On the road

Le 12/04/2009

Enfin un bar sur cette route qui n’en finit pas ! 15 heures ! Ce soleil de plomb… cette chaleur ! Elle aurait peut-être dû prendre l’option clim quand même. Mais un cabriolet avec une clim ! Ca semblait faire double emploi non ?… et puis l’employée de l’agence de location, bien pomponnée dans son tailleur rose n’avait pas insisté. Elle avait pourtant bien compris qu’elle venait de l’étranger… une Française aux Etats-Unis, ça se voit !!

Malgré le fait qu’elle roulait à 130 km/h sur ce ruban de bitume brûlant, ses cheveux retenus par une pince-crabe pour que le vent sèche sa nuque, son foulard en triangle pour la protéger du soleil, son bustier à fines bretelles, Marie avait l’impression de porter un pull à col roulé, d’être plongée dans un sauna… Elle venait de passer le panneau indiquant un bar de routiers à la prochaine sortie et avait accueilli cette apparition comme un don du ciel. Seigneur ! un verre de limonade glacée comme les américains en servent dans les films, coulant de leurs grands brocs en verre… sa bouche sèche, ses mains collant au volant cuisant, elle avait l’impression qu’elle allait étouffer avant d’arriver au bar…

Enfin, elle atteignit la bretelle de sortie. La direction du bar était fléchée. Encore un 1 km à droite, puis 1.5 km à gauche… le coin était désert. Pourvu qu’elle sache retrouver la route principale plus tard… encore un virage et elle eut le parking en vue. Les propriétaires avaient eu la bonne idée d’y planter des arbres. Un assez grand parking. C’était pour elle une oasis. Elle fut donc étonnée de ne voir qu’un vieux pick-up, un homme au volant lisant son journal, une vieille Buick et une moto de biker rutilante garées devant. Les gens n’étaient-ils pas déshydratés par cette chaleur ? non bien sûr, ils faisaient sûrement tous une sieste à l’heure qu’il était. Autre pays, autres mœurs…

Le fait de ralentir pour atteindre le parking avait encore accentué la chaleur. La sensation d’avoir les épaules en plomb, l’impression qu’elle ne saurait jamais s’extraire de la voiture pour atteindre la porte du bar… elle coupa le contact. Ouvrir la portière lui sembla un geste surhumain. Elle souleva doucement sa jambe avec l’impression que la peau de sa cuisse allait rester collée sur le cuir de la Chevrolet. Quelle idée aussi de porter un mini short en jean ! Elle avait eu faux de A à Z ! La prochaine fois elle louerait une bonne vieille allemande climatisée et porterait des vêtements pratiques, un bermuda, par exemple…

Elle récupéra son sac à l’arrière du véhicule, enleva son foulard et se retourna vers la source de fraîcheur dont elle rêvait depuis des heures. Elle sentit une goutte de sueur couler au creux de sa poitrine. Elle observa le bar tout en avançant. C’était un de ces établissements typiques de l’Amérique profonde… tout en longueur avec des box à quatre places et des plafonniers à suspension. Elle vit son reflet dans les vitres. Sa fine taille, ses cheveux blonds relevés dont une mèche collait à son front, son petit bustier blanc, ses petites chaussettes blanches dans ses tennis… L’ensemble lui renvoya l’image d’une femme jeune, en pleine santé, et qui ne semblait pas le moins du monde perdue dans le paysage. Quelle ironie ! Elle était paumée, dans un trou perdu… habillée comme un appel au viol… mais elle avait si soif…

Elle saisit la poignée en métal de la porte du bar à pleines mains. Grosse erreur ! Celle-ci était brûlante ! Elle eut une grimace de douleur mais l’envie d’étancher sa soif était si forte qu’elle serra les dents et tira la lourde porte pour entrer. Une bouffée d’air frais la saisit. Grand Dieu ! La climatisation ! Ils avaient la climatisation ! Quel bonheur ! Toute à son impression de revivre, elle s’arrêta sur le seuil pour savourer cet instant de fraîcheur pendant que ses yeux tentaient de s’habituer à la pénombre qui régnait dans le bar. Lorsqu’enfin elle y vit un peu mieux, elle eut l’impression d’avoir atterri au milieu du tournage d’un soap américain.

