Quand elle m’a dirigée

Le 04/04/2013

L’orchestre était somnolant. Il faisait terriblement chaud et nous étions depuis si longtemps dans la salle de répétition. Ce matin là, on vint nous voir, pour nous annoncer une nouvelle cession avec une cheffe d’orchestre femme. Une nouvelle cession, ca veut dire, jouer un nouveau programme dans une nouvelle salle.
L’orchestre étant composé majoritairement d’hommes, cette annonce en fit ricaner plus d’un. Une cheffe, « une femme qui se prend pour un homme, une femme qui a des couilles », c’était rare en effet : contrôler, mater tous ces instrumentistes mâles n’était pas chose facile. Elle était espagnole, peu connue, mais avait enregistré quelques disques qui faisaient déjà du bruit. On nous fit savoir qu’elle arriverait à la maison de la radio le lendemain dans l’après-midi.
Le lendemain, vers deux heures, alors que nous étions déjà assis, nous vîmes arriver cette femme, de 35 ou 40 ans, brune, les cheveux longs noirs, de taille moyenne. Ce qui frappait tout d’abord était son regard noir de jais. Enfin d’après moi « T’as vu ses seins ? » me chuchota Alban, mon collègue flutiste. Ah non, je ne les avais pas vus... Et, elle savait parler français aussi. « Comme une vache espagnole  » ricana de nouveau Alban. « Crétin » lâchais-je.
Un orchestre et un chef, c’est d’abord un combat : qui dominera l’autre, qui dirigera finalement les pièces. Elle se présenta «  bonjour, je m’appelle Maria Bauer, nous nous regroupons ici pour jouer la Symphonie Fantastique de Berlioz, et la Valse de Ravel, nous avons un mois de répétition. Sachez que je suis heureuse de jouer avec vous ».
Les répétitions commencèrent donc. Il faisait chaud, ca transpirait, et elle avait une façon de diriger, nerveuse, exaltée. Cependant l’orchestre restait souvent apathique devant ses propositions. « Mesure 46, les violons, plus énergiques, ta-ta-ta-ta-ta  ». Les violons jouaient toujours aussi mou, par provocation. Je la voyais alors arrêter l’orchestre, froncer les sourcils et rester muette quelques instants. Je sentais alors tout son pouvoir de femme de tête, elle ne lâcherait pas l’affaire « On recommence, s’il vous plait, mesure 46 ». Et eux, continuaient à se foutre de son autorité.
Quelque chose en elle était absolument fascinant. Elle ne perdait pas contenance, le regard perçant, le visage ferme, elle répétait les mêmes mesures, encore et toujours.
« Mesure 46, la Valse de Ravel est une sorte de songe onirique, un tourbillon, nous devons la jouer comme un tourbillon, on recommence ». Même si cette remarque était clairement destinée aux violons, elle arrivait à parler à tout le monde, sans les attaquer frontalement, avec une sorte de flegme. Et au bout d’un moment, ils se sont rendus. Pourquoi résister après tout. Elle ne lâcherait pas l’affaire, et répétait toujours les mêmes mesures, nous mettant tous sur les nerfs.
« Vous devons jouer cette pièce comme ça, c’est trop lourd encore, plus léger, de la vapeur ! ».
Au fur et à mesure que le mois de juillet se déroulait, nous jouions en tee-shirt, et elle retirait ses légers pulls, au grand plaisir des musiciens. J’avoue avoir été un peu émue moi aussi : des seins larges et lourds, et ses cheveux qui tombaient lourdement sur ses épaules, et ses doigts vifs voltigeant dans les airs, et ce sourire qui parfois traversait son expression sérieuse.
Quand je la croisais dans les couloirs, je rasais les murs, j’étais incapable de lui parler. En passant près de moi, elle affichait un sourire figé qui ne portait pas au dialogue. Pourtant, un jour, je fis le premier pas.
Je discutais avec deux musiciens, quand elle vint nous voir. De manière débonnaire, décontractée, sans nous regarder dans les yeux, pourtant. Mes deux collègues se sont empressés de lui parler, de rire. Et moi, soudainement, je lui demandais si elle voulait un café. Quand je lui tendis le gobelet, elle était silencieuse et je m’approchais d’elle lentement.

