Karezza, le plaisir paritaire
Le 24/03/2018
Aux Etats-Unis, dès la fin du XIXe siècle, on comptait cinq femmes médecins. La cinquième, Alice Stockham était gynécologue. En 1897, elle publia « Karezza : the Ethics of Marriage », un livre qui continue d’exercer une certaine influence aujourd’hui.
Inspirée par une méthode inventée en 1844 par un certain John Humphrey Noyes, elle avait, dès cette époque, conscience de ce que la relation sexuelle n’était pas seulement dévolue à la procréation.
Au delà du plaisir et du bien-être que la relation sexuelle apporte, elle voyait aussi que l’énergie créative n’est rien d’autre que l’énergie sexuelle. Ils vont de pair et le corps, l’âme, l’esprit participent à parts égales, l’affection s’exprimant aussi en actions.
Elle voyait dans l’union des corps quelque chose de sacré, qui réconfortait : « Dans l’union physique du mâle et de la femelle il y a certainement aussi une communion des âmes qui n’est pas seulement la source d’un bonheur suprême, mais aussi qui conduit le développement de l’être. »
La gynécologue militait pour des pratiques amoureuses permettant aux couples de faire l’amour sans conséquence (il faut se rappeler qu’à l’époque, la mortalité infantile était très élevée et que nombreuses étaient les femmes qui mourraient en accouchant).
Cette technique, qu’elle nomma Karezza (issu de l’italien « carezza » qui signifie caresse), exige des deux partenaires de faire l’amour en évitant le plus longtemps possible d’arriver à l’orgasme, quel que soit la durée du rapport, ce qui la différencie du coït interrompu, où seul l’homme doit se contrôler. Ici les deux partenaires doivent participer au même effort, la femme et l’homme s’aident à obtenir un plaisir sexuel paritaire qui non seulement se transforme en une sorte d’extase mystique (proche des méthodes tantriques, l’orgasme en moins), mais permet aussi d’intensifier le désir et la relation à l’autre.
Dans cet effort commun, elle voyait à la fois une méthode pour que les familles contrôles les naissances, mais aussi un rapport sexuel égalitaire pour le couple et le moyen de préserver l’harmonie dans le mariage.
Visionnaire, elle se battait aussi pour que les femmes se masturbent et avait pressenti que la science trouverait un moyen pour mettre fin au problème des grossesses non désirées, « car son importance dépasse toutes les autres ».
On a depuis mis de côté les sensations plus spirituelles de l’union à l’autre, pour rester focalisées sur la définition physique de l’orgasme.
Mais on parle toujours d’atteindre le septième ciel, qui est celui des étoiles.
© Illustration : Egon Schiele