Le strip-tease burlesque : une leçon explosive de sur-féminité

Le 22/04/2009

Véritable phénomène de mode aux Etats-Unis et maintenant en France, le Burlesque est une forme de spectacle érotique qui réhabilite la vamp en talons-aiguilles. Qu’elles pèsent 50 ou 80 kilos, qu’elles soient trop grandes ou trop petites, parfaitement belles ou complètement hors-normes, les artistes du Burlesque présentent toutes en commun d’être si pleines d’humour et d’assurance que les hommes se pâment à leurs pieds. Parodiant gaiement le mythe de la pin-up, ces séductrices s’exhibent en bikini-strass 50’s et hurlent : « Soyez glamour, les filles, glamour toujours ! ». Au panier les mannequins tristes. Au rebut les sili-connes. Voici venu le temps des nouvelles féministes, celles qui montrent leur corps – toutes plastiques confondues – avec tellement de gaieté qu’elles en deviennent irrésistibles. Sous des noms de scène outranciers - Bebe Bijoux, Vivienne Va-Voom, Scarlette Fever ou Dirty Martini – ces bombes atypiques posent en nouvelles icônes du sexe.

Potiches de luxe ou artistes d’avant-garde ?

Réagissant à des conventions qui veulent qu’une femme sexy ressemble à une « bimbo » aux seins plus gros que le cerveau, les filles du Burlesque se mettent en scène avec humour dans des spectacles de strip-tease très spéciaux. Beaucoup d’entre elles ont des physiques hors-normes. Certaines sont obèses, d’autres couvertes de tatouages et la plupart refusent de se faire poser les implants mammaires qui sont de rigueur dans le milieu du strip… Mais leurs shows dégagent une énergie contagieuse, jubilatoire, qui les rend bien plus attirantes que n’importe quel « canon ». Elles sont si fières de leur corps qu’elles imposent leur charisme en nouveau modèle de séduction. A la fois sur-féminines et ironiques, les stars du Burlesque tournent tout en dérision, à commencer par cette image de Pin-Up qu’elles miment avec un sens imparable de la parodie. Pendant un an, la photographe américaine Katharina Bosse a traversé les USA à la recherche de ces artistes en soutien-gorge-à-strass pour les faire poser dans les tenues les plus extravagantes. Cette galerie de portrait, publiée en France sous le titre « New Burlesque », aux éditions Filigranes, est une magistrale démonstration de féminité bien comprise : épanouie, incontrôlable, débordante de bonne humeur.

Peu importe que les danseuses burlesques aient une plastique débordante (ou des formes parfaites).

La beauté qu’elles défendent a du chien, du mordant, de la liberté. « C’est une démonstration de puissance féminine, explique Dirty Martini. Les spectacles sont joués par des femmes, montés par des femmes et aucun homme ne leur dit quoi faire. D’ailleurs, beaucoup de femmes viennent y assister. » Dirty Martini pèse plus de 80 kilos. Affichant joyeusement son appétit de vivre, cette strip-teaseuse toujours vêtue de tenues mini, incarne à elle seule la puissance d’attraction du Burlesque : tous les soirs, à New York, elle conquiert des foules (constituées à 50% d’admiratrices), séduites par cette bourrasque d’énergie. « Je fais sensation, se moque-t-elle. Dans New York magazine, on dit que je suis l’attraction sexuelle la plus sophistiquée de la ville ! ». Les femmes qui assistent aux shows viennent s’imbiber – comme par mimétisme – de cette puissance qu’elle dégage, une puissance communicative, une assurance sexuelle, un bonheur de vivre, qui font fi de toutes les conventions. Les idées reçues ne tiennent pas face à Dirty Martini. Ce qu’elle enseigne, c’est qu’aucun homme ne reste insensible à l’humour ni à l’intelligence et que séduire c’est avant tout… avoir envie de séduire. Le charme n’a rien à voir avec les régimes.