—  Connaissez vous à l’orchestre de Madrid une amie clarinettiste Florence Morzi ?

—  Oui, je la connais, me dit-elle en levant le regard vers moi.
C’est ainsi que nous avons eu notre première conversation. Sa façon de parler, lente était extrêmement spéciale. Elle regardait plus qu’elle ne parlait, elle regardait la bouche, le contour du visage, les yeux. « Sait-elle qu’elle m’allume ? » J’étais troublée : de près, je la trouvais belle, ses grands yeux noirs avaient quelque chose de tendre, et son regard balayait mon visage comme du velours. J’étais caressée par sa voix, si chantante et intime.

Un jour, lors d’une pause, j’errai dans les couloirs quand je la vis seule, assise sur une chaise, le visage dans les mains. Elle n’avait pas l’air bien. J’allais la voir. Elle leva le visage, pour me regarder, son visage était extrêmement angoissé. Je m’agenouillais instinctivement, et inquiète lui demandais si elle avait besoin de quelque chose, d’un verre d’eau. « Merci, tout va bien je vous remercie ».
Ce jour là, comme si de rien n’était, elle revenait à son pupitre, et recommençait d’une voix claire à nous malmener, nous pousser dans nos retranchements, répétait indéfiniment les mêmes mesures, jusqu’à ce que ça lui plaise.
Un autre jour, lors d’une pose, le bruit circula que Julien un corniste l’avait invitée à diner et qu’elle avait refusé. Ca me fit rire, et, entourée de tous ces hommes, je lançai « bien fait, ca lui apprendra à penser que toutes les femmes sont folles de lui  ». Aurélien, un ami de Julien, lâcha « hum, elle doit être lesbienne, elle est pas très féminine, pas coquette  ». Cette réflexion me laissa songeuse. Je la trouvais féminine moi, et quant à être lesbienne, j’en éprouvais un secret contentement.
Plus le concert approchait, plus elle était anxieuse, ses doutes l’assaillaient chaque jour un peu plus. Je l’observais de loin, assise à l’écart en cachette, la tête prise dans les mains. J’allais la voir parfois et m’accroupissais face à elle. « Avez-vous besoin de quelque chose » m’aventurais-je. Mais elle me répétait que non.
Mes collègues avaient observé aussi ses moments d’angoisse, et devenaient angoissés à leur tour « et si elle nous lâchait ? Ah les femmes cheffes, elles n’ont pas les épaules pour toute cette pression  ».
Le concert arriva. La salle Pleyel se remplissait : les messieurs gras des premiers rangs, les femmes en robe de soirée et fourrure, les étudiants au balcon.
Des chuchotements dans le couloir m’apprirent que Maria était enfermée dans sa loge, et qu’elle vivait un enfer. Je fus prise de pitié et allais toquer. « C’est Clémence, je peux vous être utile ? » Elle ouvrit la porte et je rentrais. Elle n’était pas habillée, ni coiffée, et ses yeux étaient creusés d’angoisse.
Lentement, elle s’assit de nouveau sur sa chaise. «  Clémence … je ne peux pas  » Si, elle le pouvait, il le fallait, annuler un concert en début de parcours pouvait ruiner sa carrière. Je m’accroupis et la regardai dans les yeux « Mais si vous pouvez, vous le devez, Maria » . « Non, je ne peux pas, vous ne comprenez pas ». Comment lui faire comprendre qu’il fallait qu’elle sorte de cette loge. Je la regardais toujours plus profondément dans les yeux « Maria, murmurais-je, Maria, s’il vous plait, faîtes-le  ». Silencieusement, une perle de larme coula sur sa joue. J’étais tellement émue, j’avançais ma main et retirais la larme.
Elle prononça mon nom « Clémence ».
—  Oui ?
Son regard changea imperceptiblement :

—  Embrassez moi, me dit-elle en regardant la bouche.

