La ponygirl ou comment ménager sa monture...
Le 21/04/2009
Si vous nourrissez un goût fétichiste pour le cuir, que vous collectionnez les cravaches, aimez les ballades au grand air et les jeux de rôles sportifs, et si domination et soumission sont les mots clef de votre sexualité, alors chaussez vos bottes cavalières et coiffez votre queue de cheval, vous avez peut-être l’étoffe d’une ponygirl…
Equus eroticus
Se transformer en ponygirl, c’est pratiquer l’equus eroticus, jeu sexuel à mi-chemin entre le bondage, le SM et la pantomime équestre. Les ponygirls ne montent pas à cheval, elles se transforment au contraire littéralement en montures, pour leur plaisir et celui de leur maître dresseur. A l’abri des regards, en pleine nature, des couples nommés attelages humains, se livrent ainsi à des séances de dressage et de promenade, ponctuées par des récompenses et des punitions administrées avec une plus ou moins forte connotation sexuelle. Cette pratique à première vue déroutante est pourtant la réalisation (au sens dramaturgique) d’un fantasme de domination assez classique, qui a la particularité d’être excessivement sophistiquée et codifiée, faisant ainsi le bonheur des fétichistes et des amateurs de SM. « Avec le goût croissant pour le fétichisme et le BDSM depuis 15 ans, les ponygirls, dites « femmes cavales » en français, sont de nouveau à la mode » confirme Christophe Bier historien de la pornographie, qui nous apprend qu’Aristote se délectait déjà à la vue de jeunes esclaves éperonnées tels des pur-sang. Depuis, bien d’autres amateurs ont pérennisé cette singulière occupation dominicale, dont l’érotisme puise dans cette Nature qui est à la fois le décor de ces jeux de rôle et le siège de la sauvagerie farouche de ces animaux qu’il s’agit de dompter… C’est dans cet environnement, cette terre qui répand ses odeurs salées d’humus, d’écurie et d’effort, qu’entrent en action ces femmes irréelles, ces créatures dont le corps écumant se confond avec la silhouette musculeuse de l’animal. Red Buttock, « la ponygirl en corset » telle qu’elle se présente, nous confie qu’elle devient « vraiment une autre. Je ne suis plus une femme, je suis un animal. Ce n’est pas du déguisement, mais une totale transformation, physique et mentale. » Le dessinateur Antoine Marquis éprouve la même fascination mais n’a jamais rencontré une de ces ponygirls qui sont les héroïnes privilégiées de son art. « C’est un sujet très "pictogénique", qui implique des valeurs ambivalentes : c’est en effet un sujet est à la fois doux et cruel ; charmant et monstrueux ; délicat et violent ; raffiné et archaïque ; pas sérieux et triste. Et puis le décor, le haras, est à la fois rassurant, sympathique et inquiétant. »
Amours chevalines
Les origines de cette paraphilie sont diverses. Géographiquement, elles se fixeraient dans les terres anglo-saxonnes, tant propices à l’hippisme qu’aux « sexualités différentes » comme les nomme Agnès Giard. Historiquement, la ponygirl est héritière d’un imaginaire mythologique qui remonte à notre attachement atavique avec l’animal cheval, dont témoignent nos premiers jeux sur le mode « hue ! dada ». Le goût des attelages humains va chercher aussi loin que cette ancestrale et féconde fantasmagorie au centre de laquelle le cheval incarne « la plus noble conquête de l’homme ». Ainsi à l’instar du centaure, du sagittaire et de l’amazone, Athéna, déesse de la guerre dans la mythologie grecque, est parfois associée à un cheval. Un de ses noms est d’ailleurs "Hippia", ou "femme-cheval", car elle enseigna aux mortels comment domestiquer le cheval. Cependant l’equus eroticus (qui n’a rien à vois avec la zoophilie on l’aura compris…) va au-delà du pur anthropomorphisme. Cette paraphilie joue à la fois sur l’esthétique hippique, mimant le corps, se réappropriant la gestuelle et l’équipement du destrier, et sur la relation de soumission-domination qui unit le cheval et son dresseur, son jockey ou son cocher. Précisons que les attelages humains peuvent être conduits autant par des femmes que par des hommes. Mais le ponyboy est moins représenté, question d’esthétique peut-être, comme le déplore Christophe Bier : « L’homme dominé est l’enfant pauvre de la littérature SM. » En tout cas, il faut plonger dans les années 1930, l’âge d’or de cette bibliothèque fétichiste, pour obtenir les règles d’un art qui en effet, fait honneur aux femmes cavales.
Littérature turfiste
Dolorès Amazone, Ecurie humaine, Servitude, La Reine cravache, Dressage… autant de titres nés sous la plume d’écrivains et illustrateurs britanniques comme Eneg (Gene Bilbrew) ou John Willie, ou français usant de pseudonymes anglophones, tels Jim Galding, Alan Mc Clyde ou J. Van Styk. Aujourd’hui la plus célèbre des ponygirls est sans doute Gwendoline. D’abord héroïne de la bande dessinée de John Willie, père spirituel du bondage dans les années 50, la jolie blonde surgit sur les écrans de cinéma en 1984, grâce à une adaptation de Just Jaeckin, réalisateur d’Emmanuelle. C’est en faisant des recherches pour son film qu’il découvre des planches de dessin représentant une course de chars humains que Jaeckin a l’idée de mettre en scène des pony girls dans le royaume souterrain de Yik-Yak, une cité féminine interdite dirigée par une reine (B. Lafont). « Ce char tiré par trois filles nues menait subitement vers le fantastique. C’est ce climat qui m’a fait accepter de tourner Gwendoline » raconte Jaeckin. La scène de la course menée par des amazones emplumées donne une bonne idée du matériel et des costumes indispensables aux attelages humains.
