Prendre son pied chaussé
Le 16/02/2018
La chaussure a toute sa place dans le rapport sexuel. Elle tient un discours au moins aussi éloquent que les mots. La chaussure plate et confortable, la basket et l’escarpin vertigineux ne racontent pas la même chose d’une personne et n’ont pas les mêmes effets sur les regardants et les regardés.
Pour Freud, père de la psychanalyse, la chaussure est le symbole du sexe féminin tandis que le pied a une signification phallique. L’un pénètre, l’autre est pénétré, d’où son pouvoir érotique. Pour lui, le principe du fétiche tient sa source dans le pénis et le besoin de détourner le complexe d’Oedipe dans un objet de transition. Au XVIIè siècle, le nom des chaussures étaient d’ailleurs sans équivoque (le « venez-y voir » par exemple), tandis que le talon était renommé « échasse sensuelle » ou « filtre d’amour ». Selon des psychologues évolutionnistes, avant même l’invention de la chaussure, les hommes préféraient les petits pieds et cette sélection répétée au fil des siècles suffirait à expliquer pourquoi les pieds des femmes sont plus petits que ceux des hommes. Aujourd’hui, il reste l’idée qu’on prend son pied ...
L’écrivain et philosophe suisse Alain de Botton rappelle dans un ouvrage récent, How to Think More about sex (comment penser plus au sexe), que nous sommes tous plus ou moins fétichistes, de toutes sortes de façons, sans aller nécessairement jusqu’aux extrêmes. 230 types de fétichismes, incluant a la podophilie (amour des pieds), la stigmatophobie (tatouages et piercing) ou la thilpsosis (amour d’être pincé) avaient été recensés à la fin du XIXe siècle et la liste n’a fait que s’allonger depuis. Ils permettent, à ceux et celles qui en ressentent le besoin, d’arriver plus facilement à l’orgasme en rappelant des aspects désirables de la nature humaine. "L’origine précise de nos enthousiasmes est peut-être obscure, mais ils remontent presque toujours à la petite enfance : nous sommes attirés par des choses précises soit parce qu’elles nous rappellent les qualités d’un parent aimé, ou inversement pour nous aider à échapper à des souvenirs d’humiliations terribles ou de terreurs". Ils sont la voie royale vers l’inconscient et emblématiques du bon.
Il n’est pas dit ici qu’il faudra dorénavant se concentrer sur les pieds des partenaires sexuels en oubliant le reste, ni de se lancer dans un langage non-verbal hasardeux, du type "je mets de vieilles pantoufles avachies pour te dire que je n’ai pas envie de faire l’amour", ou au contraire de se forcer à porter des talons de 15 centimètres pour exprimer son envie. Il n’est pas dit non plus que des femmes qui ne portent pas de talons ont une libido moins puissante que d’autres, ni même qu’un homme en derbys ou Richelieu lustrées a plus de testostérone qu’un homme en baskets fatiguées. Mais c’est un des multiples langages non-verbaux qui racontent disponibilités et envies ...