On ne pouvait trouver plus typique que ce bar perdu au milieu de nulle part. Les box, les suspensions au dessus des tables, le broc en verre sur le bar, tout y était, même la serveuse en uniforme vichy rose et blanc, avec le petit couvre-chef assorti. Jusqu’au juke-box rétro qui laissait filtrer une musique country, un morceau que Marie connaissait pour l’avoir entendu dans le film « Pulp fiction », « Girl you’ll be a woman, soon… ». L’Amérique des films et feuilletons ! Il n’y avait qu’un seul client, un homme âgé. Un « Stetson » vissé sur la tête. Il sirotait un café, le regard dans le vide… Marie se dirigea vers le bar préférant le tissu des tabourets au cuir des banquettes. A peine fut-elle assise que le vieil homme se leva. Il jeta quelques pièces dans la sous-tasse sur la table et dit à l’attention de la serveuse en se dirigeant vers la sortie :
- Bye Kimberley ! La serveuse répondit en se dirigeant vers la table qu’il venait de quitter :
- See you tomorrow Jack ! (à demain Jack)

Kimberley puisqu’il semblait que ce soit son prénom, essuya la table du vieil homme, revint vers le bar et se tourna vers Marie pour lui demander :
- What do you want to drink ? (qu’est ce vous voulez boire ?)
- a big glass of lemon juice please ! (un grand verre de limonade s’il vous plait), dit Marie en secouant son bustier pour montrer sa difficulté à échapper à la chaleur. Kimberley sourit et ouvrit le réfrigérateur pour en sortir le fameux broc de limonade. Elle servit Marie dans un grand et large verre. Les glaçons éclaboussèrent le bar en zinc qu’elle s’empressa d’essuyer. Elle posa le verre devant Marie et dit :
- One dollar please. Marie sortit son porte monnaie et paya.

La climatisation lui procurait progressivement le plaisir d’une douche fraîche et apaisante. Après les premiers frissons, tout son corps se détendait enfin. La serveuse Kimberley disparut derrière des portes battantes style western et réapparut en riant. Sûrement une blague du cuisto ! Puis elle entreprit de ranger un peu le bar. Jetant un coup d’œil autour d’elle pour s’assurer que tout était en ordre, elle se retourna vers les portes battantes pour crier :
- Ok ! I leave, Bruce ! (je pars Bruce ) Une voix grave s’éleva de l’arrière du bar :
- Ok Kim ! See you later ! (ok Kim, à tout à l’heure) Puis Kimberley se tourna vers Marie et lui dit en souriant :
- I’m leaving but my boss stays here. If you need something else… (je pars mais mon patron reste si vous avez besoin d’autre chose)
- Thanks ! répondit Marie en souriant.

Kimberley quitta son tablier et sa coiffe, attrapa son sac à main sous le bar et sortit de l’établissement dans la terrible chaleur pour rejoindre le pick-up. Elle grimpa coté passager, embrassa le conducteur, qui démarra en laissant derrière lui un nuage de poussière. Marie était maintenant seule au bar. Des bruits de vaisselle lui parvenaient de ce qu’elle supposa être la cuisine, derrière les portes battantes.

Alors que le juke-box attaquait un autre morceau, plus connu celui-là, « I don’t want a lover » du groupe Texas, Marie posa son coude sur le bar, elle se sentait à la fois fatiguée et revigorée par la climatisation. Pour se détendre, elle baissa la tête vers le comptoir et se massa le front, ses doigts glissèrent de son front à sa joue, puis dans son cou et ensuite sur sa nuque, une sorte d’auto-massage pour soulager ses courbatures. C’est à cet instant précis que brusquement les portes battantes s’ouvrirent. Parce qu’elle avait la tête penchée en avant, Marie ne vit tout d’abord qu’un jean délavé moulant sur lequel reposait un petit tablier blanc de cuisto. La tête toujours baissée, elle releva doucement les yeux, et ses yeux découvrirent ensuite un tee-shirt blanc sans manche d’où sortaient deux bras musclés et bronzés.

