Sois ce que dois

Ou les souffrances du devoir-être

Le 10/09/2010

La bienséance me dicte ce que je dois être, ce que je dois faire, en vertu de ce qui est accepté ou toléré par la société, de ce qui est bien vu. Règne alors, en maître, le regard porté par la société sur l’individu, relayé par le face-à-face avec sa propre conscience. Peut-on toutefois discipliner le désir, s’aliéner à une image-reflet ? Convocation du rebelle en soi.












La camisole et la soupape


Pour comprendre le mot bienséance, il faut revenir à un verbe au charme aussi désuet que les hennins : seoir. Ce verbe ramène à la position assise, par opposition à « être debout », ou, plus dangereux, « couché »… Il n’est pas anodin de noter que ce verbe subsiste aujourd’hui à l’impersonnel, dans le tour autoritaire et figé : « Il sied… ». Nos codes affectionnent la position assise pour distinguer les situations de sociabilité : discuter, échanger, recevoir un savoir par l’écoute docile, prendre des décisions, partager une table et la conversation. Se mettre debout est, souvent, le signe d’une désolidarisation — la discussion passe alors à la véhémence du débat. Ou l’individu claque la porte et s’en va.
Qu’on songe à Isabelle Adjani, alias Helena, accompagnant son mari à un dîner chez Monsieur le Préfet dans Subway (1984) de Luc Besson. Lassée par les règles de courtoisie, en rébellion contre l’ordre et la norme, elle signe sa sédition par son style : vison et coiffure iroquois contre drap de laine écossais rose bonbon. Style hirsute contre civilité. Le dîner de circonstance est vécu comme séquestration du corps, forcé à l’assise en société. Pour briser les bienséances, Adjani-Helena se lève au milieu du repas, coupe la conversation et proclame : « Monsieur le Préfet, votre dîner est nul, votre baraque est nulle, et je vous emmerde tous. » Insubordination du corps et du langage, hache de guerre déterrée. Choquer, c’est réveiller. La porte est alors ouverte à l’éros. Au désir bridé répond l’urgence de la transgression : Helena va retrouver Fred (Christophe Lambert), Robin des Bois moderne dont les fourrés sont la jungle du métro. Il a la coiffure en pétard (révolutionnaire), peroxydée, ultrablonde : le rebelle est toujours du côté du trop, de l’excès. Avec lui, elle connaîtra le feu d’artifice des souterrains (les projections d’étincelle de la scie à la poésie simple) qui révèle son désir, la jouissance à venir. Mais il ne faut pas se méprendre : Fred incarne le plaisir parce qu’il est joie des marges, révolution du quotidien. Il est l’autre, le négatif au sens photographique. De même que pour lui, elle représente le fantasme de la bourgeoise à éduquer au plaisir. La Belle et la Bête version grunge.


« Délivre-moi, Tyler, d’être jamais parfait et complet »


Les bienséances nous forcent à construire un être idéal : celui qui serait parfaitement intégré (et révéré) par la société. Si cet idéal peut encourager l’accomplissement, il sait aussi se faire prison. L’individu souffre alors du décalage entre image projetée, attendue, et projections du désir. Comme le souligne Pierre Bourdieu dans La Distinction, l’appartenance sociale imprègne un style de vie, qui peut être carcan. Avec Fight Club, l’écrivain Chuck Palahniuk a stigmatisé les habitus qui nous contraignent à une image sociale. Le héros, parangon du type engoncé en costard-cravate, se révolte contre la norme. Elle a fini par faire de lui sa propre caricature. « Et je n’étais pas le seul de mon espèce à être esclave de mes instincts d’oiseau nicheur. Les gens que je connais qui s’installaient aux toilettes avec des revues porno, eh bien, aujourd’hui, ils s’installent aux toilettes en compagnie de leur catalogue de meubles Ikea. » Ce que le film de David Fincher reprend en écho, faisant dire à Ed Norton qu’au plus profond de sa misère sexuelle et morale, il se demandait : « Quel style de salle à manger me définit ? ».
Fight Club décortique les répercussions des diktats sociaux et moraux sur l’individu. Acculé à une image-modèle, il finit par souffrir d’inconsistance. La normalité s’avère alors monstrueuse : elle fait croire l’homme à une norme, à une stabilité, à un juste milieu. L’écart ou la différence sont vécus comme faute, discordance, erreur ou manquement : « Dans le monde de la vraie vie, je coordonne les campagnes de rappel, en chemise et cravate, assis dans le noir la bouche pleine de sang, et je m’occupe de faire passer les diapos et fonctionner le rétroprojecteur tandis que mon patron raconte à Microsoft comment il a choisi une nuance particulière de bleuet pâle pour son icône. » Le héros, pour compenser, crée alors son double fantasmé, Tyler, provocateur, violent, hyperviril, libre et amoral.


