Dans les bras d’Aphrodite

Le 21/05/2010

Un lieu troublant, un partenaire « classé x », un scénario charnel et sensuel : les rêves érotiques émoustillent, choquent ou stimulent. Ils suscitent débats et confidences. Psychanalystes, sexologues, thérapeutes et médecins en tout genre, abordent ces songes comme un équilibre psychique nécessaire à tous. Ils incitent à prêter attention au message ainsi délivré par notre inconscient, libéré de tout tabou.

Le rêve exprime nos désirs les plus profonds

Laura raconte son rêve, mi étonnée, mi scandalisée. « Je ne comprends pas, je suis mariée, je ne suis pas du tout attirée par cet homme ». Pourtant, un songe l’a mis en scène dans des rapports et des positions sans équivoque avec son patron. C’est même allé trop loin pour elle. Un malaise l’envahit. Pourquoi pareil rêve ? Est-elle normale ?

Mathilde en est à sa troisième expérience nocturne charnelle avec d’autres femmes. Cette mère de deux enfants est pourtant certaine de son hétérosexualité. Ses rêves veulent-ils lui révéler une toute autre vérité ?

Les rêves de Laura et Mathilde ne sont pas extraordinaires. Ils sont même très ordinaires. Quatre à cinq fois par nuit en moyenne, notre inconscient échafaude des scénarios incroyables, mettant en scène des souvenirs, des situations imaginaires, souhaitées, redoutées. Les rêves érotiques nous placent au cœur de fantasmes que nous aurions bannis dans la réalité.

Les chiffres s’y référant sont étonnants. 8%, c’est la place occupée par le sexe dans nos rêves. Et 4% de nos rêves érotiques aboutiraient à un orgasme (1) ! De quoi faire pâlir de jalousie nos moitiés… Inutile peut-être d’en divulguer certains détails sur l’oreiller. Alfred Charles Kinsey, professeur d’entomologie et de zoologie, estime même que 37% des femmes de 45 ans auraient déjà éprouvé un orgasme en rêve. Fruit d’un « processus physique d’excitation nocturne qui se produit et auquel notre cerveau lui associe des images, les rêves érotiques ». Quatre à cinq fois par nuit, notre sexe se livrerait à une gymnastique d’entretien : érection chez l’homme, lubrification vaginale chez la femme, la montée de sang dans cette zone maintenant les vaisseaux sanguins en bon état de marche. Nos rêves érotiques n’auraient ainsi aucune signification particulière. Seulement un phénomène physiologique naturel.

« La voie royale vers la connaissance de l’inconscient »

Depuis la nuit des temps, le rêve intrigue les hommes, et suscite bon nombre de théories, enclines à lui trouver un sens. Chez les Égyptiens de la Xème dynastie, on parle déjà de rêve divin, capable de révéler l’avenir. Même phénomène dans la Bible ou dans la mythologie grecque, à travers les rêves que Zeus envoie à Agamemnon ou les visions qu’accorde Apollon à Delphes.

Le rapport au rêve évolue au fil du temps, jusqu’à connaître sa révolution avec Freud et la naissance de la psychanalyse. Dans L’Interprétation des rêves, Freud écrit que « le rêve est la voie royale vers la connaissance de l’inconscient ». Cette partie de nous que nous ne maîtrisons pas et qui renferme pulsions, sentiments, instincts, s’exprime à travers nos songes. Autant de messages envoyés pour exprimer désirs ou malaises secrets. Le rêve tend à réaliser un désir, généralement d’ordre sexuel. Interdit par la réalité, la société ou la loi, il est refoulé, et n’apparaît que masqué. L’angoisse de le voir réalisé engendre des cauchemars.

Véritable objet de libération

Le rêve sexuel tel que nous pourrions l’imaginer, clair et limpide, ne survient que rarement. Dissimulé par un désir voilé, accommodé par la censure, les rêves érotiques se déguisent, usent d’allégories pour masquer une vérité toute nue. Comment les décrypter ? En premier lieu, relever toutes associations d’idées, si farfelues soient-elles, qui ressurgiraient spontanément au réveil. Mises bout à bout, elles pourraient devenir de précieux indices dans la compréhension de nos songes.

