Homme à louer : épisode 24
Le 28/05/2010
C’était il y a un mois jour pour jour. Héléna recevait un appel. Une demoiselle Lolalune qui voulait louer les services de deux garçons. « C’est pour un enterrement de vie de jeune fille en grandes pompes », dit-elle, « avant de me consacrer corps et âme à mon mari » ajouta-t-elle. Elle voulait « immortaliser l’événement ». Un « roman photo, à la manière des dramaturgies publiées dans Nous Deux, 52 pages couleur sur papier glacé. Milly-Mélo, jeune femme russe, doux rejeton d’une aïeule du rude Tamerlan, ma sœur de sang et demoiselle d’honneur, m’accompagnera », ajoute la voix au téléphone. J’ai le photographe. Un monsieur Sage…
— …Comme une image, reprit Héléna tout à trac d’une voix remplie des délices du dévergondage.
— Non, c’est son nom, un cador du piqué suprême, du beau grain et de l’ivresse des sens…
Lolalune dévoila les grandes lignes de l’histoire, une « allégorie d’un ultime et sublime bain de jouvence ». Héléna n’y trouva ni queue ni tête, se soucia à vrai dire de l’intrigue comme de son 7891e orgasme, et fit l’article de son mignon personnel.
— Benoît, artiste sculpteur, a un sens inné de la pose, Quentin, celui de la comédie, et, coup de chance, ce vaillant garçon a récemment peaufiné son jeu de scène et de reins auprès des meilleures stars évoluant sous grand X cube, de l’avis unanime d’un grand nombre d’adeptes de la télé cochonne de la nuit. Vous en aurez pour votre argent !
— Allons, contractons ! acquiesça Lolalune.
— Je pourrais, pensez-vous, avoir un exemplaire de la belle ouvrage ? demanda Héléna l’œil enflammé et le foutre, euh, pardon ! L’eau à la bouche.
Lolalune lança un « non » définitif. « Mais nous pourrions nous donner rendez-vous dans votre cabinet pour feuilleter le feuilleton autour d’une tasse de thé Mariage », proposa la jeune femme.
— Vendu, fit Héléna. Elle fit un geste commercial. Une remise de 10 % sur le montant de la prestation. « Demain, dès la première heure, Quentin et Benoît, frétillants comme des gardons, seront dans vos murs pour honorer Sodome, Gomorrhe, Priape et la muse Érato. »
Le mois passa. Le jour de l’effeuillage de la revue vint.
— Madame…
— Mademoiselle pour quelques heures encore, corrigea la demoiselle.
— Mademoiselle Lolalune, rectifia Brian dans l’interphone. Il la pria d’entrer.
Héléna était « enchantée » de faire la connaissance de la « future mariée, tous mes vœux de bonheur. J’ai moi-même convolé, il y a peu ». Lolalune s’était faite belle. De subtiles touches de khôl, mascara et fard soulignaient les traits encore juvéniles de son visage. Les éclats de ses yeux gris acier, rehaussés par le rouge amarante de ses lèvres délicatement courbées, traduisaient sa gourmandise pour la vie.
Elle était vêtue d’un blouson de cuir noir patiné, d’un élégant chandail couleur cuisse de nymphe qui couvrait de pétulants petits seins, tricot par ailleurs délibérément court pour laisser paraître le bas de son ventre coquet, une languette de chair ferme d’une teinte fauve tendre.
La pointe de sa longue chevelure d’un noir jais, tressée serrée, liée à son extrémité par un chouchou de fils d’or, venait mourir exactement en lisière du pull-over.
Une jupe fourreau basalte couvrait des jambes graciles gainées de bas transparents. On ne vous parlera pas, ni maintenant ni ci-après, de ses choutes lingeries fines qui eussent été évidemment renversantes, bouleversant sens, dessous et dessus (vues les belles collections pliées aux petits oignons dans sa commode), si Lolalune en eût - huuu cocotte ! fouette cocher ! - portées. La demoiselle avait l’album comme promis.
Le thé infusa en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. Héléna et Lolalune s’installèrent confortablement côte à côte sur le divan de velours anis flambant neuf. Cadeau de mariage de ses garçons ! La consultation de l’œuvre « mortelle » pouvait débuter. Elle était intitulée Braises. Photos P. Sage, texte C. Belleplante.
En couverture, Lolalune, Milly-Mélo, Benoît et Quentin se démultipliaient à profusion en multiples poses et enlacements aux quatre coins d’une piscine de plein air art déco, illuminée par la lumière d’un soleil d’été méditerranéen qui faisait scintiller les moindres aspérités musculaires des corps nus.
