La politique du désir féminin
Le 04/04/2019
Le désir et le plaisir des femmes - autres que marchandisés - sont absents des sphères politiques, médiatiques et par conséquent trouvent difficilement leur place dans la sphère privée. Or ils sont essentiels à l’empowerment des femmes.
Toutes les études montrent que le plaisir sexuel est primordial dans l’estime de soi et la satisfaction qu’il apporte a un impact profond sur le bien-être physique et moral. La chose est naturelle, vitale et essentielle à la santé et l’équilibre des humains, indistictement du genre.
Quel que puisse être le degré de pudibonderie de nos sociétés actuelles, on laisse toujours une place naturelle à la sexualité masculine : on peut plaisanter de la masturbation masculine à la télévision, au cinéma. La masturbation féminine dérange encore, les femmes comme les hommes. Lorsqu’elle est abordée, c’est en général à travers les sextoys, simulacres qui perpétuent l’idée de la pénétration comme point central de la sexualité. De cette façon, les multiples zones érogènes du corps de la femme sont contraintes et nulle part peuvent-elles trouver comment se connaitre, comment s’aimer dans tous les sens du terme. Ce ne sont pas les médias féminins qui facilitent la chose, surfant d’injonctions en injonctions.
Au collège, on limite l’enseignement à la fonction reproductive, aux risques de maladie, et les organes génitaux de la femme sont décrits de manière souvent incomplète : le clitoris vient à peine de ré-intégrer les manuels scolaires. En 4e, seules 49% des adolescentes ont connaissance de cet organe, 14% seulement savent qu’il a une fonction érogène et 10% pensent ne pas en avoir ! Comme les adultes, elles ne savent pas dessiner leur vulve, comme les adultes elle sont peu à connaitre et utiliser le mot. Les gynécologues qui, pour la plupart, se soucient essentiellement de la partie reproductive des organes génitaux n’en pipent mot (combien de gynécologues questionnent leurs patientes sur leur plaisir et leurs orgasmes ?). La science consacre peu d’argent à la recherche sur la sexualité féminine et conteste des sujets controversés comme l’existence de l’éjaculation féminine.
Résultat ? Nombreuses sont les femmes qui connaissent mieux l’appareil génital de l’homme et savent mieux comment le satisfaire que se satisfaire.
C’est encore et toujours une forme d’asservissement. Maintenir les femmes dans l’ignorance de leur propre corps, fragmenter et disséquer certains organes sexuels en fonction des marronniers que dictent les comptes Instagram féministes comme le faisaient avant eux les médias classiques*, leur refuser l’accès à leur toute puissance sexuelle qui est avant tout cérébrale, c’est une façon comme une autre de les infantiliser, de les maintenir sous contrôle.
Or, l’égalité entre les genres passe en grande partie par la sexualité.
Dans le " dictionnaire intime des femmes ", Laure Adler écrit :"Quand, dans l’inconscient collectif, les hommes n’auront plus le monopole du désir, alors on pourra parler d’égalité de droits. Mais cela passe par la sexualité. Et donc, d’abord par l’image intérieure du corps des femmes". Sans cela, des institutions culturelles au porno, en passant par le cinéma ou la publicité, tout va continuer à maintenir des stéréotypes de genres, à prôner le désir masculin comme une nécessité, au centre de l’attention, et comme au cinéma, les femmes resteront assujetties au rôle de séductrices et tenues à l’écart d’une réalité pourtant si simple : elles désirent.
Imposer des changements dans les sphères politiques et médiatiques ne passe pas tant par des cris de révolte que par la construction de nouvelles images. Pour s’affranchir de cette sujétion, c’est aux femmes d’exposer leurs désirs partout dans la sphère publique, pour que petit à petit se distille l’idée que nous nous désirons l’un et l’autre à part égales.
Et nul doute que les hommes y trouveront autant de nombreux bénéfices que les femmes ...
* Il y a des avantages incontestables à ce que ces comptes, sur les réseaux sociaux, mettent en avant des aspects peu discutés de la sexualité féminine. Avec comme revers la fragmentation du corps et l’absence de notion du fonctionnement global des individus, à savoir une interdépendance entre le corps et l’esprit. C’est le cerveau qui est le premier organe sexuel, dans une parfaite équité avec les hommes.