« Mangez des pates, et vive les courbes ! »

« Une des premières stars du Burlesque – Tempest Storm – affichait 100-70-90 de mensurations, raconte Angie Pontani. Tempest Storm avait les cheveux rouges, une santé de jument et un super popotin bondissant. Quand je pense à elle et que je vois des T-shirts taille zéro dans les boutiques, je me dis « Mangez des pates et vive les courbes ! ». Angie Pontani, leader de la troupe « Famous Pontani’s sisters », ne porte que des talons aiguilles, pour avoir le derrière bien cambré et la démarche ondulante de ses idoles. Imitant les houleuses strippeuses des années 40-50, des centaines de jolies filles s’exhibent comme elle en talons hauts et soutien-gorge obus, la bouche soulignée de rouge-sang, pour réhabiliter l’image de la femme-femme : une séductrice avec de l’humour. « Dans le Burlesque, on s’amuse, explique Michelle Carr, figure historique du mouvement. On sourit, on fait rire, c’est un bouillon de vitamines, ça pétille de partout ».

Histoire du burlesque : de l’antiquité aux années 50

Les origines latines du mot Burlesque sont claires. Spécialiste du genre, Cécile Camart explique : « De l’italien burla (farce, plaisanterie), le terme consacre tout d’abord un genre littéraire du XVI siècle, qui porte en dérision la poésie précieuce et ridicule. Le burlesque c’est aussi le style parodique pratiqué depuis l’antiquité et le satyricine de Pétrarque. Le burlesque va souvent avec l’outrance, l’exagération, le pastiche, voire la caricature, l’extravagance, le comique, la bouffonnerie ou le grotesque. Dans la langue américaine le vocable revêt cependant dès le milieu du XIXè siècle un sens tout à fait spécifique : on entend par burlesque tout spectacle de variété allant de la comédie légère à la danse, incluant souvent le strip-tease » (1). Petit à petit, c’est le strip-tease qui prendra le devant de l’affiche. L’anglaise Lydia Thompson et sa troupe des british blondes introduisent le burlesque à New York en 1868 et gagnent rapidement les faveurs du public, qui se précipite au théâtre de Broadway. En 1893, la danseuse du ventre Little Egypt inaugure le Burlesque orientalisant. Entre 1900 et 1930, c’est l’âge d’or du burlesque, avec des grandes stars : Lily St Cyr, Rose la Rose, Gypsy Rose Lee… La grande dépression freine à peine cette débauche de nombril ondulants. Le Burlesque, c’est le triomphe de la bonne humeur. Entre les années 1930 et 1950, il devient la forme la plus populaire du théâtre américain, un divertissement bon marché caractérisé par des vedettes aux costumes inouis et à l’humour imparable.

Quand le burlesque meurt puis fait son come back…

Viennent les années 70 et la pornographie… C’est le coup d’arrêt ! Face à la concurrence déloyale des porn-stars et de go-go dancers, le Burlesque disparaît. Il ne fait son come-back que 40 ans plus tard, sous l’impulsion de quelques nostalgiques de l’élégance rétro. En 1995, l’Américaine Valentina Violette – collectionneuse de talons hauts vintage - ressuscite ce genre oublié en créant une des plus grandes troupes de Burlesque au monde : le Velvet Hammer. Parallèlement, la danseuse Dixie Evans, - célèbre « Marilyn Monroe du Burlesque » – créé un musée - l’exotic world burlesque museum - qui organise chaque année une compétition où viennent se joindre toutes les nouvelles danseuses du genre : Kitten de ville, Dirty Martini ou The world famous *BOB*. Les mots d’ordre sont toujours les mêmes : glamour, humour. Perpétuant le mauvais esprit des années 40-50, les artistes du Burlesque se prennent un nom de scène explosif, jouent les pin-ups dans la démesure et – en quelques irrésistibles mimiques – détruisent joyeusement leur image de femme-objet ! « Avant d’être un genre de spectacle, le nouveau burlesque serait d’abord une attitude », résume Cécile Camart dans la postface du livre New Burlesque. C’est justement la raison pour laquelle le Burlesque fait maintenant fureur… Fureur au point que certaines stars, telles Dita Von Teese, défilent pour Dior ou posent pour des marques de luxe.

