Lolita ne vieillit pas

Le 10/11/2009

Je la trouvais pâle, le regard ailleurs. La peau fanée. Le temps a passé. Pourtant…

Je me souviens de ses longues jambes fuselées, légèrement arquées, comme pour accueillir un homme avec plus d’aise. La démarche habile des femmes noires, la croupe haut perchée, le cul offert à mes mains déjà ridées, bien trop ridées pour son corps menu. Sa bouche autrefois vermeille, lisse et humide, saveur pain d’épice. Les sucettes qu’elle lapait les yeux plongés dans les miens ; lèvres savamment entrouvertes, gonflées, ourlées, effet ventouse, pour s’abattre ensuite sur le bâtonnet, l’engloutissant au plus profond de sa cavité. De ses deux billes noires, elle semblait me supplier : « Mange-moi comme je te mange. Toute crue ! » Gloutonne, insolente, insatiable. Vulnérable. Vénéneuse ! Moi, je n’étais qu’un vieux con, abreuvant ma gorge de sa sève au bulbe de son jeune con. Sous ma langue, la chair rosissait, frétillante et brûlante. Inondée. Elle débordait aux commissures de mes lèvres, ruisselait le long de mon gosier, éclaboussait ma poitrine. Je bandais furieusement. Tels ces héros nocturnes aux canines saillantes des bandes dessinées qu’elle dévorait jusque tard la nuit, elle me possédait. Entier. Esclave. J’avais soif. D’elle. Une soif redoutable qui raidissait mes muscles et dressait mon sexe. Je n’étais apaisé que lorsque je la pénétrais.

Je me souviens de ses gémissements cependant que je venais en elle. Les frottements de ma verge contre son vagin la rendaient folle. Le visage crispé. Ses yeux se révulsaient et sa bouche grimaçait dans un soupir : « Encore ! ». Toujours le même. Une intonation légère, presque un murmure. Fébrile. Si je l’avais étranglée, il eût été identique. Ne m’avait-elle pas avoué un jour : « Je mourrai dans l’extase. J’irai au paradis hissée sur le flanc d’une pieuse monture, jeune et ferme, à peine pubère » ? Le septième ciel. Alors je la baisais, je la baisais comme j’aurais voulu tuer son arrogance. Je m’enfonçais dans son ventre comme un canif incisif. La première fois, elle saigna, tacha même mes draps de cristaux rouges. Elle s’esclaffa : « Les héros laissent toujours des traces ! » Toutefois, les nuits suivantes, je ne trouvais rien. « Ils ne meurent qu’une fois », pensai-je. La vierge laissa place à une putain. Sans étapes intermédiaires. Pas de mue. A peine une chrysalide. Falsification.

Nous nous retrouvions en fin d’après midi, dans un hôtel miteux. C’était elle qu’il l’avait choisi. Les lumières tamisées, l’humidité, la puanteur de la sueur, les draps âpres et douteux. C’était son idée. Je l’avais rencontrée un soir d’automne dans un jardin public. Assise sur un banc. Les cheveux au vent, dérobant son visage à la vue des curieux d’un mouvement répétitif de la tête ; à la mode des jeunes de son époque. Elle esquissait des portraits des promeneurs. Je m’étais approché et l’avais complimentée. Une vieille femme poudrée à l’encre de Chine. Quelques jours plus tard, sur ce même banc, elle posait ses doigts agiles sur mon sexe déjà dur et m’invitait à la suivre.

Les jeunes filles n’aiment pas les vieux. Elles les admirent comme des objets, de vulgaires pantins. Elles jouent. Elles nous entretiennent avec effroyable mépris, nous donnant l’illusion que tout fonctionne correctement. Courte durée. Le temps passe ; l’usure s’impatiente. Bien sûr, elles se lassent. « Je t’adore », susurrait-elle. Je me demande encore qui fut le plus cinglé. Moi, souillant la jeunette de mon foutre âcre et terni ? Elle, repoussant ma queue avec dédain d’un geste furtif de la main après l’avoir décontenancée ?

Généralement, elle moulait ses fesses rebondies dans un jean étroit. Sa silhouette juvénile m’excitait, nourrissait des fantasmes indicibles. J’anticipais nos ébats. Rarement déçu. Pourquoi dirait-elle non ? C’était elle qui m’avait attiré. Son vulve moite m’assenait de clins d’oeil. N’attendait-elle pas que je la prenne violemment ? Que je la caresse ? Que je la suce ? Que j’assouvisse mes désirs obscènes de vieux sénile ? Vicieux. Ringard. C’est ainsi qu’elle me jugeait. Je salivais sur son torse, bavais sur ses petits seins violets. Tel un chien galeux, je léchais ses courbes avec avidité. Ses pieds fins et délicats, ses mollets fragiles, le creux de ses genoux, la fente de son cul. Je remontais le long de l’échine, atteindre ses tétons tendus. Je les roulais sous ma langue, les mordillais, parfois les pinçais jusqu’à ce qu’elle hurle et exige que je la lâche. Sadique. Pervers. Ce sont ces mots. J’étais fou. Je bandais.

J’étais tombé sur la photo par hasard, en feuilletant les pages d’un journal oublié sur notre banc. Un encadré lui était consacré. Il me fallut un temps pour la reconnaître. Ainsi, elle vivait de ses dessins ?! Elle avait bien changé ma Lolita. Illustratrice pour une société d’édition junior. Probablement avait-elle épousé un homme respectable. Peut-être même, avait-elle une fille, un labrador, un monospace, une résidence secondaire au bord de la mer ou en Andorre. Je n’eus de réponse. Je n’en cherchai pas. Nonobstant, je pus lire sur ses yeux ébènes que l’insolente catin, ma catin, avait donné naissance à une femme repue et comblée.

Si vous la rencontriez, si vous la rencontriez telle qu’elle se présentait à l’époque, peut-être me comprendriez-vous… Et tandis qu’elle caressait l’aine, observait mon gland gonflé et luisant du bout des lèvres, je m’imaginais la saisir par le cou. Serrer, serrer, lui offrant pour une dernière fois… jouissance.

Juline B

Commentaires (1)

  • Anonyme

    Belle écriture.