Confiance en soi : promesse d’émois

Le 26/02/2010

Y a-t-il un sujet qui dit plus qui nous sommes que notre sexualité ? Sans doute pas. Parce qu’elle traduit notre « état d’être », c’est à dire : qui nous aimerions être ou qui nous serions capables d’être. Ce qui la construit, la renforce, l’épanouit ? La confiance en soi. Oui, il faut pouvoir s’estimer et s’aimer soi-même avant d’aimer l’autre. Mais dans une société où le doute s’est installé comme valeur marchande, où l’on n’a de cesse de faire appel à des psys, des coachs, des médiateurs et des conseillers en tous genres, une société où les médias banalisent et libéralisent une sexualité souvent outrancière, avoir confiance en soi relève d’un véritable défi.

Être autorisée

La confiance en soi ne se décrète pas. Il faut la conquérir, parfois de façon guerrière. Elle est le noyau de construction de notre sexualité, se consolide avec notre capacité à placer le désir au cœur de notre vie. Mais pour avoir une sexualité épanouie, il faut y avoir été autorisée. Et cela, bien avant notre vie de femme : « La confiance en soi naît de la capacité que nos parents ont eu, dès l’enfance, à nous donner l’autorisation à « Être » : être capable, être intelligente, être jolie, etc. » explique Nicole Arnaud-Beauchamps, médecin sexologue : « La mère valorise sa fille par le regard qu’elle porte sur son développement corporel : elle l’autorise à être fille d’abord, femme ensuite. Le père, lui, valorise sa fille par le regard qu’il porte sur son développement intellectuel et relationnel. Ce n’est qu’après avoir reçu l’estime de ses parents qu’un enfant se sent autorisé à avoir ses propres expériences. »
Dans sa vie d’adulte, la confiance en soi se renforce ou se fragilise mais l’autorisation reste un viatique. Alors on la cherche - et pas forcément en la verbalisant - auprès de son partenaire amoureux. Il peut s’agir de son mari mais pas seulement. Un homme, une nuit, un mot suffisent pour ancrer une très forte estime tout au fond de soi. L’estime, un sentiment indispensable pour avoir du plaisir. Parfois même pour connaître l’orgasme ! « Ma sexualité a pris un virage à 360° le jour où j’ai réussi à faire l’amour en pleine lumière et les yeux ouverts » raconte Anne-Sophie, 41 ans. « C’était avec un homme pour lequel j’avais eu un vrai coup de cœur mais je sortais d’un divorce très pénible, j’étais complètement dans la retenue. Lui ne comprenait pas que je me cache sans arrêt, derrière ma nuisette, derrière les draps, derrière mes paupières... Un jour, il a décrété : je veux te voir car tu es belle et je veux que tu me vois car je t’aime. Par cette seule phrase, il a levé deux doutes : j’étais aimée et j’étais désirable. Cela a agit en moi comme un détonateur. Pour la première fois, j’ai osé mêler sexe et sentiments. Je me suis autorisée à y aller. »
La mésestime de soi et l’incapacité à s’apprécier tel que l’on est, conduisent souvent à des comportements destructeurs. Accepter sa vulnérabilité, dépasser sa peur d’être jugé, accueillir sa part de fragilité comme on soigne sa part d’ombre ne sert pas seulement à s’écouter de façon égotiste. Cela permet de s’affranchir du regard que l’on porte sur soi et de s’accepter tel que l’on est. Cela emmène progressivement vers une sexualité plus vraie, plus généreuse, plus exprimée, incontestablement mieux partagée. En se comprenant, on se fait comprendre. On s’autorise à exprimer ses demandes comme ses refus. On prend soin de soi.