Le grand écart


Être assis dans la bienséance, c’est accepter les règles de la société, se soumettre à un ordre qui transcende la singularité. C’est se rallier à une forme policée. La bienséance est, dès lors, le partage d’un code moral et social dominant. Elle est une forme régulatrice, destinée à canaliser les pulsions et à stabiliser la société, pour endiguer le désordre. Ces codes n’ont sens que dans une culture donnée : d’où un relativisme qui fragilise leur légitimité. Les sexualités dites déviantes portent en leur qualification même leur nature hors pistes, hors tracé commun. Ce qui fonde leur exotisme. La vidéo de Nine Inch Nails, Help me I’m in hell, est à ce titre exemplaire. Un cadre, assis (ce n’est pas un hasard) à une table dans une cellule capitonnée (son quotidien), mange, imperturbable, un steak et boit, impassible, un verre de vin. Il est assailli par des escadrons de mouche, à l’assaut de son cadavre vivant. Le message est évident : la forme administrative et sociale tue la vie, canalise l’incanalisable : l’érotisme. Des flashs fantasmés trouent son quotidien : où on le découvre (dé)vêtu de l’arsenal SM : œillères, mors, gants et bas en vinyle et chaînettes.
Refuser la bienséance, c’est rejeter un discours médian, démagogique. Lorsque Régis Jauffret, dans Sévère, détourne en fiction la relation passionnelle du banquier Edouard Stern et de Cécile Brossard, il n’hésite pas à montrer que le refus de la bienséance passe par la proclamation du corps-objet. Contant les mœurs d’un antiquaire, l’héroïne dit : « Il organisait souvent des dîners en tête à tête avec lui dans son appartement décoré comme un paquebot. À cette occasion, il convoquait quelques filles à consommer après le café. Ce soir-là, nous étions quatre femmes alignées dans la cuisine devant les amuse-gueules et de grands verres de vodka. La cuisinière ne nous adressait pas la parole, trouvant sa fonction plus honorable que la nôtre. » La femme-objet — tout comme l’homme-objet — est scandaleuse, reléguée au consommable. Pourtant, c’est ce ravalement de sujet à objet qui la constitue en jouet du désir. Pour Georges Bataille, c’est là que réside l’érotisme : selon lui, les femmes ne sont pas « plus désirables » que les hommes, « mais elles se proposent au désir. Elles se proposent comme des objets au désir agressif des hommes. »


Miroir, ne me dis plus qui je suis…


La bienséance contraint le corps. Si elle régule les rapports humains en décidant des convenances, elle fige l’individu. Le regard social pèse et se fait l’étouffoir de la sexualité. L’image que l’on reflète repose déjà sur un mensonge : la stabilité de ce que nous sommes. Alors que le changement nous définit. « À se nier et se renier sans arrêt, notre esprit a perdu son centre, pour se disperser en attitudes, en métamorphoses aussi inutiles qu’inévitables », nous dit Cioran. Flaubert notait dans ses Mémoires d’un fou que « l’habit d’un arlequin n’est pas plus varié dans ses nuances que l’esprit humain ne l’est dans ses folies. » Alors, rien ne sert de faire croire au costume unique. Parfois, il suffit de traverser d’autres milieux pour prendre conscience de sa sexualité et réviser son intégration des bienséances. Ainsi, dans le film Preaching to the perverted (1997), Peter, un stagiaire officiant pour un député conservateur, infiltre pour le démanteler un club fétichiste londonien, The House of Thwax, dirigé par Tanya Cheex (l’icône lesbienne Guinevere Turner). Fasciné par les fantasmes librement véhiculés, il passe de censeur à pratiquant…
Le miroir se fait déformant, et ne renvoie plus l’unité. Ce que Montaigne résume en une phrase : « Plus je me hante et me connois, plus ma difformité m’estonne, moins je m’entens en moi. » Mais se connaître, c’est aussi avancer sur le terrain glissant, abyssal, du fantasme. Bertrand Ferrier rappelle que chez Georges Bataille, « le désir de l’autre est d’abord l’expression d’une aspiration à une altérité radicale. » Ce que met parfaitement en scène le vidéo-clip Closer (1994) de Nine Inch Nails, tourné sur d’anciens films des années 1920, au grain unique. Les paroles de la chanson portent traces de la renaissance cherchée à travers l’érotisme : « I broke apart my insides […] Help me get away from myself / I wanna fuck you like an animal / My whole existence is flawed / You get me closer to god. » (1) Dissolution, évasion, divinisation : la sainte trinité de la sexualité.


