La sexualité des seniors

Le 22/04/2009

Aujourd’hui plus jeunes qu’hier et bien moins que demain Grâce aux avancées médico-sociales du siècle dernier le statut des femmes a évolué. Nous sommes nombreuses aujourd’hui à mener une vie active longue, au cours de laquelle nous pouvons faire des choix que n’ont pas eu nos aînées. Plus polyvalentes, mobiles, mieux informées en général et en particulier sur notre sexualité, nous sommes plus « jeunes » d’esprit et de corps passés 50 ans que ne le furent au même âge les générations passées. Taboue autrefois, l’idée que notre vie sexuelle puisse se poursuivre passé un certain âge s’impose donc plus facilement. La « sexualité des seniors » sort de l’ombre grâce aux éclairages de la médecine et des médias. La vitesse à laquelle chaque secteur se déploie pour s’emparer de ce marché donne parfois le tournis. Les recherches dans ce domaine sont encore peu nombreuses, pourtant les étalages sont pleins d’une pharmacopée spécifique et les slogans vont bon train. Il semble se former un système de valeurs autour de la sexualité après 50 ans, qui, loin de faire la peau à des croyances d’avant-guerre, s’articulent avec elles pour former un cocktail de prescriptions pas toujours excitant. Comment ne pas nous confondre avec une image médiatique de la sexualité mature pour au contraire, trouver des pistes charnelles plus personnelles ? Quelle peut être la sexualité après 50 ans ? Comment bien la vivre dans une société où la « performance » prend facilement le dessus sur le plaisir, où les vertus de la jeunesse (celle qui n’a pas d’âge) s’abîment parfois dans le « jeunisme » (celui où l’âge est nié) ? La formule « UNE femme, UNE ménopause, UN traitement hormonal de substitution, UNE sexualité » n’est pas nécessairement celle qui convienne à toutes. Il s’agit de résister à la tentation de simplifier l’équation intime la plus complexe qui soit : celle de son propre désir. Ce qui valait avant vaudra jusqu’à la fin, il n’y a pas d’âge pour le(s) bon(s) sens.

La mue de l’image

Jane Fonda, 69 ans, icône du bel âge outre-Atlantique, a annoncé cet été son souhait de réaliser un film érotique destiné aux 70 ans et plus. "Cela ne parlera sûrement pas aux jeunes » dit-elle « sauf s’ils regardent leur avenir en face et veulent être optimistes. Ils regarderont mon film et réaliseront alors (…) que la vie ne s’achève pas à 40 ans. » Le message est positif à plus d’un titre. Non seulement la déclaration de l’actrice exprime une volonté de l’âge mûr à ne pas battre en retraite pour prendre le plaisir auquel il a droit et à lui donner ses propres représentations, mais en plus, elle réaffirme l’idée selon laquelle la jeunesse peut encore profiter de l’expérience des aînés. N’est-ce pas à la doyenne Rosemonde Pujol que nous devons le Manuel de Clitologie ? Discrètes, moins agressives que celles destinées à la foule de jeunes actifs performants choyés par la société de consommation, les représentations de l’amour après 50 ans sont néanmoins présentes et n’appellent qu’à s’enrichir. Avec Sur la route de Madison, Clint Eastwood montrait déjà que la passion n’a pas d’âge, et que forte d’une lucidité acquise avec l’expérience, elle pouvait se vivre autrement plus intensément. Et si nous sommes de fait plus familières avec l’image de l’homme grisonnant se promenant au bras d’une jeune bimbo comme s’il conduisait une berline au moteur neuf, il n’en reste pas moins que l’amour trans-générationnel n’est plus réservé aux « mâles », pas plus qu’il ne se limite à des clichés. L’idée que la séduction d’une femme peut se moduler et s’exercer à tous les âges et sur tous les âges a fait du chemin. Des exemples de ces amours nous viennent de la « vraie vie », d’affaires impliquant une femme éprise d’un homme qui aurait pu (mais n’est pas !) son fils, en passant par le jeune dernier amant de Marguerite Duras, ce qui est en jeu n’est décidément pas notre date de naissance.