—  Je m’approchais d’elle, et posais mes lèvres sur les siennes, en murmurant, « tout va bien se passer, vous êtes merveilleuse, vous avez du charisme, vous avez fait un travail formidable ». Ses lèvres immobiles se laissaient embrasser par saccade. Je réfléchissais deux secondes, et après une hésitation, lâchais : « Maria, pensez que quelqu’un dans l’orchestre est amoureux de vous  ».
Ses bras m’enveloppèrent, et mon cœur se crispa d’émotion. Je crus m’évanouir. Ses mains pressèrent mon dos. « Oui, je suis émue par vous, murmurais-je encore, dès le début je crois, j’ai voulu … vous toucher, vous caresser  ». Mes mains passaient sur ses seins, et les pressaient légèrement. Un soupir s’échappa de ses lèvres. Nos bouches s’unirent plus sûrement, ma langue rencontrait la sienne.
Je soulevais son tee-shirt qui passait au dessus de sa tête, et observais ses seins volumineux comprimés dans un soutien-gorge strict. « Que vous êtes belle » fis-je en dégrafant lentement le soutien-gorge. Les seins tombèrent dans mes mains, et instinctivement, en perdant le contrôle, je massais sa poitrine plus vigoureusement. Je me penchais et embrassais les tétons durcis. Les lécher me fit mouiller méchamment, mon sexe me faisait terriblement mal. Mes doigts fins et longs agrippaient les deux mamelons et les pressaient l’un contre l’autre. La tête penchée en arrière, elle écarta instinctivement les jambes, et je baissai son pantalon noir de concert.
« Laissez-vous faire  » soufflais-je en m’agenouillant face à elle. Les épaules sous ses cuisses, je m’approchais de son sexe au poil noir et court. Un léger coup de langue fit dégager le clitoris, et je pus coulisser ma langue juste en dessous. Un léger souffle rapide sortit de sa bouche. Reposant ses jambes, j’écartais ses lèvres de mes doigts, et me mis à glisser ma langue entre son vagin et son bouton durci. « La décontracter » me dis-je dans un moment d’étrange lucidité.

Je vagabondais autour de son bouton, faisais gonfler l’arrête et le clitoris sous mes coups de langue, tandis que son vagin s’ouvrait, s’humidifiait. Sa cyprine mouillait ma bouche, et son gout rentrait en moi comme un nouveau parfum. Tout devenait onctueux. J’avalais son suc, la langue alors s’engouffra dans son intérieur, et alla le plus profondément possible. Une longue plainte sortit de sa bouche. Sa poitrine se gonflait par saccade, toute concentrée qu’elle était par la montée du désir.
Avec ma tête, je faisais des allers retour, la langue tendue à l’intérieur de son vagin, puis remontais vers le clitoris, et le lapais maintenant avidement, en approchant ma main de son sexe. Mes deux doigts s’enfonçaient légèrement, mais pas tout à fait. Je me reculais, et la regardais « qu’est ce que vous voulez ? Dites-le ». Son corps parlait pour elle, son bassin s’avançait vers mes doigts dans un mouvement proche de la souffrance. Elle se leva presque, et s’enfonça dans mes doigts… très profondément. J’enfonçais de nouveau ma tête et ma langue dans son sexe. Un nouveau gémissement. Et dans des mouvements amples et profonds je l’empalais avec ma main. Je l’aurais baisée une éternité, baiser une force de la nature pareille, une cheffe qui matait les plus durs à cuire, une beauté andalouse, femme sensuelle, érotique... Elle haletait, « oui, oui, oui  », et je sentais sa main m’agripper les cheveux. J’arquais encore plus mon bras pour donner à mes allers venus plus de vigueur.
Sa respiration s’accélérait, et d’un coup, son corps se contracta, et un cri tout de suite étouffé dans sa main s’échappa de sa poitrine. Des contractions agitèrent son corps… Je voyais ses seins lourds et remplis se figer, ses hanches se cambrer, ses yeux fermés et son poing contre sa bouche. Et puis le repos. Mon visage toujours dans son sexe, je reprenais ma respiration.
Je me relevais lentement, et l’observais gentiment. Un sourire planait sur son visage, et doucement elle articula « gracias amor ».
La sonnerie avait déjà retenti une fois. Je courais dans les couloirs et quand j’arrivais dans les coulisses, je vis que tout le monde était déjà rentré sur scène. Je me faufilais dans les rangs et m’assis. A mon arrivée, je vis Alban se contracter et il se pencha vers moi « tu sens le sexe ». Je chuchotais immobile « chut ». Maria arriva 5 minutes plus tard, sous une volée d’applaudissements. Mon ami se retourna vers moi, les yeux vifs et perçant « non… tu… » « Chut ! » répétais-je.