Avec soi comme avec les autres

Avoir confiance en soi s’acquiert de la même manière qu’on accorde sa propre confiance à autrui. Il faut être capable d’attention, de respect, d’écoute et de tolérance… envers soi-même. Il n’est pas toujours aisé d’apprendre à s’écouter, de pouvoir se regarder et de cesser de se redouter. De ne pas craindre ce qui peut surgir de soi … Dans son magnifique roman Le Secret de Gretl, Marie-Odile Beauvais nous délivre cette jolie phrase : « La confiance en soi n’est pas une question de connaissances, c’est une question de conscience ». S’aimer, c’est être aussi capable de vaincre son seuil de vulnérabilité. Un principe que nous impose la vie en société, déclinons-le dans notre vie intime : la connaissance de soi et l’épanouissement mènent à la performance quel que soit le domaine. Avoir la même rigueur pour soi que celle que l’on attend d’autrui revient à s’estimer, à s’admirer et à se respecter comme on estime, admire et respecte autrui.
Une « hygiène de soi » aujourd’hui indispensable pour trouver sa place dans un monde fait de coopération, d’assistance, de services, de relations. Et qu’il s’agisse de travail, d’amitié, d’amour ou de sexe, il faut s’aimer pour donner le meilleur de soi-même. C’est la clé fondamentale pour la qualité du lien que l’on tisse avec autrui. Il en découle systématiquement une meilleure attitude à accepter, comprendre et accueillir les autres pour ce qu’ils sont.
Merleau Ponty avait noté, en commentant Machiavel, à quel point les rapports entre les hommes sont en miroir : "Chacun ressemble mystérieusement à chaque autre, méfiant s’il est méfiant, confiant s’il est confiant ». Il est nécessaire de donner cette confiance, de vaincre la peur de l’autre.

Le miroir des médias

« Quand arrive l’été et les numéros "Spécial Sexe" des magazines, j’évite que mon homme tombe dessus et découvre que je ne fais pas partie des 24% de femmes ayant essayé la sodomie ou, pire, des 40% ayant pratiqué une fellation au cours du dernier rapport sexuel avant ce sondage ! » avoue Sandra, 36 ans, jolie joaillière à l’œil rieur. « De quoi ai-je peur ? Que mon homme pense qu’il n’a pas une sexualité normale avec moi ! » Ainsi les médias ont-ils façonné une « normalité » concernant ce qui se passe dans nos lits. Banalisant les pratiques sexuelles, les enfermant dans des statistiques, faisant un tronc commun de la fellation, de la pénétration anale et de la masturbation, sans aucun éclairage ni sur les histoires personnelles ni sur l’expérience des personnes interrogées.
Résultat : chaque femme croit l’autre plus libérée, plus libertine, plus émancipée. Faisant remonter un questionnement bien légitime sur les limites qu’elle a imposées à sa propre sexualité. Sur ce qu’elle doit ou ne doit pas faire. Surgit alors le spectre des années collège : premier patin, premières peurs, premières railleries. Quelques années plus tard, l’histoire se re-tricote : « Notre sexualité est très liée au regard de l’autre, c’est essentiellement là qu’elle s’y développe » explique le Dr Arnaud-Beauchamps, sexologue, « il faut donc aussi se méfier de l’image défaillante que nous renvoie la presse féminine, la publicité, la télévision et les magazines people. » La représentation de la femme y est de plus en plus avilissante, les témoignages de plus en plus impudiques, les transgressions privilégiées. Du voyeurisme au service du marketing. Un miroir sans tain.

Les obstacles

La sexualité humaine est une globalité, un ensemble psycho-affectif et social. Dès que l’un de ces éléments bougent, cela a sur nous un retentissement physique ou affectif. Ainsi, la maladie d’une amie, un accident, une difficulté professionnelle, un problème relationnel avec un adolescent ou le début d’un cancer sont autant de causes qui affectent le psychisme et peuvent bouleverser le désir sexuel. Un commentaire blessant ou déplacé peut également faire basculer le niveau de confiance de façon traumatique. Et briser une coquille fragile. « Je suis restée 8 ans avec un garçon qui, chaque fois que nous avions un rapport, m’expliquait que je n’étais pas généreuse, que je ne savais pas m’y prendre, installant dans mon esprit la certitude qu’aucun autre homme que lui, jamais, ne voudrait faire l’amour avec moi. Il était prof de gym, très esthète, je vivais dans la hantise de ne plus lui plaire. Jour après jour, il me dévalorisait, jour après jour je me dépréciais. Il avait sans cesse des remarques blessantes, souvent murmurées, des regards exaspérés pendant nos rapports, à la fin il lui arrivait même de partir au milieu du rapport ! J’avais perdu toute confiance en moi. Cela s’est mis à se ressentir professionnellement, c’est là que j’ai été aidée par une collègue, qui m’a renvoyée vers le psy de l’entreprise. En fait, j’avais sombré dans la maltraitance psychologique » explique Kaola, d’origine cambodgienne, aujourd’hui mère de 2 enfants et à la sexualité épanouie et revalorisée par un mari proviseur.
« La confiance en soi découle de notre personnalité et la renforce. Une personne timide, dysmorphophobique (qui n’aime pas son corps) ou inhibée peut avoir du mal à connaître une sexualité épanouie parce qu’elle est plongée dans sa névrose. Si son partenaire la fragilise, il peut déclencher de graves troubles affectifs et physiques. » souligne le Dr Arnaud-Beauchamps.