La « sexualité des seniors » en quelques chiffres

La majorité des Français de plus de 50 ans ont une vie sexuelle active et juge la sexualité importante pour l’équilibre personnel, voire indispensable. Certes ils sont moins nombreux en proportion que les jeunes, pourtant si l’on s’en réfère aux résultats américains, ceux qui demeurent de la partie le seraient avec plus ou moins la même fréquence que leurs cadets…. Bien sûr, l’activité sexuelle déclineraient progressivement avec l’âge. Les études attestent aussi d’un déclin plus prononcé chez les femmes que chez les hommes, sans pouvoir donner les raisons de cette disparité. Elles peuvent être démographiques (nous sommes plus nombreuses à vivre plus longtemps) ou autres. Pas de conclusion hâtive donc sur la « baisse de la libido féminine » après 50 ans. Et très peu pour le renoncement ! En France, une enquête enregistre même une évolution notable de la sexualité des femmes mûres au cours des dernières décennies : alors que les femmes en couple de plus de 50 ans n’étaient que 53% à déclarer une activité sexuelle dans les 12 derniers mois en 1970, elles étaient 77% en 1992 et sont près de 90% aujourd’hui. La fréquence de leur rapport a elle aussi augmenté. Enfin, une étude longitudinale sur des hommes aurait montré une continuité de l’activité sexuelle au cours de leurs vies, les plus actifs dans leur jeunesse le demeurant dans leur grand âge. Quoi de plus logique ? Si nous en avons le goût, il y a peu de chances que l’âge, ce chiffre qui dit tant et si peu, nous empêche. Comme le notent les chercheurs outre-atlantique, ce n’est pas tant la variable « âge » qui se répercute directement sur la sexualité après 50 ans que la variable « état de santé ». L’état de santé général diminue, de même l’activité sexuelle. D’autres facteurs peuvent être associés à ce déclin sans qu’on puisse vraiment les identifier : les sentiments, par exemple, sont difficilement modélisables.

Le New deal intime

Oui nos vies changent, nos corps aussi. Les hormones qui agissaient sur notre physiologie ne sont plus en circulation identique à la ménopause et nous observons des changements intimes. Hormis des troubles gênants (bouffées de chaleurs), voire risqués (ostéoporose), la majorité des « soucis » rencontrés au bel âge sont d’ordre mécaniques, et tous peuvent plus ou moins être « traités » (mais n’ont pas pour autant à l’être). Lubrification moindre, dyspareunie éventuelle (douleur du vagin à la pénétration), sensibilité diminuée, ces phénomènes ont leurs plus ou moins leurs équivalents chez nos partenaires, célèbres quant à eux pour leurs « dysfonctionnements érectiles ». Ces nouvelles données physiques impliquent une progression vers le plaisir et des types de stimulations recherchées différentes, et d’autres gestes de l’amour. Plus tendres, pour ne pas se blesser, mais pas nécessairement, puisqu’au contraire l’excitation peut se trouver… par des pressions plus fortes. Quoiqu’il en soit, le moment est d’autant plus bienvenu pour composer une sexualité créative, quitte à introduire, si ce n’était pas déjà fait, des accessoires dans la partie. Certaines confient même avoir fait à cette occasion des découvertes du troisième type… Ne le nions pas, la vie qui avance amène parfois aussi des épreuves plus complexes. Maladies, disparitions, ont une plus grande probabilité de survenir avec l’âge —bien qu’ils puissent se produire avant, ou jamais—et la rémission face à ces traumatismes psychiques et/ou corporels se fait parfois temporairement au prix de la sexualité. Il faut pouvoir s’accommoder de médication aux effets secondaires tue l’amour, prendre le temps de reconstruire une image positive de soi quand la chirurgie est passée sur nos corps sexués. Quelle que soit notre situation après 50 ans, nouvelle à plus d’un titre puisqu’elle l’est aussi socialement et affectivement —retrait de la vie active, disparition des parents, départ des enfants ou acceptation du fait de ne plus en avoir…— la façon de composer avec nos cartes reste la même : la nôtre.