L’homme s’essuyait les mains et les avant-bras sur un torchon immaculé. Puis il se mit de dos pour ouvrir la caisse du bar et vérifier sa recette.
- Hi ! prononça-t-il machinalement sans se retourner. Il avait les cheveux mi-longs, très bruns. Et un corps ! Un corps ! Comme on en voyait sur les premières pages des magazines de mode. Le pouls de Marie s’accéléra et elle sentit à nouveau la chaleur la gagner. Comment un homme pouvait-il lui faire cet effet de dos ? Elle ne voyait même pas son visage. Avec sa chance, il devait être laid comme un pou.
- Hi ! répondit-elle, un peu troublée tout en se redressant.

Son accent dut le surprendre car il se retourna pour l’observer. Il sembla d’abord intrigué… et intéressé… puis il sourit. Des yeux rieurs, presque provocants... Seigneur !!! Un pou ??? Non !!!! Grand dieu non !!!! Un dieu !!! Une beauté… que dire ? La beauté masculine incarnée ! Très brun, le tain hâlé, des dents si blanches, des yeux si noirs, deux petites mèches retombant exactement là ou il faut de chaque coté du front. Une chaîne en or autour du cou, rien de rutilant ou de vulgaire, une petite chaîne fine et brillante. Il fouilla le parking des yeux et repéra la voiture de Marie puis sûrement l’autocollant de l’agence de location. Puis il reposa son regard sur elle. C’était comme une décharge électrique. Elle se surprit à se demander comment par cette chaleur elle pouvait ressentir de tels frissons des pieds à la tête.

Il fit un signe du menton vers sa voiture :
- You come from… ? (vous venez de… ?)
- France.. répondit-elle
- By car ? (en voiture ?) demanda-t-il d’un air moqueur. Elle haussa les sourcils, surprise, puis éclata de rire et répondit :
- Non, en avion, et en voiture… Il fronça les sourcils, et elle se rendit compte qu’elle s’était exprimée en français tant elle se sentait à l’aise tout à coup… Elle rectifia :
- By plane first ! and then by car ! (en avion d’abord, puis en voiture)
- Ok ! dit-il en souriant. Je ne paler pas bien fwançais, un sourire d’excuse sur les lèvres.
- Oh ! it’s alright ! répondit Marie rassurante. I hope I speak English well enough to make you understand me… (oh ! ce n’est pas grave ! j’espère que je parle assez bien l’anglais pour que vous me compreniez).

Le juke-box entama un nouveau morceau, beaucoup plus rythmé celui-là… un titre de Kylie Minogue « I should be so lucky »… Ils tournèrent tous les deux la tête vers la machine. Puis il la regarda intensément, une moue entendue sur le visage :
- I change ?! C’était plus une confirmation qu’une interrogation. Il glissa la main sous le bar. Il monta d’abord le son, ce qui surprit Marie et la fit douter sur ce qu’il venait de dire. N’avait-elle pas bien compris ? Il lui semblait qu’il avait dit qu’il allait changer de chanson… Puis il actionna le bouton pour couper le courant qui alimentait le juke-box. Ensuite, il le ralluma. Le juke-box resta silencieux faute de titre sélectionné. Il se retourna pour ouvrir la caisse, en sortit une pièce qu’il tendit à Marie en lui disant :
- Choose your songs ! (choisissez vos titres)… Il avait monté le son pour la chanson suivante, celle qu’elle allait choisir…

Surprise, Marie prit la pièce qu’il lui tendait et se dirigea vers la machine en espérant qu’il y aurait des titres qu’elle connaissait hormis ceux qu’elle venait d’entendre. Elle posa une main sur le bord du juke-box et commença à en examiner le contenu. Dans le reflet de la machine, elle vit qu’il la fixait. Pourquoi tout à coup éprouva-t-elle le besoin de cambrer un peu le dos ? Tout se bousculait dans sa tête. Elle était si loin de chez elle, il faisait si chaud dehors, si frais ici… mais surtout, il était si beau… si sexy… l’attrait du jeu… Elle repéra quelques titres… elle essaya de deviner dans quel ordre ils correspondraient le mieux à la situation… qu’allait-il faire ? Sans vraiment se l’avouer, elle s’appliqua à ne mettre que des chansons au rythme langoureux et suggestif, sans trop savoir si elle se sentait prête à vivre quelque chose avec cet homme, ni même si lui avait quelque chose en tête… que sera, sera…