Un lien, des liens ?

De ce niveau de confiance que l’on réussit à établir avec son partenaire, dépend la nature du lien, la force de la relation et, peu à peu, la teneur des échanges sexuels. Il ne s’agit plus d’oser faire les choses mais d’avoir envie de les faire. Vivre une relation authentique dans laquelle s’expriment en confiance les désirs, les besoins, les fantasmes et les préférences ne s’impose pas. Cela se tisse jour après jour, se dessine à deux, se rapprochant de cette jolie métaphore de la peinture par Soulages (1948) : « C’est une organisation, un ensemble de relations entre des formes, sur lequel viennent se faire et se défaire le sens qu’on lui prête. »
La confiance en soi peut véritablement faire basculer la sexualité, emmener plus loin dans la complicité, l’audace et l’érotisme. « Ma sexualité a changé radicalement, à 48 ans, lorsque j’ai rencontré Antonio. Tout de suite, il a su me mettre en confiance. J’ai cessé de me dévaloriser. Et curieusement, parce que je suis devenue sereine, je suis devenue folle au lit » explique Hélène, une jolie libraire à la chevelure feu .

Mais, attention ! Confiance en soi ne veut pas dire abandon de soi. Se connaître donne simplement d’autres accès. Les doutes se lèvent, les peurs s’apprivoisent, les angoisses se transforment, le regard change. Que ce soit celui qu’on porte sur son partenaire, ou celui que ce dernier porte sur nous. Et si faire l’amour permet de libérer les fantasmes, en les accomplissant ou en les faisant naître, avoir confiance en soi permet surtout d’en rester le maître et de choisir celles et ceux avec qui les partager. « Il faut donner d’abord » écrivait Alain à la fin de l’un de ses Propos, traduisant l’importance qu’il y a à donner sa confiance pour recevoir les preuves que nous avons eu raison de la donner. Notre confiance investit l’autre de la responsabilité de ne pas nous décevoir.


[gris]Adèle Santoni[/gris]


Bibliographie
Le secret de Gretl, Marie-Odile Beauvais.
Note sur Machiavel, Maurice Merleau-Ponty.
Alain, Revue Libres Propos.



© Paul Morley - Fotolia

Commentaires (5)

  • Myriam

    Bof... déjà lu non ?

  • Caravelle

    excellent ! a suivre... Un très jolie jeux de jambes entre érotisme, intellect et sexe... c’est d’ailleurs peut être de sexe que Myriam aurait aimé que cet puissant parle plus. De la finesse et de la spiritualité, de la suggestion et du recul... de grace !

  • Myriam

    La confiance en soi est un sujet tellement galvaudé qu’il n’a plus grand chose de spirituel, même dans cet article certes bien écrit. Rien de nouveau malheureusement sur ce thème : un être vous rassure, un autre vous détruit et du coup ce sentiment, cette assurance est très variable avant d’atteindre la maturité nécessaire pour avoir cette confiance inébranlable. Finalement, n’est-ce pas une histoire de chance ? Est-ce donné à tout le monde que de faire de belles rencontres ? Je pense aux adeptes des schémas à répétition par exemple.

  • catherine

    je me suis retrouvée dans un des extrait de votre article ; mon mari me dévalorise très souvent, des remarques qui me déprécie et du coup je n’ai pas confiance en moi ; et me trouve nulle . avez vous des recettes pour prendre confiance en soi. dois je consulter un pzy ?

  • Ernestine la coquine

    Catherine, je ne suis pas psy, et ne sais pas s’il faut aller en voir un, mais un mari qui dévalorise ne ressemble pas à un bon mari. Il faut soit se défendre, soit attaquer en retour (il a surement des défauts, personne n’en n’est exempt), soit il faut penser à changer de mari. Si on reste et on se laisse détruire par l’autre, ce n’est même plus du sado-masochisme (dans ce couple là c’est le masochiste qui guide).