Ne mêlez pas ma ménopause à tout ça !

De l’hypothétique baisse de la libido, en passant par l’irritabilité et la dépression, la ménopause a souvent bon dos. Mais qui a dit que nous devions accepter comme une vérité naturelle le fait que nous ayons notre « crise », « sale caractère », « plus envie naturellement », qu’il n’y a « rien à faire » si ce n’est prendre un « traitement » ? La ménopause a quitté le tabou en devenant un objet de la médecine, et cela est bénéfique. Mais le revers de cette avancée serait d’en avoir fait une « maladie carentielle », selon Daniel Delanoe, auteur de Sexe, croyances et ménopause. Il s’élève contre l’affirmation qu’une femme cesse d’être femme après la ménopause, contenue en creux de slogans à l’attention des femmes matures. Selon lui le recours inconsidéré au traitement hormonal de substitution aurait un double effet négatif : naturaliser le « classement social » de ces femmes, et donner une solution biologique à une situation « socialement construite », empêchant sa lecture critique. Du « racisme », en somme… La psychanalyste Marie Christine Laznik se demande quant à elle si le THS ne serait pas « contra-phobique », pour se défendre des angoisses de l’âge sans les traiter, notamment celles qui auraient trait au désir incestueux d’une mère pour son fils, réveillé au moment où une femme quitte la sphère de la maternité et ferait son « complexe de Jocaste ». Le fait est que la ménopause questionne parfois l’idée qu’une femme se fait de ce qui la rend désirable pour l’homme. Contrairement à lui qui gagnerait en « prestige phallique », son charme à elle décroît-il avec l’âge ? Comment se vivra-t-elle désirable sortie de ce qui la définissait ou non comme telle ? Les féministes ont répondu : Jeunesse et maternité n’ont rien à voir là-dedans. À la ménopause, elles s’affirmaient doublement émancipées du diktat du désir masculin. Souvenons-nous d’une part que grâce à la libération sexuelle, notre sexualité n’est plus limitée à la reproduction (raison de plus pour ne pas dresser une barrière dépassée au milieu de notre parcours sensuel), d’autre part, que notre charme n’est pas un mais multiple, de tout temps.

Des femmes, des vies, des sexualités

Les enquêtes rapportées par Daniel Delanoë font état d’une diversité des images de soi dans la sexualité à la ménopause. Les expériences des femmes sont positives, négatives, ou bien encore, ambiguës. S’il est possible de les regrouper par similarité, il n’y a pas de règles valables pour toutes. Nous entendons souvent parler de la « baisse de la libido des femmes après 50 ans » et sa rengaine du renoncement, plus rarement de l’inverse, à savoir que pour certaines la maturité réserve des surprises auxquelles elles ne s’attendaient pas. Témoin une femme, qui, après des années d’une carrière brillante combinée à une solitude difficile, vit à 50 ans une relation excitante. Le désengagement des obligations de résultats professionnels comme personnels avec la perspective de la retraite et le point final à la question « avoir ou ne pas avoir d’enfants » parachève un cycle de développement personnel et débouche sur une vitalité nouvelle. « Si cette histoire devait se terminer », conclut-elle « je chercherais à tout prix à en vivre d’autres, je ne comprends pas comment je ne me le suis pas permis avant ». Le fait est que jeunes, nous sommes au top de la séduction physique mais paradoxalement pas toujours prêtes affectivement à suivre notre désir. Avec l’expérience, nous prenons confiance en nos choix et nos charmes. Pour d’autres encore, la vie sentimentale et sexuelle se prolonge dans une continuité sans rupture. Croqueuses un jour, croqueuses toujours... Pour notre plaisir, en regard de cette constellation de vécus féminins se trouve une aussi riche perception des femmes par les hommes, qui sont même parfois plus tendres et acceptants qu’elles vis à vis de l’âge. Ils sont d’ailleurs 69% à estimer que les femmes ménopausées sont tout aussi séduisantes. Pour certains, elles le sont même davantage, car « libérées », « disponibles », « épanouies ». Et s’il est vrai que les hommes sont moins nombreux que nous avec l’âge, deux bienfaits de la maturité viennent pallier ce déficit démographique : d’une part, eux aussi ont fait du chemin et sont parfois plus disponibles à l’amour, d’autre part, fortes de nos expériences et en pleine possession de notre désir, nous savons mieux les voir… Et prendre ensemble le plaisir quand il se présente à nous.