[gris]Lise[/gris]

Commentaires (15)

  • Cameron

    Des histoires toujours très appréciables ;)

  • Lise

    Merci cameron, si tu as des avis n’hésite pas :)

  • Cameron

    C’est vrai je ne suis pas très bavarde ... Tu as une écriture assurée, détaillée qui me plait. Moi qui suis très visuelle c’est très agréable.
    J’aime ton verbe et ton imagination, voilà !

  • Lise

    Ahh merci Cameron, ça fait plaisir :)))

  • Cameron

    Tu n’en doutais pas j’espère ?
    Écris-tu dans d’autres styles ?

  • Lise

    bin non j’ai que celui-ci sous la main !

  • Cameron

    Je soupçonne des études littéraires ... Je me trompe ?

  • Lise

    Ah non, mais j’ai fait des études où il fallait que j’écrive des dissert tout ça... Donc bon. Et toi ? ;)

  • Cameron

    Des bonnes notes ou une des meilleures de la classe alors ;)
    J’étais dans cette voie-là oui mais j’ai arrêté avant de rentrer dans le vif du sujet, ça me gonflait à l’époque ... Je suis plutôt autodidacte.

  • Lise

    Rhôôô tu me flattes, Cameron ! comment pourrais-je te contredire ;))Nin, ce qui m’intéresse au fond, c’est la fiction, la romance, les emprises psychologiques. En fait, je réalise : les histoires platoniques..., lol, c’est étonnant hein... Et toi, quand postes tu une autre nouvelle ?

  • Cameron

    En tous cas tes histoires sont tout sauf platoniques !
    Tu dois être une accro des séries américaines alors ? Pour avoir un mélange de tout ça, je te conseille la série de livres "Honneurs" de Radclyffe si tu ne connais pas déjà ;) je rêve du jour où ils seront adaptés en série ou film ...
    Sinon oui, une autre nouvelle arrive. Je peaufine la suite de mon dernier texte ... ;)

  • Lise

    Okay j’irai voir, alors Cameron, ça vient de Amour et Honneur ?
    Bin les séries américaines, bof, tiens LWord, y’a trop de cul, dans le sens, le cul tue le cul, au bout d’un moment, on s’en fout... Xfiles c’était sympa niveau abstinence, ca me rendait dingue. Okay, pour ton texte, on attend ! ;)

  • Cameron

    Peut-être ... Et "Lise" ? ;)
    Ah bon ! Trop de cul dans The L Word ?! Je devais être en manque ça m’a pas choqué lol
    J’ai pas vraiment suivi Xfiles mais c’est vrai que je me suis souvent demandée quand Skully allait passer à la casserole lol Mulder est trop con !

  • Lise

    Lise c’est juste un pseudo, au pif... Ouais trop de cul dans L word, lol, mais ça veut pas dire que j’ai pas kiffé certaines scènes hein... ! Tiens d’ailleurs, je préfère dans le même genre la 2ième saison de Lip service
    C’était tout l’intérêt de la série, Scully, Mulder, deux "no life", mais qui cherchent pas à en avoir une... Un cocktail détonnant pour rendre dingue les ados que nous étions :p

  • Cameron

    Oh mais j’en suis sûre ... la chair est faible ;) Cette série aura au moins eu le mérite de déniaiser certains esprits sur la sexualité entre 2 filles, ce qui n’est pas rien ... même si dans l’absolu le contexte dans lequel elles évoluent ne touche pas tout le monde contrairement à Lip Service. C’est vraiment dommage qu’ils se soient arrêtés à 2 saisons, grosse déception ...
    En tous cas, heureusement que les anglais sont là parce que la France est encore trop frileuse sur le sujet, à part racheter les droits de séries étrangères ils ne sont pas bien créatifs.
    Ben oui, fallait qu’ils restent concentrés sur les phénomènes étranges !