Erreur d’optique


Peut-être faut-il accepter de briser parfois le miroir, pour retrouver la souplesse du vivant. L’humain n’est pas strictement iconique. En ce sens, l’intégration rigide de la bienséance est frein à la personnalité. Si la bienséance est cependant rassurante, c’est que l’enquête sur soi peut creuser dangereusement son propre abîme, comme le relevait Marilyn Monroe : « J’essaie de me trouver en tant que personne. Des millions de gens vivent leur vie sans se trouver. Le seul moyen que j’aie trouvé finalement, c’est de m’éprouver moi-même en tant qu’actrice. » Mais où s’arrête le jeu de miroirs ? Prend-il seulement fin ? On sait combien la spécularité de la société peut être mortelle, ce regard valant caution. Le cas du « faux médecin mais vrai meurtrier » Jean-Claude Romand est extrême : il préféra tuer sa famille, ses parents et son chien, plutôt que d’avouer qu’il faisait semblant d’être médecin depuis près de vingt ans. Après les meurtres, il déclara : « Je suis débarrassé de mon image, je peux parler librement, me laisser aller aux émotions, évacuer des douleurs. » L’image que l’on a de soi sert de tuteur contre le morcellement de la personnalité. Il faut trouver la juste distance entre le morne ennui et la mise en danger. Rien de plus fluctuant que le tolérable au regard du collectif. Pour Michel Houellebecq, le malséant est l’âge : « La différence d’âge était le dernier tabou, l’ultime limite, d’autant plus forte qu’elle restait la dernière, et qu’elle avait remplacé toutes les autres. Dans le monde moderne on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d’être vieux. » Notre société jette sa disgrâce sur le fossé entre les âges : « cette liberté de mœurs si charmante, si fraîche et si séduisante chez les adolescents ne pouvait devenir chez moi que l’insistance répugnante d’un vieux cochon qui refuse de passer la main. » Thème qui nourrissait La Vieille qui marchait dans la mer de San-Antonio, où une vieille dame à canne s’entiche d’un jeune plagiste d’hôtel qu’elle finit par branler contre la caresse de quelques billets. Choquant, décrétera la société.
Pour Philippe Sollers, ce n’est pas les paraphilies qui vont le plus à l’encontre des bienséances, mais… le baiser orageux : « Une femme qui embrasse à fond un homme (ou une autre femme) s’embrasse elle-même et se situe d’emblée dans un hors-la-loi aristocratique. Rien n’est plus sérieux, vicieux, délicieux, incestueux, scandaleux. […] Un baiser orageux et soudain avec une femme par ailleurs insoupçonnable vaut mille fois mieux qu’un bourrage vaginal primaire ou une fellation programmée. […] Possible, mais, logiquement, en voie de disparition. C’est trop généreux, trop gratuit, trop enfantin, trop intime. Le baiser-cascade est en même temps un hommage hyperverbal : on embrasse le langage de l’autre, c’est-à-dire ce qui enveloppe son corps. » Alors, rien de plus subversif qu’un baiser ? À méditer, à gorge déployée…

[gris]Ingrid Astier[/gris]


