Tana Kaleya : Photographe mixte

Le 27/04/2009

1974. Octobre 1974 pour être précis… Les librairies parisiennes présentaient sur leurs tables Hommes, un livre qui fera scandale, avant de rentrer dans les mœurs. Hommes, un ouvrage qui présente des images d’hommes… Nus ! Cette année-là, Yasser Arafat triomphe à l’ONU. Mise en service de l’aéroport Charles de Gaulle. Mort de Gorges Pompidou, de Marcel Pagnol et du couturier Jacques Esterel. Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République. Jean-Paul Sartre visite Andréas Baader dans sa prison. Bertrand Blier sort les Valseuses. Bjön Borg remporte son premier Roland Garros. Le féminisme est en pleine gloire. Une jeune femme, Tana Kaleya, va créer l’événement avec ce livre d’hommes nus…

Une époque formidable

Née à Wroclaw en Pologne, elle grandit et étudie la littérature en Autriche puis en Allemagne. Après quelques court-métrages ayant pour thème le mur de Berlin, et quelques boulots de mannequin, elle échoue à Paris. Le temps de rencontrer un homme, Victor, et de partir avec lui faire le tour de la Méditerranée sur un ancien thonier, le Gift of the Wind. Après quelques allers et retours entre des films publicitaires et Ibiza, elle rencontre David Hamilton, le photographe star de ces années d’insouciance et de romantisme bon-marché : « Cette rencontre a été un choc, je lui ai posé des tonnes de questions sur son travail. J’ai rencontré son agent qui m’a beaucoup conseillé. Puis l’agent m’a proposé un boulot : faire une image d’un musicien de jazz, le genre gros barbu pas très propre. Je l’ai fait poser nu, j’avais une trouille bleue et je ne savais pas comment m’y prendre. Je lui ai donné une fleur dans la main, ça l’a rendu humain. ». Grâce à cet homme qui s’appelait Eddie selon ses vagues souvenirs, elle devient vite obnubilée par la nudité masculine : « J’ai commencé à faire des castings dans la rue, dans les parcs… Presque tous les hommes me disaient oui. A cette époque la drague était facile, on se regardait, on se draguait, et si on se plaisait, on couchait ! Ce n’était pas plus compliqué que cela. J’étais une femme libérée, je ne me sentais jamais oppressée. J’étais sensuelle et ouverte ! ».

La passion des hommes nus

Paris, Saint-Tropez, Ibiza, New York, Rome… ses castings ont du succès, elle aussi… La légende commence : « Durant un mois je n’ai photographié que des sexes en gros plan, au repos, en érection, le matin, le soir, la nuit. Je ne photographiais que cela. Quand la gêne fut cassée, quand « cette chose horrible » reprit sa place normale dans un corps masculin, je pus reprendre ma tâche »(Photo 89, février 1975). Tana lit un texte à haute voix, nous sommes au salon de thé de la Grande Mosquée de Paris… Quelques têtes se tournent… Et elle éclate de rire « Ce sont des conneries, je n’ai jamais eu peur du sexe d’un homme ! Ni au repos ni en érection ! » À l’époque il était de bon ton de poser à poil… Trois années après la célèbre publicité où Yves Saint Laurent posait nu, devant l’objectif de Jean-Loup Sieff, pour son parfum Homme. En feuilletant les pages du livre on peut tomber sur Rudolph Noureev, Frédéric Mitterrand, les acteurs Terence Stamp ou Helmut Berger, le photographe Jean François Bauret… Et plein de petits jeunes rencontrés ici et là, surtout dans les îles : « Il y a des adolescents dont un gamin de 12 ans qui vivait seul à Ibiza, il était Américain, j’ai jamais compris comment il avait échoué là… À l’époque c’était normal de photographier nu un gamin ou une gamine… »

