La testostérone n’est plus ce qu’elle était
Le 28/03/2018
L’idée que la testostérone serait la clé des pouvoirs, de la force de l’homme et de sa virilité remonte a à peine plus d’un siècle, alors que l’hormone n’avait pas encore été identifiée par la communauté scientifique. A la fin du XIXe siècle, le médecin français Charles Brown-Séquard, septuagénaire, s’est injecté pendant plusieurs années un fluide à base de sperme et de sang, tout en notant au fur et à mesure une supposée amélioration de sa forme physique et intellectuelle.
L’histoire des pouvoirs de la testostérone commence à ce moment là.
Pendant les décennies qui ont suivi, d’autres chercheurs, passionnés par cette expérience, ont cherché à mettre au point de nouvelles techniques (notamment en injectant des liquides issus de testicules d’animaux !) permettant de rajeunir les hommes dans la force de l’âge. Elles ont remporté un vif succès, des milliers d’hommes se sont fait traiter partout en Occident et on dit même que Sigmund Freud fut tenté par l’expérience.
La notion d’hormones et le mot pour les définir (du grec "mettre en mouvement, diriger") ne sont apparu.e.s qu’en 1903 et la testostérone ne fut clairement identifiée qu’en 1935, grâce à l’intérêt de la recherche pharmaceutique pour cette "organothérapie". La même année, quatre chercheurs du laboratoire Organon et deux chercheurs des laboratoires Schering isolent la testostérone.
Depuis, cette hormone - synthétisée principalement par les cellules de Leydig des testicules et dans une moindre mesure par les glandes surrénales - est massivement consommée par les hommes, sous forme d’injection, de pilules ou à travers la peau. La testostérone est ainsi considérée comme un ingrédient essentiel de la vitalité des hommes, l’ingrédient étant plus essentiel à la fortune des laboratoires pharmaceutiques qu’à un résultat réellement probant chez les hommes. Mais un livre sorti en 1945 a accompagné le succès de cette folle entreprise et les hommes ont continué d’affluer massivement dans les cabinets médicaux, l’effet - a priori placebo - a convaincu et les dénonciations de certains scientifiques n’ont pas été entendues.
En 1995, aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration a approuvé la commercialisation d’un patch de testostérone et l’appétit pour cette hormone miracle a pris une nouvelle dimension au point qu’il est impossible de faire une liste complète des moyens de l’absorber ; gouttes, crèmes, chewing-gums, sprays, anabolisants, etc. sont venus s’ajouter à la première liste de propositions. Ainsi, l’industrie pharmaceutique, dont le chiffre d’affaire sur ce type de produits se compte en milliards depuis le début des années 2000, a été multiplié par 12 depuis.
Depuis 2002, de nombreuses institutions s’inquiètent de cette consommation sans cesse plus importante de testostérone et de ses risques sur la santé alors qu’il est encore aujourd’hui difficile de prouver qu’elle a un impact réel sur la libido, la vitalité, la mémoire, la confiance en soi, la ténacité, la vigueur, qu’elle est sensée améliorer.
Le magazine américain Wired, qui consacre ce mois-ci un article sur le sujet, raconte que des chercheurs ont récemment voulu investiguer plus loin en faisant des tests sur des milliers d’hommes au-dessus de 65 ans, lorsque les niveaux de testostérone sont supposés décliner sérieusement. Or, sur les 51.000 hommes qui ont accepté de participer à l’expérience, moins de 15% avaient effectivement des taux de testostérone assez bas pour justifier de pouvoir participer aux tests. L’idée selon laquelle les taux déclinent à partir d’un certain âge s’effondre, elle ne semble plus relever que du mythe. "Au final, les études ont montré que la testostérone n’a pas amélioré les fonctions physiques des hommes, pas plus que leur vitalité. Elle n’a pas non plus contribuer à ralentir la diminution de la mémoire liée à l’âge. Elle a par contre aidé à diminuer l’anémie et améliorer la densité minérale osseuse. Elle a également augmenté le désir sexuel et l’activité, mais de façon modeste ; les hommes auraient fait mieux d’utiliser du Cialis ou le Viagra. Les conclusions les plus inquiétantes sont venues d’une étude sur le risque cardiovasculaire : pour ceux avec des facteurs de risque, la testostérone a accéléré l’athérosclérose coronaire, accroissant probablement leur risque de crise cardiaque."
La morale de cette histoire, c’est que comme les femmes, les hommes sont prêts à croire n’importe quoi pour se sentir jeune et désirable et les industriels sont aussi déterminés à aller chercher des consommateurs aveuglés par le désir d’une cure de jouvence auprès de leurs pairs qu’auprès des femmes. Enfin, presque ...
PS : à part ça, la testostérone naturelle, présente chez l’homme et la femme à des degrés différents, remplit de nombreux rôles, essentiels à la santé. Ne nous faites pas dire ce que l’on n’a pas dit !