[brun]Jeu concours : Et pour vous, quelle est la frontière du subversif ? La bienséance dicte-t-elle votre comportement sexuel ? Ou bien comment avez-vous franchi les barrières du prétendu savoir-vivre sexuel ? Tous vos récits sur ce sujet nous intéressent. Racontez-nous votre expérience ci-dessous. L’auteure de l’histoire la plus stupéfiante, intrigante, jouissive, bref, la plus étonnante recevra un Tickler Rebelle. Utilisez un pseudo pour nous parler librement, mais indiquez votre adresse mail dans le champs ci-dessous (qui ne s’affichera pas), afin que nous puissions contacter la gagnante. Le concours est terminé, rendez-vous sur notre nouveau dossier pour participer à un autre concours. [/brun]

À lire
Régis Jauffret, Sévère

Chuck Palahniuk, Fight club

Pierre Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement

Georges Bataille, L’Érotisme

Dictionnaire de la pornographie, sous la direction de Philippe Di Folco (article de Bertrand Ferrier « Beau/Laid »)

Michel Schneider, Marilyn dernières séances

Bernadette Sürig, Une psy à la prison de Fresnes

Michel Houellebecq, La possibilité d’une île

San-Antonio, La Vieille qui marchait dans la mer

Philippe Sollers, Une vie divine

À voir
Help me I’m in hell (album Broken), Nine Inch Nails, vidéo-clip réalisé par Eric Goode et Serge Becker

Closer, Nine Inch Nails, vidéo-clip réalisé par Mark Romanek
Fight club, film de David Fincher

Subway, film de Luc Besson

Preaching to the perverted, film de Stuart Urban

(1) « J’ai déchiré mes entrailles [...] Aide-moi à m’échapper de moi-même / Je veux te baiser comme un animal / Mon existence entière est défectueuse / Tu me rapproches de Dieu. »

Commentaires (7)

  • Victoire

    Les jeux avec l’urine m’ont longtemps semblé totalement indécents et puis mon dernier amant qui adorait cela a réussi à me convaincre d’envoyer valser mes préjugés. J’en garde d’autres, à quand le prochain amant qui fera tomber une nouvelle barrière ?

  • D

    C’est bien simple, la petite bourgeoise à déniaiser, c’était moi. Déjà, qu’on me parle de sexe, ça me choquait : "Je ne suis pas quelqu’un comme ça !" et je me renfermais, alors qu’une part de moi ressentait bien qu’il n’y avait là rien que de plus naturel...

    C’est en tombant sur un homme désinhibé, pour qui la sexualité est ce qu’il y a de plus simple au monde, que j’ai pu passer le cap. Non sans avoir peur qu’on me prenne pour ... une salope ? une putain ? bref, une pas une "femme bien" !! Les tabous ont la peau dure !

    Qu’il me lèche le sexe, qu’il me le caresse, ou qu’il approche un doigt de mon anus, au début chacun de ses gestes faisait résonner en moi cette phrase : "Non ! pas ça ! c’est sale !" et j’avais l’envie de me recroqueviller en boule. Juste qu’il me prenne dans ses bras et qu’on passe des nuits chastes, je ne voulais que ça.

    C’est grâce à sa douceur, sa bienveillance et sa persévérance que j’ai fini par céder.
    Il se blottissait tout contre moi, d’abord me câlinant presque amicalement. Ses doigts légers sur mon visage, sur mes bras... sa douce main flattant mon sein, puis l’autre, interminablement... les caressant de manière enivrante, faisant dresser mes tétons qui, contrairement à leur habitude, en redemandaient. Je crois que j’aurais pu jouir uniquement de ces attouchements-là, si entêtants !
    Avec eux montait l’envie que sa main descende, sans pour autant que j’ose la verbaliser. Mais il l’avait prémédité et, au moment idéal, sa main rejoignait mon bas-ventre et ses doigts frôlaient le tissus de ma culotte, très légèrement et longtemps, jusqu’à ce que mon sexe se soulève pour en demander plus, et alors il passait un doigt dessous, tout doux, très doux et il était ravi de percevoir l’effet qu’il me faisait, lorsqu’il découvrait mon sexe liquéfié. Sur ma peau brûlante, son contact était frais et grisant à la fois !
    Le rythme de nos respirations suivait l’avancement de ses explorations.
    Lorsque je me sentais devenir incandescente, j’enlevais ma culotte, je voulais recevoir des caresses plus engagées. C’était toujours avec beaucoup de tendresse qu’il prenait soin d’augmenter mon plaisir, encore et encore, de ses doigts, de sa langue, sur mon sexe ou en lui, sur mon anus ou en lui. Et quand j’en voulais "plus", son sexe rejoignait le mien dans une étreinte chaude et rythmée, nous amenant graduellement à un éblouissement des sens...
    Lorsqu’on s’est revus, nous avons décidé de découvrir ensemble de nouveaux plaisirs, il m’en avait convaincue. Il avait acquis quelques sextoys sur lesquels nous étions tombés d’accord et les quelques jours passés ensemble ont été du pur plaisir !
    Oui, j’ai cédé au plaisir, à l’impudeur, à l’indécence et à l’inconvenance qu’il me proposait et qui m’apportait tant de délicieuses sensations !
    Je ne sais pas si je saurai garder ce qu’il m’a apporté, mais c’est mon plus grand désir à présent.