Elle était à nouveau assise sur son tabouret quand la première chanson se fit entendre. Chris Isaac et ses musiques languissantes… Bruce se retourna pour remettre un peu d’ordre dans ses verres au-dessus de la caisse. Elle l’observait. Il était de profil et sourit en entendant les premières notes de la chanson. Il savait sûrement qu’elle l’observait. Juste retour des choses… Puis il arrêta net son geste. Il la voyait. Elle comprit… Par réverbération dans un cadre-miroir publicitaire situé derrière les verres. Il la fixait…. Ils se dévisagèrent un long moment par l’intermédiaire du miroir. Puis lentement il se retourna, regardant vers le bas, l’air déterminé, il releva la tête semblant savoir qu’elle n’attendait que ça… ses yeux vinrent se poser lentement sur Marie. Ils n’avaient plus rien de rieurs, ils étaient « on ne peut plus sérieux ».

Lentement il se retourna, il vint se poster face à elle, toujours de l’autre coté du bar, sans parler, laissant les silences en dire long… Les bras légèrement écartés, les deux mains appuyées sur le bar. Etait-il conscient que cela faisait ressortir ses muscles ? Il la fixait … il semblait chercher son approbation pour faire le tour du bar. Marie retint son souffle. Elle avait l’impression qu’elle ne contrôlait plus rien. Elle sut que ses yeux aussi avaient dû la trahir. Ils devaient du crier quelque chose comme « oui » ou plutôt « oui, viens ! ». Un sourire aux lèvres, il se redressa, retira son tablier de cuisinier, et fit lentement le tour du bar. Elle crut que son cœur allait exploser… il s’approchait… sa démarche virile… mon Dieu ! Il allait la toucher… elle eut un moment de panique. Mais… contre toute attente, il se dirigea vers la porte du bar. Elle n’osait pas se retourner pour le regarder. Elle chercha son reflet dans le miroir derrière les verres, dans le miroir. Mais à quoi jouait-il ? Elle le vit attraper la petite pancarte « open » accrochée à la porte pour la retourner, puis il saisit le verrou. Il tourna la tête pour la fixer dans le miroir. Il semblait la défier. Il savait où trouver son regard… quelques secondes de suspens… Il sourit, et d’un geste sûr, verrouilla la porte.

Enfin, lentement, il se dirigea vers Marie qui, toujours de dos, fixait dans le miroir ses moindres gestes et n’osait se retourner… Il ne la quittait pas des yeux… Si elle se retournait, elle affrontait la réalité. Elle serait alors obligée d’assumer… le miroir était le rempart à son affolement… Lorsqu’il fut tout près, lorsqu’il posa sa main sur la hanche de Marie, lorsqu’il effectua une pression sur sa taille, elle eut l’impression de défaillir. Elle ferma les yeux réprimant les frissons qui l’assaillaient. Tous ses muscles se tendirent, puis, contre toute attente… se relâchèrent… Quelques secondes de répit. Elle inspira lentement, puis elle rouvrit les yeux… Face à son trouble, il semblait chercher à nouveau son accord… Elle sourit timidement au reflet dans le miroir. Il pencha alors doucement la tête vers son cou sans la quitter des yeux dans le miroir et y déposa un baiser d’une douceur à damner tous les saints. Ce premier contact… cette délicatesse… comme dans un rêve, elle sentit tous ses tabous s’évanouir. Résister ? Non, sûrement pas ! Elle se sentit prête à tous les égarements. Elle attrapa le cou de celui qu’elle savait s’appeler Bruce, et se retourna doucement. Elle posa son autre main sur son bras musclé, écarta légèrement les jambes, et l’attira contre elle, s’abandonnant à ses propres fantasmes. Conforté dans son entreprise, il accentua sa pression sur sa hanche, jusqu’à lui faire mal, montrant sa détermination... mordillant son cou. Puis, doucement, ses baisers remontèrent délicatement de son cou à son oreille, à sa tempe…puis il arrêta son geste. Il resta là… la respiration saccadée, il lui faisait entendre son désir juste au creux de l’oreille…

