Le porno a-t-il des bienfaits ?

Le 03/09/2022

Que savons-nous réellement de l’impact de la pornographie sur la société ? Très peu, à en croire le professeur Alan McKee, chercheur à l’université de Sydney, qui s’est associé à trois autres chercheurs pour étudier cinquante ans d’articles universitaires sur le sujet et qui a récemment publié ses résultats dans un livre paru en juin dernier : " Que savons-nous des effets de la pornographie après cinquante ans d’études ? "
Tout à déjà été dit sur de potentiels effets néfastes, comme les problèmes de santé mentale, les comportements à risque, la violence, le sexisme ou encore l’objectivation sexuelle, mais ce qui a réellement retenu l’attention de l’équipe, en examinant l’énorme corpus de travaux, c’est que l’ensemble de la recherche sur la pornographie est surtout contradictoire, incomplète et régulièrement biaisée.
McKee prend l’exemple des femmes, où il trouve autant d’études concluant à des effets néfastes (avilissement, violence...), que d’autres soulignant son rôle important dans leur libération sexuelle. Clairement, certains universitaires se sont focalisés sur les aspects dégradants de la pornographie pour les femmes sans regarder les impacts positifs, tandis que d’autres ont uniquement noté une évolution vers un porno "éthique", directement issu du porno féministe et à présent passé dans l’industrie traditionnelle, capable de mettre l’accent sur le plaisir des femmes tout autant que sur celui des hommes.
Par ailleurs, il note que les effets bénéfiques dépassent le cadre du genre : on montre à présent toutes sortes de morphologies, toutes sortes de sexualités, les queers sont inclus dans l’éventail de propositions et Internet a permis à de nombreuses stars du porno de ne plus dépendre des patrons de cette industrie en travaillant à leur compte. Le porno s’est aussi largement diversifié : "Ce n’était pas le cas dans le passé, [et] beaucoup de recherches universitaires n’en tiennent pas compte." déclare McKee dans une interview au quotidien anglais The Guardian.
L’autre sujet abordé dans la plupart des études sur les effets néfastes de la pornographie, portent sur l’accès des enfants à celle-ci. Or, McKee a constaté que les recherches avaient un point commun : elles considéraient tout jeune de moins de 18 ans comme un enfant et ne faisaient pas de distinguo entre un jeune enfant involontairement exposé à des contenus porno et un adolescent qui sciemment fait une recherche pour se tenir informé. "Il y a une grande différence entre un enfant de trois ans et un jeune de 18 ans, et le tournant est la puberté", dit-il. "Nous émettons l’hypothèse que les jeunes, lorsqu’ils atteignent la puberté, pourraient aller chercher en ligne parce que ni leurs parents ni les écoles ne leur disent ce qu’ils veulent savoir (...) Vous ne voulez pas que la pornographie soit la seule source d’information de votre enfant sur le sexe (...) Non pas parce qu’elle est nuisible en soi, mais il y a des choses qu’elle fait bien et des choses qu’elle ne fait pas. Et ce qu’elle ne fait pas bien, c’est parler de consentement." Mais la pornographie n’est pas un manuel d’éducation sexuelle, elle est à pour divertir et ouvrir les horizons, note-t-il, "les personnes qui consomment de la pornographie ont également tendance à être plus aventureuses sexuellement".
McKee signale également que la plupart des études partent du principe que les couples hétérosexuels monogames ayant des relations sexuelles sans lendemain sont la norme, sans chercher à comprendre l’effet du porno sur la compréhension du consentement ou du plaisir, ou encore l’aspect fictionnel, comme au cinéma. McKee évoque également le "fossé de l’orgasme", soulignant à quel point nos valeurs par défaut sont sexuées. Les recherches montrent que les hommes, indifféremment de leur type de sexualité, atteignent l’orgasme dans 85 % de leurs rapports sexuels. Pour les femmes ayant des relations sexuelles avec d’autres femmes, c’est 75 % du temps, alors que lorsqu’elles ont des rapports sexuels avec des hommes, ce pourcentage tombe à 63 %.
Le chercheur considère que la vraie question à présent est l’éducation sexuelle et ce qu’il est possible de faire pour faire pour aider les jeunes à mieux comprendre quels usages faire du porno, comment cesser de l’utiliser comme un manuel d’éducation sexuelle et faire comprendre les notions essentielles de consentement, de plaisir, de respect et d’égalité. Pour lui, la meilleure façon de procéder pour résoudre simultanément tous ces problèmes est simple : "Démolissez le patriarcat," dit-il.
On y travaille et les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’impliquer ou consommer du porno féminin, mais longue est la route ...

"What Do We Know About the Effects of Pornography after Fifty Years of Academic Research" de Alain McKee.
ISBN 9781032140315
Publié en juin 2022
Editions Routledge
120 Pages
Non traduit en français.

© photo : "Peep Show Hero" film de Helena Noguerra, tiré de la série X-Femmes, initiée et co-produite par SecondSexe.com.