    Rien de bien subversif, dans mon histoire. Mais lorsque la bienséance exclut le sexe, le moindre sexe est "malséant".

  • C.

    Cette nuit, encore, encore et encore du plaisir.

    Quelles parties de mon corps ses mains ont exploré ? De quel façon je me suis déshabillée ? Est-ce que j’ai pris son sexe dans ma bouche ?
    Est-ce que mes doigts m’ont aussi donné du plaisir ?
    Certainement, si je décrivais chaque détails, si je disais ici de quelle façon nos corps se mélangent, de quelle manière nous arrivons "techniquement" au plaisir, vous ne pourriez mesurer la jouissance qui en découle.

    La question n’est pas là.

    Je connais bien mon corps.
    Mais je dirait que les hommes qui m’ont connus jusqu’à aujourd’hui, finalement ne me connaissent pas.
    Trop rangés, trop peureux de sortir des sentiers battus, ils n’ont pas eu le plaisir de me voir me libéré.
    Les rapports sexuels sont intéressants, excitants, nécessaires, orgasmique, mais il y a un mais.
    On se retient, on a peur d’être jugé, on ne veut pas choquer, on ne veut pas être seul. On s’y fait.
    On vit des moments agréables, on s’explore, on se cherche, on fait parfois un extra dans une cage d’escalier, ou teste un sex toy à télécommande, mais on se limite quand même.
    On ne sait jamais.
    L’homme à marier : le gendre idéal, un bon collègue, un ami fidèle, ... il est ce que l’on attend de lui.
    Et si on allait trop loin ? Et si la première personne qui allait le juger était lui-même ?
    Et si il découvrait un plaisir latent, qu’allait-il en faire ?
    Mieux vaut ne pas voir trop loin.
    Conventionnel.

    Puis un jour, une rencontre.
    Moi, d’aspect très conventionnel, j’aime la rigueur, et diriger aussi. Un peu.
    Mon allure stricte, mon air de Sainte Ni Touche, j’aime ce personnage.
    Il passe bien.
    Lui, anticonformiste, explorateur, curieux, libre.
    Carpe Diem.
    De l’extérieur, tout nous sépare.

    Sexuellement, la rencontre.
    Enfin.
    Celle qui me fait explorer des terrains inconnus. Celle qui me laisse aller à mes pulsions. Celle qui est telle que quand j’éjacule, ça ne se tari plus, je peux totalement contrôler ce don magique et l’en faire profiter jusqu’à noyer son visage et son corps de mon fluide.
    Je m’exhibe devant lui. Je suis à l’aise. J’ai l’impression de faire l’amour avec moi-même. Quand je prend son sexe dans ma bouche, je le suce comme si c’était le mien que je voulais exciter.

    Le plus fort.
    C’est quand mon esprit de détache de mon corps. Au moment ou je me laisse aller totalement et que j’inonde tout son corps avec force et abondance, j’aime à regarder la scène avec fierté. Prendre du recul sur ce qui est en train de se passer. Penser que moi, je suis capable de me laisser aller ainsi. Grâce à lui.

    Ce n’est pas une question de technique, de doigter.
    C’est une question d’ouverture d’esprit.
    Il ne me juge pas. Il se sent aussi à l’aise.
    Nous nous sommes trouvés.
    Grâce à lui je m’aime encore plus.
    Car il n’est pas question de bonne mœurs, mais de vivre, simplement.