Sa main quitta la hanche de Marie pour venir se poser dans son cou, juste à la base de sa chevelure, un pouce sur sa joue… des mains si grandes, si puissantes… Puis sa bouche s’approcha de la bouche de Marie. Il la regarda dans les yeux. La fièvre qu’il y lut renforça son désir. Lorsque leurs lèvres se rencontrèrent, une chaleur inonda leurs deux corps comme si rien n’avait valu la peine d’être vécu à part ce moment précis… précieux… presque indécent. Ce baiser fut si doux… si langoureux… si long et si exquis qu’elle éprouva presque de la douleur lorsqu’il se détacha de sa bouche pour redescendre sur son cou, sa gorge, le décolleté de son bustier. Elle creusa le dos pour ressentir pleinement ses mains. Tout son corps était en éveil, toute sa chair attendait ses caresses. De sa main gauche, il fit glisser sa bretelle pour embrasser son épaule. Marie penchait la tête pour qu’il ait toute latitude…

Une certaine réalité revint à son esprit lorsqu’il glissa une main sous ses jambes. Comme pour l’empêcher de reprendre ses esprits, il prit à nouveau farouchement possession de sa bouche pendant qu’il se dirigeait en la portant vers le juke-boxe. Il dépassa la music machine et écarta de sa main libre le rideau de velours rouge qui se trouvait derrière, pour l’emmener vers une autre pièce... Intriguée, Marie cessa de l’embrasser et ouvrit les yeux. Une lumière diffuse perçait. Des spots rouges rendaient l’endroit très intime. Quelques banquettes en cuir étaient disposées tout autour de la pièce. Au centre trônait un billard. Bruce se dirigea vers le tapis vert.

Il déposa doucement Marie sur le bord, glissa une main dans son dos sous son bustier et recommença à l’embrasser. Il sonda son décolleté de sa bouche insatiable, sa main vint effleurer un sein. Alors que Marie se cambrait au contact de ses doigts sur sa poitrine, il en profita pour accompagner le mouvement et la fit basculer en arrière sur le tapis vert. Puis il souleva doucement le bustier et entreprit de lui donner les plus beaux frissons de sa vie, embrassant tour à tour son nombril, ses côtes, la courbure de ses seins, redescendant sur son nombril… Lorsque sa main entreprit d’ouvrir le bouton du minuscule short en jean, Marie attrapa le bas du tee-shirt de Bruce pour l’extraire de son jean. Seigneur ce torse ! Ce torse musclé ! bronzé… et ce tatouage juste au-dessus de son sein gauche ! Un dessin sans signification apparente peut-être pour le commun des mortels… mais qui, pour Marie, symbolisait tout à coup la virilité dans toute sa puissance !

Elle laissa tomber le tee-shirt à coté du billard, cambra le dos, bascula la tête en arrière, fermant les yeux comme pour garder l’image de ce corps si parfait. Elle sentit son short descendre le long de ses jambes… il la dénudait, la découvrait, l’effeuillait… Seigneur ! comme elle se sentait sensuelle ! Elle était le centre du monde… elle était MARIE ! Possédée par un Dieu ! Le propriétaire sauvage d’un bar du fin fond des Etats-Unis… Il jeta le short de Marie un peu plus loin, attrapa le creux de ses genoux, et tira presque brutalement vers lui jusqu’à ce que le bassin de Marie se retrouve au bord du billard. Il perdait doucement ses airs romanesques pour devenir plus mâle… Marie ouvrit les yeux. Ce qu’elle lut dans les siens la fit presque perdre connaissance, il semblait pris d’une fièvre dévorante… prêt à la posséder coûte que coûte. Elle fut à nouveau prise d’un court instant de panique. Qui était-il ? ne commettait-elle pas une erreur ? Puis les yeux brûlants, il la regarda… quelques secondes… elle poussa un soupir d’abandon, quoiqu’il advienne il était trop tard, elle l’avait laissé aller trop loin.

