Miss Marion, le burlesque dans l’art
Le 24/07/2009
Après une formation de designer textile, Marion Boucard devient attachée de presse chez Vivienne Westwood. Elle attend que le jour décline pour se transformer en Miss Marion, performeuse épicée et initiatrice du Slow Burlesque. Sa première performance avait eu lien en 2005 à l’occasion de la Nuit Blanche à Paris, elle s’était ensuite produite dans une vitrine des Galeries Lafayette. Ses interventions sont d’une si haute tenue artistique, qu’elle est représentée par Bank, une galerie parisienne.
Quel est votre mode d’expression favori ?
Mon médium de prédilection a été la performance depuis mes débuts il y a 4 ans, mais je me suis attaquée plus récemment à d’autres champs créatifs comme les collages, la photographie et la vidéo, et même la comédie ! Je me situe aux frontières du spectacle vivant et des arts plastiques.
Quel à été le déclencheur qui vous a donné envie de faire du burlesque ?
Ma première performance Séduire ou mourir, pour la Nuit Blanche 2005, à la Galerie RX, répondait à une urgence de création. Il s’agissait de reprendre une réflexion sur la féminité initiée quelques années plus tôt pendant mes études en Arts Appliqués. Dans cette performance, je passais de la femme-enfant à la femme fatale, protégée physiquement du public par un voile rose. Le tout pendant près d’une heure trente sans jamais quitter le public du regard. En m’inscrivant dans cette démarche, j’ai réalisé que je flirtais avec le New Burlesque, qui faisait son apparition aux États-unis, j’ai donc décidé de créer un personnage de scène qui s’appellerait Miss Marion.
Y a-t-il des artistes (actrices, performeuses) qui vous ont inspirées ?
Certainement, un des éléments déclencheurs a été de voir le Cabaret New Burlesque en août 2005 au Zèbre à l’occasion du festival Paris quartier d’été. Plusieurs Miss Exotic World en étaient les vedettes : Dirty Martini, Kitten de Ville et Kitty on the key, des femmes en dehors des canons habituels de beauté, pleines d’humour et de second degré. J’aime beaucoup aussi l’approche de Julie Atlas Muz, Miss Exotic World 2006. Puis des artistes plus proches du spectacle vivant comme Ursula Martinez ou de l’art contemporain comme Marina Abramovitz, Cindy Sherman ou Vanessa Beecroft qui mettent en scène leur intimité de manière plus engagée. Dans le jeu, j’ai été très inspirée par Louise Brooks qui à une façon bien particulière de se déplacer et qui joue à merveille de cette ambivalence femme fatale-femme enfant. Plus récemment je suis de plus en plus obsédée par les actrices de l’âge d’or du cinéma Hollywoodien comme Lauren Bacall ou Rita Hayworth, dont la puissance érotique est en total décalage avec une grande fragilité émotionnelle.
Pensez-vous qu’il y ait beaucoup de changement entre vos premiers stripteases et vos interventions aujourd’hui ?
Dans mes premières performances, l’idée était d’incarner différents archétypes féminins. Je me suis attaquée aux années cinquante en décodant cette époque de façon assez approfondie (musique, iconographie, cinématographie...), une fois les personnages et les looks définis, je construis un scénario avec l’aide de Moïra Szpirko, ma complice metteur en scène. Dans Dressing Room (présentée au festival 100 Dessus Dessous à la Villette en décembre 2007), j’incarnais successivement la Bombshell puis la Girl next door et enfin la secrétaire. Le passage d’un personnage à l’autre implique un effeuillage, et parfois un rhabillage, et c’est ainsi que le terme striptease m’a collé à la peau. Aujourd’hui, mon intention est de faire participer le public au maximum, aussi je crée des performances qui l’implique physiquement.
Par exemple ?
