Les nouvelles hétérosexualités
Le 28/03/2018
Comment est-on hétérosexuel.le.s aujourd’hui ? Au polyamour ou à l’asexualité dont les médias ont largement parlé ces dernières années, ce sont ajoutées de nombreuses nouvelles catégories comme le cisgenre, le caudalisme, la pansexualité, l’altersexualité qui ont conduit le sociologue Daniel Welzer-Lang a publier un livre sur les nouvelles hétérosexualités.
Les sexualités ont toujours été plurielles. La culture hétérosexuelle a été inventée entre le XIIe et le XVIe siècle en Occident, tandis que les XIXe et XXe siècle ont eu tendance à renforcer ce système binaire en contrôlant plus encore le corps des femmes. Ce modèle hétérosexuel s’est accompagné d’une sexualité dite "normale" tandis que tout ce qui sortait de ce schéma devenait une sexualité dite déviante : "l’hétérocentrisme tient pour acquis que tout le monde est hétérosexuel, sauf avis contraire" . Pour le sociologue, c’est l’émancipation des femmes et les revendications des gays et des queers qui ont, petit à petit, fait voler en éclat cette idée de normalité. Ainsi, les catégories sont devenues transformables grâce notamment à "l’insoumission à la féminité ou à la masculinité traditionnelles".
Le livre passe en revue les différentes nouvelles options qui sont venues, telles l’air frais, apporter de nouvelles options permettant aux un.e.s et aux autres de ne pas se sentir isolé.e.s dans leurs désirs sexuels, tout en sachant que "les catégories identitaires d’appartenance sont mobiles, performatives. Elles peuvent évoluer, se transformer ... ". Les bisexualités, l’asexualité, le libertinage, le triolisme, le candaulisme, le bdsm…, les identités de genre (cisgenre, bigenre, non-genre, genre fluide, travesti, hétéroqueer…) et les dispositions sexuelles comme le polyamour sont des options qui elles-mêmes évoluent sans cesse et libèrent d’une notion de couple rigide, dont on sait la sclérose possible lorsqu’elle n’est pas nourrie d’éléments nouveaux.
On ne se prive pas de vous livrer quand même quelques-unes des terminologies nouvelles expliquées dans le livre :
" - Lith-romantique ou akoi-romantique : décrit une personne qui éprouve des sentiments amoureux mais ne souhaite pas que ceux-ci soient réciproques.
Skolio-sexuel : selongenderqueerid.com, la skolio-sexualité se réfère à l’attirance sexuelle envers les individus non-binaires (qui ne se reconnaissent pas dans l’opposition entre les genres masculin et féminin) ou ceux qui ne se définissent pas en tant que cisgenre.
Andro-sexuel : personne qui est attirée sexuellement et émotionnellement par la masculinité (que se soit une femme masculine ou un homme masculin, indépendamment du fait qu’il ou elle soit lesbienne, hétéro, gai.
Autosexuel : personne qui est attirée sexuellement et émotionnellement par elle-même.
Gyne-sexuel : une personne attirée sexuellement et émotionnellement par la féminité, soit le pendant à l’androsexuel du côté féminin. Une personne gyne-sexuelle pourrait sortir avec une femme cisgenre féminine, une femme transféminine ou un garçon très éffeminé.
Pour l’auteur, le fait qu’il soit maintenant possible de moduler une représentation de soi selon sa volonté, de vouloir appartenir à un genre, l’autre ou aucun permet à chacun.ne.s de s’approprier son corps comme il ou elle l’entend, posant à la société la question de comment "s’adapter, intégrer, refuser, combattre les nouvelles manières de désirer, d’aimer et de s’aimer seul, à deux, trois, quatre ou plus, avec ou sans objets, libres de s’entraver, de s’encorder ou non, de refuser romantisme et/ou sexualité ?".
Bien sûr, cette question reste pour l’instant sans réponse.
Mais elle souligne pour les femmes cette autre voie de son émancipation, affranchie de toute forme de victimisation, l’autre forme du paternalisme.
Les nouvelles hétérosexualités
Daniel Welzer-Lang
Editions Eres
12,50€
203 pages