Il se pencha en avant, posa les deux mains sur ses seins, puis il les laissa glisser lentement jusqu’à ses cuisses alors qu’il s’agenouillait… Sa bouche prit possession des plus profonds secrets de Marie. Pendant un instant il sembla s’imprégner de son odeur… Puis il passa à l’acte… sa langue était si chaude… si expérimentée… Marie ferma à nouveau les yeux et sentit une onde de plaisir remonter de ses entrailles jusqu’à la racine de ses cheveux. Sa bouche brûlante, ses doigts experts… ralentir… accélérer… ralentir à nouveau… elle avait l’impression qu’il savait précisément ce qui la ferait réagir… Les points sensibles… les moments délicats… Puis il se releva. Elle tendit les bras et toucha son visage. Il s’arrêta à nouveau pour la regarder, comme pour être sûr qu’il la satisfaisait. Elle ferma les yeux et laissa ses bras retomber au dessus de sa tête, ses mains touchèrent le billard et ses doigts caressèrent le tapis comme pour montrer son abandon… il la tira à nouveau vers lui, amenant son bassin au dessus du vide.

Lorsqu’il la pénétra, elle se crispa. Violation de son intimité. Puis, tous ses muscles se détendirent… elle acceptait son intrusion. Il prit d’abord un rythme doux, suivant la cadence de la musique du juke-box. Annie Lenox chantait que la ville ne dormait jamais… Marie soupirait doucement à chaque insertion. Puis elle lui fit entendre son plaisir de plus en plus bruyamment, à mesure qu’il accélérait… alors que ses sensations devenaient de plus en plus fortes, ses cris de plus en plus impatients… il la souleva et la maintint debout devant lui. Elle sentit son odeur… Les effluves de sa transpiration virile. Ils s’embrassèrent à perdre haleine.

Le juke-box se tut quelques secondes, leurs respirations troublées comblèrent le silence, puis la chanson « He’s a dream » au rythme coléreux se fit entendre. Brusquement, il attrapa ses hanches lui fit poser les pieds au sol et la retourna. Pas le moins du monde choquée, Marie ressentit cette domination comme une preuve de maturité sexuelle. Elle cambra les reins et tendit une main sous elle pour l’aider à la pénétrer. Il entra à nouveau en elle et donna tout ce qu’il avait pour la satisfaire. Plus il y mettait de la hargne plus elle criait son plaisir… Leur deux corps semblaient synchronisés, leurs désirs correspondaient. Il lui donna du plaisir jusqu’à ce qu’il atteignit le sien dans un râle de jouissance…

Quelques secondes plus tard, tous les deux en sueur, la respiration haletante, elle, étendue face au billard, lui, couché sur elle. Il attrapa doucement ses hanches et embrassa plusieurs fois délicatement son dos. Puis il se pencha et ramassa les vêtements de Marie et les posa à côté d’elle, puis entreprit de se rhabiller. Marie en fit autant, l’esprit dans les brumes. L’indécence savoureuse de leur acte la faisait se sentir à la fois désorientée et comblée. Bruce se dirigea vers le rideau de velours rouge, lui tendit une main qu’elle attrapa. Il la guida jusqu’au tabouret qu’elle avait quitté juste avant, embrassa sa main et se dirigea vers la porte du bar pour retourner le panneau « open ».

Il lui servit une autre limonade, puis dirigea son regard au-dessus de la porte du bar. Marie suivit son regard. Une pendule indiquait 17H20. Elle avait rendez-vous à 19H00. elle consulta sa montre pour vérifier qu’elle ne rêvait pas. Son affolement devait se voir car Bruce souriait d’un air entendu. Elle sauta du tabouret, attrapa son sac, le regarda quelques secondes intensément, lui sourit et sortit sous la chaleur pour regagner en courant sa voiture de location… Bien qu’elle faillit manquer une sortie sur la route, elle eut l’impression que la demi-heure de route qu’il lui restait pour atteindre son hôtel dura 5 minutes tant elle gardait en tête l’heure et demie de rêve qu’elle venait de vivre. Le parcours jusqu’à l’hôtel réputé que Patrick lui avait réservé était bien fléché et elle le trouva facilement. Elle prit une douche, l’esprit encore imprégné du parfum de Bruce, puis elle enfila le tailleur stricte qu’elle avait prévu pour l’événement.