Elle s’appelle Von Teese, un jeu de mot sur « Tease » qui veut dire en Anglais « aguicher », « allumer ».

Aux Etats-Unis, la presse n’a pas assez de mots pour encenser Dita : c’est « l’ultime pin-up » ! « La réincarnation du glamour Hollywoodien » ! « L’élégance faite femme »… Elle épouse puis divorce du chanteur de rock Marilyn Manson, publie son autobiographie, lance sa propre ligne de lingerie, devient l’ambassadrice de Cointreau… Ses Burlesques réhabilitent l’image de la vamp joyeuse. Musique orchestrale, ballet chorégraphique, costumes sophistiqués et… ironie : le cocktail molotov idéal. Son striptease dans un verre géant de Martini inspire même les scénaristes de Charlie’s Angels pour une scène jouée par Cameron Diaz. Quand on lui demande pourquoi elle strippe, Dita répond : « Les femmes ratent beaucoup de choses en voulant rester « correctes ». Moi, je veux tout essayer, ne serait-ce que pour faire le tri. » Et quand on lui demande « C’est facile pour vous d’assumer le statut d’idole érotique ? », sa réponse fuse : « Toutes les femmes doivent assumer le statut d’idole ! Ou alors, c’est qu’elles n’ont pas le bon mari… ni le bon amant. » Démonstration magistrale : les mots « honte » « tabou », « péché » et « culpabilité » ne font pas partie du vocabulaire d’une femme qui s’assume totalement. Le message passe particulièrement bien en France où plusieurs troupes de burlesque sévissent depuis environ trois ans.

Inga Waffenkullo : « Froide ? Moi, Jamais ! »

A Pigalle, tous les samedis soirs, au cabaret « Chez Moune », Ernestine la coquine enlève ses vêtements en parodiant l’image de la femme-objet : tantôt diva, tantôt tigresse, mais le plus souvent domina, cette déesse en pétard fouette les fans à coup de boas rose. Sous le nom d’une sadique - Inga Waffenkullo – elle a aussi créé la troupe burlesque Kisses cause trouble sur la base d’un cocktail explosif : culottes en peau de tigre, formes plantureuses et personnalités démesurées. Ses shows – comme un feuilleton – racontent l’histoire d’une femme débordante de testostérone qui s’est engagée dans l’armée, pour « pouvoir assouvir sa soif de contrôle et de domination ». Le prétexte évidemment à des bagarres pour rire, qui finissent en arrachage de dessous : les strings volent ! Une autre troupe fait fureur : MurderSuicidePresents. Un mélange sulfureux d’arsenic et de culottes en dentelles, sur un scénario prétexte à des multiples effeuillages… histoire de faire voler en éclat les conventions romantiques habituelles. Dans ces spectacles qui mêlent éventails en plume d’autruche, corsets et fume-cigarettes, l’héroïne est une briseuse de cœur, voire d’autre chose. C’est la femme fatale idéale : zéro complexes ! « La tactique c’est de ne pas se prendre au sérieux, explique Inga Waffenkullo. De l’autodérision, c’est vital. Il faut se démarquer du strip traditionnel (lap dance, table dance) et proposer du rêve avec des femmes différentes, loin de tous les clichés imposés par la société. » Les fabuleuses aventures des kisses cause trouble, c’est comme une bande dessinée, avec des ennemis, des soucis de trésorerie, et des préoccupations typiquement féminines : le maquillage, le sexe… « La vie quoi, résume Inga. Au dernier épisode, nous mettions à mort Miss patapouf, une sorte de Miss France au cerveau siliconé. »

[gris]Agnès Giard[/gris]

[gris](1) Citation du livre « New Burlesque », postface de Cécile Camart, photos de Katharina Boss, éd. Filigranes.[/gris]

[gris] http://www.kisses-cause-trouble.com

http://www.dita.net

http://www.myspace.com/murdersuicid...

http://www.velvethammerburlesque.com/

http://www.missdirtymartini.com

http://www.pontanisisters.com[/gris]