Parce qu’une fois décodés, les rêves érotiques deviennent de véritables objets de libération, conduisant à l’aboutissement de besoins sexuels enfouis, à une vie quotidienne plus épanouie. Par exemple, certaines femmes qui n’avaient jamais éprouvé de plaisir sexuel, ont, à la suite d’un rêve où elles ont éprouvé un orgasme intense, trouvé la force de consulter un thérapeute, avec la volonté de trouver le chemin du plaisir, dans la réalité cette fois-ci.

Lorsqu’une personne consulte pour des troubles du désir, mais qu’elle continue à faire des rêves érotiques, le sexologue y voit la preuve que le problème est relativement superficiel. De même, au cours d’une thérapie, lorsque des rêves érotiques commencent à réapparaître, c’est souvent le premier signe d’une libido en train de s’affranchir. Certains rêves aident à préciser l’identité sexuelle. Les « vrais » transsexuels par exemple ne se rêvent jamais sous le sexe que l’état civil leur a donné.

Pour Carol L. Cummings, auteure des Rêves érotiques, comment les interpréter ?, l’interprétation des rêves « est davantage un art qu’une science ». En effet, face à tout récit, de multiples interprétations peuvent être faites, en prenant en considération différentes variables de la vie de la dormeuse. « Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse en ce domaine, explique-t-elle, les éléments sont aussi variés et personnels que l’individu qui les rêve. »

Nos rêves sont rarement le fruit du hasard et résultent souvent de désirs éprouvés au cours de la journée. Ils nous sont propres, et l’interprétation à en tirer ne peut être commune à tous. Un véritable marché de bibles proposant une interprétation de A à Z de nos rêves érotiques s’est constitué ces dernières années. Difficile cependant d’imposer une symbolique unique.

Des apparences trompeuses

Des clés « communes » sont néanmoins données par de grands spécialistes. Tristan Frédéric Moir, psychanalyste et auteur de plusieurs ouvrages sur les rêves, a notamment scindé les rêves érotiques en deux catégories. « Lorsqu’il s’agit d’un songe avec pénétration, explique-t-il, il s’agit d’un manque. La libido n’est pas complètement épanouie et la personne éprouve le besoin de rapports plus satisfaisants ou plus nombreux. C’est un phénomène de compensation. Mais le plus souvent, souligne-t-il, il s’agit de rêves érotiques « soft » : rencontres, enlacements, baisers… Ce sont dans ce cas, des rêves qui traduisent un bien-être avec les autres, mais aussi avec soi-même ».

Nicole Gratton, directrice de l’Ecole internationale de rêves, un organisme fondé en 1992 dans le but d’apprendre à former des rêveurs actifs, va plus loin : « Les rêves romantiques dans lesquels on se laisse séduire ne sont pas trop menaçants. Ils comblent les besoins de tendresse. Ils font du bien. Pour qu’on s’en souvienne, le rêve devient parfois plus explicite au niveau des sens. On se touche, on s’embrasse. Un rêve de rapprochement peut être simplement une métaphore de pardon. Cela pourrait même faire intervenir un collègue de bureau qui ne nous plaît pas du tout. Ce rêve peut signifier que l’harmonie entre ces deux personnes est rétablie du fait que dans le scénario nocturne, on accepte le contact avec cette personne, par le biais d’une accolade ou d’un baiser. Cela peut vouloir dire aussi qu’on est sur la même longueur d’onde… ».