Un chauffeur vint la prendre pour l’emmener dans le building ou avait lieu la réunion. Elle salua machinalement les personnes qui la reçurent. Assista dans une sorte de brouillard au débat d’affaire qui eut lieu, et se retrouva finalement au banquet donné ensuite dans un état proche de la léthargie. Durant le cocktail, un homme s’approcha d’elle. Un homme en costume-cravate, Marie fit un effort pour lui sourire et lui répondre… Lorsqu’il lui demanda si elle voulait aller boire un verre après le cocktail, elle sembla sortir du brouillard, l’observa et lui sourit en s’excusant… elle devait reprendre la route le lendemain, et il fallait qu’elle se couche tôt…

Elle commença à avoir des suées froides, elle n’avait que Bruce dans la tête, elle revoyait encore et encore les lumières rouges autour du billard, son corps musclé, ses yeux dévorants… elle bredouilla quelques mots d’excuse, se rendit aux toilettes et s’aspergea d’eau froide. Son reflet dans le miroir la fit sourire. Son avion ne décollait qu’à 16 h, elle allait repartir demain matin, elle pourrait s’arrêter dans le bar… elle pourrait le revoir et peut-être qui sait ? peut-être le bar serait-il à nouveau vide… Elle fut soulagée lorsque le chauffeur la ramena finalement à son hôtel. Elle parcourut le couloir recouvert de moquette feutrée les yeux fatigués, l’envie pressante de s’étendre et de ne plus penser à rien. Elle pénétra dans la chambre, referma la porte et s’y appuya. Après quelques secondes, elle lâcha son sac, ôta ses chaussures, détacha ses cheveux en se dirigeant vers le lit, et s’y laissa tomber toute habillée. Puis elle se releva pour fouiller dans sa valise. Elle prit son walkman et le mit sur ses oreilles. Sheryl Crow, Beth Nielsen Chapman, Gabriel Yared… elle régla son réveil sur 7h et retourna s’allonger sur le lit.

Elle repartait demain… elle retournait à Paris. Vers la grisaille, vers un job banal, vers des hommes insipides… après ce qu’elle venait de vivre… quelle platitude… Puis elle repensa à Bruce, et elle sourit… elle repartait par le même route… les mêmes détours… avec la même soif… Allongée dans cette chambre impersonnelle, elle ferma les yeux et revit Bruce… ses yeux mutins, ses muscles, sa bouche…. elle se laissa bercer par la musique sensuelle. Sans y penser, elle commença à se caresser. Elle se donna du plaisir seule quelques minutes, revivant délicieusement l’après-midi… le regard de cet homme, son bronzage, son tatouage, le souvenir de sa domination la fit rougir et glousser de honte… elle finit par s’endormir d’épuisement.

A 9H30 du matin , la chaleur était beaucoup plus supportable sur le parking du bar de « la route perdue » comme elle se plaisait à l’appeler… Il y avait plusieurs véhicules garés. Marie sut qu’elle devrait faire preuve de discrétion en parlant à Bruce. Il ne voulait sûrement pas que les clients connaissent sa vie privée… Bizarrement, la porte du bar lui sembla moins lourde, certainement la chaleur moins accablante… Elle entra et s’installa au bar. Kimberley était là, fidèle au poste. Les yeux un peu bouffis. Marie la salua, Kim ne sembla pas la reconnaître.
- What do you want to drink ?
- Coffee please ! Marie fixa les portes battantes. Bruce était-il déjà en cuisine ? Préparait-il le breakfast pour ses clients ?