On y voyait pêle-mêle Quentin et Benoît mimant le Thésée combattant le Minotaure d’Antoine-Louis Barye ou rejouant une scène familiale de David Hockney ; Milly-Mélo, sur un plot de départ, en Liberté éclairant le monde de Bartholdi ; Lolalune et Quentin rejouant Le Baiser de Rodin ; Quentin en Apoxyomène de Lysippe, en David de Michel-Ange et de Donatello ; Benoît, perché sur le plongeoir de dix mètres, en Héraclès archer de Bourdelle, sexe flamboyant, insigne entorse à l’œuvre originale, en Persée avec la tête de Méduse de Cellini, en Athlète de Raymond Duchamp-Villon, en esclave mourant de Michel-Ange ; Benoît, Quentin et Milly-Mélo dans une reprise des Trois Grâces de Raphaël ; Lolalune en Vénus naissante d’Alexandre Cabanel, en Femme s’essuyant la nuque après le bain de Degas, en Maja desnuda de Goya ; Lolalune et Milly-Mélo dans Psyché ranimée par le baiser de l’Amour d’Antonio Canova ; Lolalune et Benoît en Adam et Ève de Lucas Cranach. Et tout ce petit monde assemblé, réassemblé pour prendre un Bain turc façon Ingres, danser à la manière de Jean-Baptiste Carpeaux, ou tenant, stoïques, quelques autres postures acrobatiques qui ne reprenaient nulle prestigieuse œuvre de musée.
— L’art chic ainsi revu me botte les fesses, fit Héléna, en posant en douce sur la cuisse de sa voisine une main pleine de congratulations.
Lolalune tressaillit à cette ingénue marque d’affection.
Le roman photo s’ouvrait sur une vignette montrant Quentin, haut là-haut sur son plongeoir de 25 mètres, s’apprêtant, bras au ciel, muscles bandés, zizi mordoré y compris, à exécuter un saut de l’ange. Et le voilà parti.
— Oh, mon dieu le grand fou ! cria d’effroi Héléna, dont la main cramponna manu militari une jarretelle de Lolalune. Dans un même mouvement, elle cacha sa tête contre la poitrine palpitante de sa voisine. L’expression de son visage eut pu prendre place dans une vignette du feuilleton.
Aux Jeux Olympiques, le saut de Quentin méritait un bon 9.96.
Milly-Mélo applaudit. La jeune demoiselle d’honneur, buste nu découvrant deux seins opulents apparemment nullement prothésés, ou alors c’était bien fait, sertis d’aréoles olé-olé auréolées d’or et terminées par des tétons de diamant, était revêtue d’un exubérant shorty de bain de lycra vert pomme, accoutrement bien peu chaste, si l’on disait que sa coupe mini abandonnait à l’air un bon quart inférieur de son derrière.
Une vignette incidente montrait un public mixte emmailloté dans des bikinis fichtrement riquiqui, aux mains baladeuses, et les regards aimantés sur ces volutes fessières d’une beauté sans bornes.
Dans une bulle, Milly-Mélo s’extasiait fesses en cœur, seins en mains, sur l’exploit de Quentin : « Quelle élégance, quelle fermeté et quelle parfaite puissance de pénétration ! »
Héléna était rassurée de voir son garçon sauf. Elle se redressa, garda sa main légère un peu plus au chaud sous le fourreau.
Une nouvelle vignette montrait Milly-Mélo et Lolalune assises sur le rebord du bassin olympique, pieds ballants barbotant, guettant le retour au port de Quentin. Mimant des mines de miss d’arrivée d’étape du Tour de France à bicyclette, elles lui dirent : « Posez, grand duc d’la voltige, en guise de récompense de goulus baisers sur chacun de nos précieux globes. »
Quentin se hissa à la force des bras. Le plongeur y plaqua les lèvres comme Gargantua lampe une lampée de miel toutes fleurs. Les deux dames grandement enchantées des sémillantes embrassades lui offrirent en plus de biser leur berlingot raide dingue d’excitation. D’un même élan, elles échancrèrent leur maillot qui laissa poindre des fentes nacrées visiblement aux anges surmontées à l’identique d’une toison brun doré, taillée en cône, extraordinairement drue, qui eut fait sitôt penser à ces touffes de polytric, mousse souple et dense, qui émaillent les souches des sous-bois exposés aux assauts répétés d’un zéphyr andalou, caramba !
— Ô douces sirènes, je ne ferai que mouiller mes lèvres dans les nectars que vous m’offrez là à goûter, attendant pour vous assiéger de ma fougue lubrique que mon bon ami revienne sur terre et darde son dard.
Une vignette montrait Benoît naviguant dans les songes, ravi de la crèche, et alléché par ces fourrures coniques d’où s’échappaient d’hallucinantes volutes de fumée. En pied, il était indiqué : « À ces mots, Benoît érigea dare-dare son braquemart. »
— C’est beau comme du Julio Iglesias, fit Héléna sous le charme. D’un hardi doigté ardent, la dame patronnesse pénétra le con en fusion de la future mariée qui vit dans cette intrusion inopinée l’auguste signe et le bon augure d’une envolée imminente pour les septièmes cieux.