S’il est naturel de vouloir interpréter nos rêves tels que nous les vivons, les apparences sont souvent trompeuses. Les rêves les plus explicites peuvent n’avoir en définitive aucun rapport avec le sexe, alors que les rêves en apparence candides, regorgeront d’indices appelant à des relations sexuelles plus satisfaisantes. Freud le premier en parlera. Certains rêves « normaux », non érotiques, dissimulent des désirs érotiques. Et ce, parce que les pulsions sexuelles ont été les plus réprimées dans la vie civilisée. On peut ainsi chercher des désirs sexuels dans le contenu du rêve qui pourtant ne semble pas avoir de sens sexuel : car cette vie sexuelle est figurée par tout un symbolisme, dont Freud offre quelques exemples. Les armes pointues, les objets longs comme des troncs d’arbres remplacent les organes sexuels masculins, des armoires, des voitures, des fourneaux les organes sexuels féminins...

Ne pas confondre nos rêves avec la réalité

Dans cette nébuleuse d’interprétations, il est nécessaire de conserver une distance par rapport aux images de notre inconscient. Si nos songes nous attribuent des conduites homosexuelles, des tendances à l’infidélité, la trahison, il est important de ne pas se remettre en question pour autant. Il ne faut pas confondre rêve et réalité. Et prendre toujours autant de plaisir à laisser notre imagination gambader !

Pour Sandrine Colas, sexologue, « nous n’avons pas à porter de jugement sur nos rêves érotiques ni à nous offusquer de leur contenu. Ils nous permettent d’accéder aux replis les plus mystérieux de notre subconscient. Même les pires cauchemars sont de bons rêves si nous sommes capables de les « passer au crible » et de les utiliser comme des révélateurs. Nous obtenons ainsi gain de cause face à notre subconscient parfois très soucieux de « verrouiller » les informations concernant notre sexualité, de maintenir inavouables certains de nos « ressorts » psychologiques. Nul doute qu’à travers ce travail sur soi-même, et sur l’étude de nos rêves, nous aurons tout à gagner à découvrir et à épanouir notre sexualité. Une parfaite ouverture d’esprit et une grande tolérance sont les conditions sine qua non du succès de notre démarche ».
Alors, à vos carnets de nuit mesdames !


[gris] Gaëlle Morisson[/gris]


(1) Étude réalisée par Antonio Zadra, professeur à l’Université de Montréal, sur plus de 3 500 rêves, portant sur la nature et le contenu des rêves érotiques.

Pour aller plus loin :
Les rêves érotiques, une envolée vers l’extase, Nicolas Gratton, Éditions Stanké.
Le rêve et son interprétation, Sigmund Freud, Éditions Gallimard.
Les rêves érotiques dévoilés , Sandrine Colas, Éditions Clairance.
Vos rêves d’amour, Nicole Gratton, Éditions Dangles.
Sexual Behavior in the Human Male (1948, réédité en 1998) et Sexual Behavior in the Human Female (1953, réédité en 1998) ; d’Alfred Charles Kinsey.
L’article Sexual Activity Reported in Dreams Of Men and Women de Science Daily, par Antonio Zadra, 15/06/2007.


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Commentaires (3)

  • Cléa

    Soit on adopte une positon freudienne et alors le rêve ne peut pas être comme il est dit "dissimulé par un désir voilé et accomodé par la censure", et il ne résulte pas "d’un désir éprouvé dans la journée" parce que, justement l’inconscient qui produit ce rêve méconnait la morale, le temps, et la durée. Je rêve en dehors de toutes les règles, lois, usages, temporalités du conscient éveillé.
    Soit on n’adopte pascette position et alors le dictionnaire des rêves et la clé des songes sont fondés et l’interprétation doit être donc universelle.
    Quoiqu’il en soit cet article manque totalement de rigueur et mélange tout avec allégresse. La vérité est toute autre, faut pas rêver tout de même !!!!!

  • Anonyme

    La photo est parfaite !

  • Fany

    Les passages que vous incriminez ne sont pas dans le mini-paragraphe consacré à Freud (certes un peu court) mais plus loin, je ne partage pas votre avis sur le manque de rigueur de l’article. Il est toujours difficile de vulgariser sans faire trop de raccourcis. Moi c’est plutôt la conclusion de la sexologue que je trouve un peu gnangnan...