Elle touillait le sucre dans son café depuis 5 minutes lorsqu’il apparut, souriant, et frottant comme la veille ses mains sur son tablier. Marie souriait. Peut-être trop d’ailleurs… Bruce releva la tête et la vit. Il arrêta net son geste et son sourire disparut de son visage. Prise au dépourvu, Marie replongea son regard dans sa tasse, continuant à remuer frénétiquement sa cuillère. Un couple entra dans le bar et s’installa au comptoir non loin d’elle. Rudement, Bruce invectiva Kimberley pour les salissures sur le bar, puis retourna en cuisine. Kimberley semblait abasourdie, mais nettoya sans rechigner. Marie avait l’impression d’avoir commis la faute la plus inexcusable du monde… La porte du bar s’ouvrit à nouveau, une cliente accompagnée de ses enfants entra. La petite famille s’installa à une table à l’autre bout du bar et la jeune femme commanda trois petits déjeuners. Marie pensait déjà à s’en aller lorsque ce fut au tour du vieil homme de la veille d’entrer. Il retourna s’asseoir à la même table. Marie se sentait gagnée par un stress inextricable, Bruce ne voulait pas qu’on sache… il ne voulait pas que ses clients, son personnel sachent ce qu’il faisait quand son bar était fermé momentanément l’après-midi… quelle idiote ! Elle aurait dû revenir à la même heure ! Il tenait à rester discret et elle avait tout gâché… mais il n’était pas trop tard ! Il suffisait qu’elle prenne un air détaché… qu’elle ait l’air de ne pas le connaître… quand il repasserait la porte des cuisines elle regarderait ailleurs, pour qu’il ne se sente pas gêné !

Elle se redressa et adopta une attitude détachée. Faire comme si de rien n’était. Comme si elle venait dans ce bar pour la première fois. Elle se tourna un peu, et regarda les autres clients en souriant. Le vieil homme regardait par la fenêtre… elle reporta son regard sur le jeune couple. Ils se tenaient la main au-dessus de la table et se chuchotaient des mots tendres en souriant. Elle parcourut encore la salle et vit la jeune mère de famille et ses deux enfants. La mère était de dos. La petite fille mangeait consciencieusement son bol de céréales, le jeune garçon la regardait avec curiosité. Puis son regard se déporta et fixa quelque chose dans le dos de Marie. Il se leva et traversa la pièce en courant et en criant : Daddyyyyyyy ! Marie sourit. Puis un frisson glacial lui parcourut l’échine. Elle voyait la porte du bar depuis l’emplacement où elle se trouvait. Personne n’était entré. Le père du gamin ne venait pas d’entrer. Le vieil homme ? Impossible… le jeune couple ? Non plus…

Lentement, Marie se retourna, les larmes aux yeux, comprenant toute l’ampleur de sa méprise… Bruce s’était accroupi pour rattraper son fils avant qu’il ne tombe… Il enfouit son visage dans le cou du petit garçon, prononça quelques mots incompréhensibles pour Marie, releva la tête pour l’embrasser, se releva le tenant dans ses bras. Puis il regarda dans la direction de la jeune mère qui s’était retournée à l’autre bout du bar et fit un signe. La petite fille articula discrètement : « hi, dad » en agitant la main.

Puis Bruce renvoya le gamin vers sa mère et se dirigea vers la caisse. Il l’ouvrit et releva doucement la tête. Ses yeux fixèrent les yeux de Marie, à nouveau à travers le miroir… quelques secondes… les images se bousculaient dans l’esprit de Marie, elle se revit toute timide entrer dans le bar, s’abandonner dans les bras de cet inconnu, vivre une expérience sexuelle unique… Il était marié ! Quel enfoiré ! Oser faire ça ! Mais oser faire quoi ? Il ne savait pas qu’elle était célibataire… elle ne savait pas qu’il était marié… ils ne savaient rien l’un de l’autre… ils avaient succombé à un coup de sang… ils ne s’étaient rien promis… ils avaient prononcé dix mots tout au plus… il ne lui devait rien… Cela s’imposa à elle comme une évidence… il allait être pour elle un magnifique souvenir…rien d’autre…

Elle leva lentement les yeux vers le miroir un sourire bienveillant à la bouche, résolue, avec dans les yeux une sorte de remerciement pour un moment inoubliable... Bruce lui sourit à son tour, un sourire formulé uniquement avec les yeux lui aussi, qu’elle fut la seule à voir… ce serait leur secret commun. Elle descendit de son tabouret, enfila ses lunettes de soleil et quitta à nouveau le bar pour rejoindre la tiédeur de la matinée qui précédait la chaleur étouffante d’un après-midi dans un coin perdu d’Amérique…

Sandychipie

Commentaires (1)

  • beOKkXqQYSlz

    That addresses several of my concerns acultaly.