles restent silencieuses, le souffle court, les joues empourprées.
Une fois arrivées dans la chambre, Sophia fouille dans sa valise et lui sort un livre, qu’elle avait acheté en pensant à elle. Margareth prend le livre et dit merci, merci, le pose sur la chaise et lui prend les mains, et la taille, et dit à nouveau « merci, ma chérie », et l’embrasse. Leurs lèvres se touchent, leurs lèvres humides et souples se touchent et se fondent l’unes dans l’autres, pour laisser la place aux langues, et à la moiteur de leur salive. Sophia tremble, c’est incroyable, une crampe lancinante réveille son sexe, et les pulsations de son sang irradient son ventre et ses cuisses.
Sur le lit où Margareth a entraîné son amie, Sophia à moitié nue, ferme les yeux et sent des caresses sur ses seins, et le contact mouillé de la langue sur ses tétons. Elle sent son jean se déboutonner et descendre à ses chevilles. Elle ouvre les yeux, voit le visage de son amante la regarder avec convoitise, ses yeux bleus et brillants. Une main est rentrée dans sa culotte et s’engouffre dans son humidité, tout est coulant et onctueux. « Tu vois l’effet que tu me fais » réussit-elle à articuler. Et elle sent des doigts agiles et souples lui toucher son clitoris, des doigts qui rechignent à s’enfoncer, pas encore. Sa respiration s’accélère, elle pense fort « baise moi, baise moi », mais ne dit rien, et laisse faire…
Margareth se baisse et relève avec ses deux bras les cuisses de son amie et enfonce sa langue dans son sexe, et boit, s’abreuve de cette eau chaude et épaisse. Elle pourrait la lécher une éternité, à grands coups de langue. Sophia gémit, halète, explose, son corps entier se crispe, non pas tout de suite, attend, non, … Ma drogue, se dit-elle, alors que Margareth s’est relevée et qu’elle l’embrasse dans le cou, qu’elle la mord et la suce. « Ma drogue ».
Sophia se relève et c’est elle maintenant qui prend les commandes, retire la jupe si sobre de la députée et enfonce tout de suite sa tête entre ses cuisses, creux déjà bien humide, et gonflé, et s’abreuve à son tour, boit, et lape, les doigts jouant à l’entrée du sexe, et enfonçant doucement, deux doigts tout de suite, et lape encore. Elle bouge les deux doigts à l’intérieur à l’endroit où sa langue se répand à l’extérieur. L’onde de choc arrive bientôt dans ce corps vibrant, le corps se contracte, et un cri à peine retenu s’échappe de ses lèvres entrouvertes. C’est toujours si rapide avec elle, elle jouit si vite, comme si elle se délivrait enfin.
Un peu plus tard, nues, l’une et l’autre, l’une contre l’autre : encore un quart d’heure, car il est bientôt minuit, encore un quart d’heure pense fortement Sophia, mais Margareth s’est déjà relevée, reboutonne son soutien-gorge, et c’est bientôt la fin. Sophia essaye de la retenir par des caresses, mais Margareth regarde amoureusement Sophia, et lui dit « mon amour, je déteste partir comme ça… », Sophia la tête reposant sur l’oreiller, l’écoute silencieusement, cérémonieusement, comme si elle prononçait quelques formules magiques. « Je dois y aller, » murmure-t-elle encore puis après une constatation qui lui fait presque mal, dit « que tu es belle ». Sophia sourit avec fatalité. Margareth a des scrupules et reste assise sur le lit. Sophia se lève et à contre cœur pour encourager son amie lui tend la main « Viens », l’entraînant à l’entrée. Elle entrouvre la porte et lui murmure « au revoir ma chérie ». Son amie lui dépose un baiser et part.
Refermant la porte derrière elle, Sophia sent déjà le cruel manque de son corps.
[gris]Lise[/gris]
Commentaires (2)
Merci. :)
Toujours un plaisir de te lire chère Lise ... Un délice ...