[argent]Maxine Lerret

Sources privilégiées pour cet article :

Etudes et sondages :

A study of sexuality and health among older adults in the United States, S.T. Lindau & al, the New England Journal of Medicine , 23 août 2007 Sex and aging, J.H.J. Bancroft , the New England Journal of Medicine, , 23 août 2007 La sexualité des plus de 50 ans, sondage IFOP pour le magazine Pleine Vie, novembre 1997 La ménopause, parlons-en ! sondage IFOP

Essais :

Sexe, croyances et ménopause, Daniel Delanoë (2006) L’impensable désir, féminité et sexualité au prisme de la ménopause, Marie Christine Laznik (2003)

Articles de presse :

Jane fonda dans le Journal The Sun : http://www.thesun.co.uk/article/0,,...[/argent]

Commentaires (3)

  • ASINARA

    bonjour, j’attendais de lire la fin de l’article pour voir si un homme en était à l’origine :eh oui Maxime.Je suis une femme de 54ans mariée ,j’ai bien vécu et connais la pratique sexuelle en long ,en large et en travers ....Le problème ,cher auteur de l’article ,est le suivant :a t -on vraiment ENVIE de continuer à pratiquer avec l’être qui vit avec nous ; ou bien actuellement voit-on l’émergence d’UNE DICTATURE DE L’ORGASME ET LE PLAISIR A TOUT PRIX ?????Et bien non ,je suis très heureuse avec mon époux alors que depuis plusieurs mois nous ne faisons plus l’amour.CA VOUS CHOQUE ?? et pourtant ni mon mari ,ni moi même ne ressentons u nmanque ,nous en avons parlé et nous sommes au contraire contents d’être débarrassés de cette question :a t-il envie ? a t-elle envie ?? Nous nous sentons LIBRES et non plus " DEPENDANTS DE NOS HORMONES DICTATRICES".La liberte de ne pas avoir ENVIE c’est formidable car ,oh oui j’ai aimé ,même passionnément et à la folie :j’ai été heureuse mais également tellement en manque de l’être que je désirais quand il était loin que mes plus beaux souvenirs actuellement ne sont certainement pas LA PARTIE DE JAMBES EN L’AIR mais LES EMOTIONS ,seulement les EMOTIONS.Mais un homme comprend t-il
    celà ??Alors svpl arrêtez la DICTATURE du plaisir A TOUT PRIX , je ne suis pas prude ,loin de là ;mais je tiens à rester LIBRE de ne plus avoir de désir et n’en être POINT AFFECTEE.

  • Anonyme

    je viens de lire votre article,avec intérêt.J’ai découvert le plaisir,avec un autre partenaire que mon mari,à 52 ans.Du pur bonheur.Une rencontre,par le net,d’un merveilleux homme,qui m’a fait découvrir mon corps et ces fabuleuses sensations que procurent l’orgasme.Nous nous donnons toutes sortes de caresses,sans tabous,dans un très fort désir de l’un,de l’autre.Dans le plaisir,toujours décuplé.Nous ne sommes jamais rassasiés,l’un de l’autre.Nous choisissons de ne pas vivre ensemble,pour ne vivre que ces merveilleux instants d’extase,toujours renouvelés.Celà fait treize mois,que celà dure.Nous faisons tout pour que celà dure encore très longtemps.C’est un travail de préparations intenses,dans le respect,les demandes de chacun d’entre nous.Beaucoup d’Amour et de Tendresse nous lient.Nous avons 53 et 62 ans.Palita.

  • Clem’

    A lire sur le sujet : " les petits ruisseaux " de rabaté. un bol d’air frais.