Let’s face the public and dance est une performance de moins de trois minutes dans laquelle je place le public en position de voyeur. Guidé par un majordome, les spectateurs entrent par groupes de dix personnes dans une petite pièce séparée en deux par une cloison. Je me tiens derrière cette cloison et donne à voir uniquement ma poitrine recouverte de cache-tétons et de pompons, encadrée d’un cadre comme s’il s’agissait d’un tableau en trompe l’œil. Puis la musique commence et je fais tourner les pompons en rythme. Plus de striptease, mais une référence aux mécanismes de voyeurisme du peepshow, au burlesque (les caches-tétons) et à la comédie musicale. J’ai fais une captation vidéo de cette performance que j’ai ensuite projetée sur le rétroviseur d’une Chrisler De Soto 1948 ayant appartenu à Rita Hayworth pour le vernissage de ma première exposition à la BANK galerie en janvier 2009. Cette installation vidéo s’appelle la TITSMOBILE et fait également intervenir le public qui doit rentrer dans la voiture pour voir la vidéo (visible sur mon site).
Qu’est-ce que le slow burlesque ?
C’est un terme que j’ai inventé pour définir mon travail : la lenteur associée à la douceur des gestes et des regards sont sensés exercer une fascination chez le spectateur. Le slow burlesque, c’est prendre le temps de la sensualité, c’est de l’anti-consumérisme pornographique. C’est aussi un clin d’œil à la Slow Food que je soutiens !
Qu’aimez-vous provoquer chez vos spectateurs ?
Idéalement un sentiment de bien-être immédiat lié à l’esthétisme, puis un questionnement, voire un certain inconfort quand le spectateur se rend compte que je le place à son insu dans une position de voyeur.
Vous avez participé au Miss Exotic World à Las Vegas et au festival Tease-O-Rama à San Francisco. Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans ces expériences ?
J’ai été totalement séduite par cette communauté, très accueillante et solidaire, lors de mon premier voyage à Las Vegas, et j’ai décidé illico de repartir conquérir San Francisco quelques mois plus tard. Les moments forts ont sans doute été ceux passés avec les Legends ces ex stripteaseuses burlesques qui racontent lors de forums leur vie d’antan et leur rapport à la scène, aux hommes et au sexe. À San Francisco, mon meilleur souvenir à été le cours de Jo Boob sur le Tassle Twirling, cet art de faire tourner les pompons accrochés aux bouts des cache-tétons : imaginez 40 paires de seins de toutes tailles tournoyant de toute part !
Comment gérez-vous votre double identité, comment s’opère le passage de relais entre Marion Boucard et Miss Marion ?
C’est excitant… Et fatiguant ! Le passage entre les deux est assez trouble à définir. Je crois que c’est une question d’intention. Concrètement ça me demande environ une heure de coiffure et de maquillage pour me « transformer » en Miss Marion, mais c’est surtout de la force et de l’énergie que je dois trouver en moi pour être rayonnante, souriante et séductrice au moment opportun.
Quels sont vos projets ?
J’ai intitulé ma dernière performance une Performance Promenade pour laquelle j’ai mis en scène une dizaine de comédiens sur le thème du Film noir (mai 2009). Chaque comédien occupe un espace bien distinct et c’est le public qui doit circuler autours des différents tableaux. À la fin de cette performance d’une demi-heure, je fais pour la première fois un striptease intégral, mais en ombre chinoise derrière un écran qui sert également à projeter des extraits de films noir. Avis aux cinéphiles et philanthropes, je recherche des mécènes pour produire cette performance ! Sinon, la comédie pourrait bien être ma prochaine étape... Attendez-vous avant la fin de l’année à me retrouver sur vos écrans en ménagère de moins de cinquante ans, dans une série érotico-burlesque intitulée Notes d’Oreiller.
Que peut-on vous souhaiter ?
De l’amour. C’est une question d’équilibre, j’ai beaucoup donné ces dernières années, il faut que je recharge les batteries.
[gris]Propos reccueillis par Saskia Farber[/gris]
Site de Miss Marion
Galerie BANK
Photographe : Kira Lillie
Commentaires (1)
Une jeune femme visiblement intelligente ! On aurait aimé en savoir encore plus !