    Mes projets ?
    Faire l’amour en club, prendre des cours de strip tease ( peut être pour un jour monter sur scène), coucher avec une fille, être filmée,...
    Ce que j’ai toujours voulu. Mes envies, mes fantasmes, mis de coté jusqu’à aujourd’hui car dictée par ce que l’on doit être, entourée par des hommes qui sont et font ce qui est raisonnable, ce qui est dicté, ce qui est acceptable aux yeux des autres.

    Avec lui, c’est possible aujourd’hui.

    A suivre.

  • Mylène

    La première fois que je brisais les règles de la bienséance sexuelle, ce fut aussi ma première fois. On attend de nous d’être amoureuse, de respecter un certain délai avant de passer à l’acte, si possible d’avoir un joli cadre, empreint de romantisme. Pour moi, ça ne s’est pas passé comme ça.

    J’avais 15 ans, je devais prendre le métro pour faire le changement entre Montparnasse et gare du Nord. C’était un jour de grève ou il y avait eut un accident. Sur le quai de la station, j’avais repéré un homme, grand, ni beau, ni laid, qui lisait une littérature anti-papiste. Cela m’avait agacé. Quand le train est enfin arrivé et que nous étions tous entrés, nos corps se collaient les uns aux autres. Je prenais mon mal en patience.

    Et tout à coup, je sentis une pression au niveau de mon entre jambe. Une main invisible me caressait et aussitôt mon sexe se mouilla. Voilà, l’instant que j’attendais depuis que j’avais découvert mon clitoris, était enfin arrivé. J’allais faire l’amour. Je cherchais désespérément l’auteur de mon plaisir : c’était l’homme aux lectures anti-cléricales. Je décidais de lui rendre la pareille, et plus je voyais son désir brillait dans ses yeux sans que personne d’autre ne s’en doutât, plus le mien était violent.

    Quand j’arrivai à la gare, j’avais raté mon train. Tout se combinait pour que je le suive. Une demie heure après, aux mépris de la sécurité la plus élémentaire, je me retrouvai dans son garage, en banlieue, sur le capot de sa Porsche. Ce ne fut ni bien, ni mal.

    Mais malgré tout, j’avais des restes de mon éducation de petite bourgeoise : je refusais de l’embrasser. Je voulais garder ça pour le garçon que j’aimerais. Finalement, les normes de la bienséance ne sont pas forcément là où on le croit.

  • Fred B.

    J’avais un bel amant aux Etats-Unis qui avait un point de vue assez basique de la sexualité (faire l’amour revient pour lui à se faire sucer et à pénétrer sans trop d’imagination, guère plus), bien qu’il se soit toujours considéré comme un maître en la matière, grâce à la taille de son sexe. Sorti de là, le reste appelait à des commentaires consternants "oh my god" ou des "you must be kidding, you naughty girl".
    Du coup, j’aimais bien le bousculer un peu dans ses idées reçues.
    Je lui lisais au téléphone des passages de "Sexus" de H. Miller, en lui demandant de me prendre selon les indications d’Henry. Dès qu’il s’habituait et prenait goût à un nouveau vocabulaire, des nouvelles pratiques, j’augmentais la dose, je passais à de la littérature plus sophistiquée, je l’emmenais dans des clubs échangistes et SM, etc.
    Il s’était ouvert comme une huître et y prenait goût.
    Je l’ai recroisé dix ans plus tard : l’huître s’était refermée, le menu était redevenu standard, sous prétexte de fonder une famille. Pourtant il avait presque une larme au coin de l’oeil en y repensant. Too bad pour lui.

  • Oriane

    J’ai perdu ma virginité avec un homme marié. Cette relation a complètement chamboulé mon rapport à la fidélité. Avant ce jour, pour moi, les couples fidèles duraient, les infidèles se cassaient la gueule avec fracas. C’était ma valeur absolue ! Il m’a fallu pas mal de recul pour le comprendre mais finalement, aujourd’hui je sais faire différence entre infidélité du corps et du coeur ... Je ne m’interdit pas de désirer un autre homme que le mien, mais je n’en aimerai pas d’autres.

  • La rédaction

    La gagnante de la semaine est D, son histoire d’ancienne "petite bourgeoise à déniaiser" a fait mouche. Bravo à D qui gagne donc un Tickler Rebelle.