Un livre polémique

Les préfaces du livre sont signées par deux stars de l’époque : la peintre Léonor Fini et l’écrivain Roger Peyrefitte, l’un des premiers à faire son coming-out. Beaucoup de presse. Certains y voient une « salope » qui déshabille les hommes pour le plaisir, plus que pour l’art. Philippe Bouvard, alors roi de l’audiovisuel, l’invite en prime-time (un mot qui n’existait pas), comme une attraction de foire, Tana Kaleya joue son rôle à la perfection et tient bien devant les questions salaces de l’interviewer… « Assurément, cette jeune femme est en train d’apporter à la photographie de nu ce qui lui manquait le plus : une dimension philosophique et un supplément d’âme ». Jean-Luc Monterosso dans Le Quotidien de Paris. « Entre Vogue et Léonard de Vinci, entre la revue de mode et l’esthétique Renaissance qui transparaît dans les attitudes des modèles et la façon de rendre la sensualité et la beauté du corps de l’homme, Tana Kaleya nous décrit les blasons du corps masculin ». (Michel Nuridsany Le Figaro, 1974).

Le début de la gloire

Les images sont exposées à la FNAC, le lieu branché de l’époque. Les signatures se suivent, Tana Kaleya rencontre son public : des femmes libérées qui n’ont pas peur de s’offrir ce livre ou à leurs copines… Les Chippendales n’existaient pas ! Ni le calendrier des rugbymen ! Plus tard, le livre et Tana Kaleya deviendra une référence dans le milieu homo : « À l’époque l’homosexualité était plus cachée… Puis on se foutait de savoir tes préférences sexuelles ! » La gloire commence, elle réalise les fameuses images de Michel Polnareff montrant ses fesses… Une gueule d’ange sonne un jour à sa porte : « Il était tellement beau que je lui disais de devenir acteur, mais il refusait une telle carrière ne sachant parler ni français, ni anglais. Il voulait absolument que je le photographie avec la bite en avant, il était obsédé par son engin… Pour lui c’était son seul atout pour se vendre au cinéma ». L’acteur en devenir s’appelait Rocco Ziffredi.

Papesse de la photo érotique

Tana Kaleya continue sa carrière de photographe en travaillant pour de nombreuses éditions de Playboy. Cette fois-ci, elle s’intéresse au nu féminin, aux images érotiques pour magazine masculin de charme : « A la différence d’Hamilton je ne cherchais pas les jeunes filles, j’aime les vrais femmes très féminines. Sans être lesbienne, je suis plutôt une érotomane : si une femme dégage une réelle sensualité je veux la partager ! ». Tana s’emporte « Si j’avais une queue, je baiserais toutes les femmes ! ». Nous sommes toujours à l’intérieur de la mosquée… L’érotisme est devenu sa carte de visite… Elle voyage beaucoup pour Playboy, elle tourne un film dans la lignée d’Emmanuelle, Femmes avec Helmut Berger et Alexandra Stewart, qui fera un bide ! Femmes, sera aussi le titre de son second livre.

L’éternel masculin

Aujourd’hui, après une vie d’errance sur son bateau ou dans un centre de méditation en Inde, après un long flirt avec la peinture et une longue amitié avec la peintre Léonor Fini, Tana Kaleya reprend son appareil photo. Les verres de thé à la menthe s’empilent sur le plateau…Tana Kaleya veut, comme pour se justifier, rajouter encore quelques phrases sur son amour des hommes, éternels objets de désirs : « Ce que j’aimais, c’est l’homme dans sa sensualité androgyne. Auparavant l’homme devait apparaître mec. J’ai fait le premier livre où le coté femme de l’homme apparaissait, son coté mixte. Un homme peu agressif, sensuel, presque efféminé comme on disait péjorativement à l’époque. L’homme est un grand mystère, c’est un univers d’énigmes, de rêves et de désirs enfouis… À chaque fois que j’en rencontre un, je suis transportée… Je pourrais en parler pendant des heures ».

[argent]Patrick Rémy[/argent]

Commentaires (1)

  • ARQpIZAiSwphl

    3PYCBQ You’re the gaertset ! JMHO