Tout ce tralala provoqua un soubresaut de plaisir qui fit sauter un petit paquet de pages romanesques. Le fil de l’histoire en fut rompu. C’était bientôt la fin. Héléna n’en fut point chagrinée.
Qu’admirions-nous pour suivre ? Nous étions dans les cabines de plein air de la piscine. Les filles dans l’une, les garçons dans la voisine.
Un coquin courant d’air faisait voleter une culotte volage. Benoît saisissait du bout de ses longs doigts le brin d’étoffe de résille mousseline damasquinée, scintillante, cerise et caviar, dentelée main à Calais et augmentée aux entournures de minuscules pierres précieuses.
Sa bite se gonflait d’émotion et de triomphe, comme s’il eut dégotté un butin. Quentin s’étendait pareillement. Lolalune et Milly-Mélo pointaient le museau par-dessus la palissade. « C’est mon bien » disait Lolalune.
Les deux hommes ruaient comme des chevaux fougueux, leur sexe se muait en sceptre de rois de Nubie et de princes magyars, et s’érigeait sublime comme l’obélisque de la Concorde, faisant promesses de fougueux coups de piston. Les yeux en l’air, abandonnées à la contemplation, les filles lançaient un « Oups ! » de midinettes faussement effarouchées.
— Quel port royal plein de grâce diablement peu janséniste ! disait Milly-Mélo.
— Mazette, ma zézette, je ne me souvenais pas que mes gars eussent des membres d’ânes ! s’étonna Héléna qui soupçonna un montage.
Mais non ! Sur la vignette suivante, les filles s’affichaient de bas du dos en gros plan. La tendresse du regard du monsieur Sage magnifiait les rondeurs. C’étaient deux beaux culs siamois, arrondis comme le flanc d’un vase. Chacun coiffait une vulve généreuse, pareille à un fruit fendu net, gorgé de promesses sucrées. Les derrières posaient sans arrogance. La délicatesse des courbes, la finesse des ourlés, la soie du grain, se miraient dans les bancs vernissés de frais. La photo suivante adoptait le même point de vue. On apercevait en sus deux doigts enchâssés dans des fentes que l’on devinait soudain plus moelleuses.
Tous ses beaux appareils ne pouvaient s’assembler qu’à tenon et à mortaise.
Héléna bondit du sofa et dégaina son joli petit cul pour soutenir la comparaison. « Sincères félicitations » pour le seyant dessin de votre séant, complimenta Lolalune, qui d’une main troussa sa jupe, puis glissa l’autre dans l’entrecuisse ajouré d’Héléna. Elle la ramena près d’elle par les commissures du sexe, et l’invita à s’asseoir à califourchon, entre chair et soie.
Ah, oui ! la suite et la fin du feuilleton ! Benoît s’étalait de tout son long sur le dos à même le sol de mosaïques aux couleurs fraîches et vives, pâmées de chaleur. Lolalune enfourchait son vit d’une traite. Son corps ondulait avec limpidité, au rythme du prélude d’une suite BWV de Bach en point G majeur. Elle enlaçait étroitement les douces hanches de Milly-Mélo. Ses caresses buccales d’une grande noblesse d’âme propageaient les circonvolutions de son corps à celui de son amie qui n’eut pas évolué autrement en orbite. À l’arrière, Quentin, le visage épanoui d’amour, un rien trop Roccoco siffredien barattait de snobs coups de reins réguliers, lents, exquis. Tout s’emboîtait au millimètre comme annoncé.
Lolalune et Héléna évoluaient chair contre chair, bouche contre bouche, seins contre seins, sexe contre sexe, bouche contre sein contre sexe contre bouche contre bouche contre sexe contre sein… Stop ! Ou encore ! Sexe contre bouche contre seins contre seins contre fesses contre bouche contre… L’attelage branlait. Tchoutchou ! Et ce n’était pas du cinoche !
Tout avait une fin.
— Voici pour vous en cadeau, un folioscope audio du grand coït final.
Héléna, émue, la couvrit une nouvelle fois de mille baisers de feu. Lolalune, tout sucre, tout miel, les pensées dans les étoiles et l’hymen, ainsi soit-il, s’éclipsa. Brian entendit résonner les premières notes de la sonate bachique. C’était bien la fin.
[gris]
Camomille Belleplante[/gris]
© Sdurdu - Fotolia
Commentaires (3)
QUOI ? il y a tellement de métaphores saugrenues...ça gâche la lecture et on ne comprend rien ! qu’est ce que c’est prétentieux...et mal écrit. Depuis l’épisode 18 ou 19, cette histoire ne vaut décidément plus le coup !
L’histoire est exitante en soi grâce aux flash back sur ce qui s’est passé pendant les prises de photo. C’est vrai que le style se veut sophistiqué mais il en devient vraiment lourd. C’est dommage.
Espérons que l’auteur(e) change pour la suite des Nouvelles O.
j’adore !! Drôle et coquin... impeccable ! merci