Hermès rayon fétichisme
Être ou avoir une ponygirl nécessite de fait certains investissements. Maitresse Monozuki le dit clairement : « On côtoie l’aristocratie du SM et même l’aristocratie tout court. Il faut un château, mais un manoir peut aussi faire l’affaire, des écuries, des terres. » Et puis il y a l’harnachement, « le moment que je préfère, avoue Red Buttock, le déclenchement du fantasme, le début de l’évasion. » L’équipement de base comprend, des pieds à la tête : Des botte équipées de sabots. Une selle ou un corset agrémenté de sangles qui auront soin d’encercler seins, fesses et pubis de manière aussi suggestive que contraignante. Mais la selle ne sert pas toujours, car on ne monte (et le langage a ses vertus…) que rarement une ponygirl. Une queue de cheval, forcément. On choisira soit un modèle de plug anal terminé par une longue crinière, soit une postiche que l’on fixe au corset. Enfin, le harnais de tête auquel se fixe le mords, qui vient se loger entre les dents, permettant de guider la ponygirl et interdisant physiquement la parole. Un seul mot prononcé constitue une faute grave. L’autre intérêt du mors est de faire abondamment saliver, humiliation particulièrement appréciée des soumises et des maîtres. Enfin, la ponygirl est prête.
Concours complet
Ne peuvent se réclamer de la vraie famille des femmes cavales les ponygirls en appartement. C’est à l’air libre, frissonnant et suant à ciel ouvert, que l’on atteint le sommet de cet art, où la domination se mêle à l’exhibition. Hormis le harnais, le corps de la ponygirl est toujours nu, offert à la vue et à la main qui récompense ou punit. Assis dans le sulky, le maître quant à lui est un voyeur actif, fier de son équidé et du joug qu’il exerce. Son autorité est indiscutable, alors parfois le fouet claque et mord la chair de l’indocile. Red Buttock avoue parfois « faire la rebelle exprès, pour être punie mais aussi pour inverser le pouvoir. » Stan nous fait remarquer que « les gestes ne doivent pas avoir de connotation sexuelle ou, en tous les cas, cela ne doit pas se voir, se ressentir. Les gestes doivent être agréables, mais fermes. Si je passe ma main sur la croupe de la ponygirl, c’est pour la flatter. Si je la passe sur son pubis, c’est pour vérifier qu’il est lisse ou qu’une courroie n’est pas de travers ou peut la gêner. D’ailleurs en Angleterre dans les clubs, on laisse en général ce genre d’opération à la discrétion de quelques grooms et palefreniers, souvent passionnés, qui traitent ma ponygirl comme ils auraient traité une jument au paddock avant de la monter. »
Qui ménage sa monture…
« La relation entre la jument et son maître est basée sur la confiance, souligne Julie, ponygirl en privé. Entravée et réduite au silence, la femme cavale doit se sentir en sécurité pour obéir sereinement. » Obéir c’est à dire ramper à quatre pattes, les reins cambrés, la taille creusée et la croupe offerte à l’œil et à la main du maître ; tendre tous ses muscles dans un formidable élan, et mettre en branle cette voiture, transpirer, souffler et baver… d’effort et mais encore d’excitation. Pour ces femmes qui, des heures durant, sont en position de soumission, seins, fesses et sexe en parade, orifices prisonniers et disponibles, la moindre pression sur les rênes circulant à travers le réseau de cuir du savant harnachement, transforme chaque mouvement en aiguillon de désir. Pourtant, précise Stan, « les relations sexuelles ne sont jamais totalement exclues, mais elles ne constituent, en aucun cas, un préalable ou une condition pour une rencontre. (…) A partir du moment où le jeu commence, les femmes sont des ponygirls. Entre hommes, nous parlons d’elles en décrivant leur anatomie avec des mots tels que croupe, gueule, mamelles, panse, etc. Je ne vois aucun inconvénient à ce que Red Buttock soit déshabillée par un étranger. Il peut lui flatter la croupe, le haut des cuisses, palper ses mamelles… », mais cela s’arrêtera là. Red Buttock précise que l’échangisme ne les intéresse pas, mais plutôt la rencontre d’autres « puristes » passionnés par cette pratique qui demeure somme toute occasionnelle. « On a une sexualité de gens normaux le reste du temps ! » Ainsi le sexe au sein de l’equus eroticus est l’aboutissement du jeu, l’acmé du drame. Car il s‘agit avant tout d’une sexualité mise en scène, d’une forme d’exhibitionnisme très stylisée. Les ponygirls semblent précisément éprouver une fierté liée à leur corps, mais aussi à leur performance physique, qui en font une catégorie de soumises à part. Elles se sentent de fait moins esclaves qu’animales, entretenant un rapport mystérieusement complice avec leur partenaire. « Je trouve cela très esthétique, très gracieux » ajoute Red Buttock qui rêve de canyons et de traineaux dans la toundra enneigée pour parfaire le tableau. Elle aimerait faire partager sa passion au plus grand nombre, et trouver d’autres ponygirls pour composer un attelage multiple.
Pour un casting de choix ou des débuts simplifiés, on serait assez avisé d’aller en Angleterre ou aux Etats-Unis. Ces cordiales terres d’accueil pour ponygirls semblent en effet davantage fertiles aux jardins secrets fantaisistes que la France, où le sentiment du ridicule prend souvent le pas sur la curiosité… Cependant si certains adeptes de l’attelage humain se prennent très au sérieux, rien n’empêche quiconque d’expérimenter cette pratique avec le recul du second degré, dans le but ludique de varier les plaisirs de soumission ou de domination. A défaut de brider nos fantasmes, prenons la bride ! Mais Red Buttock nous prévient : attention avec la ponygirl, « l’essayer c’est l’adopter. »
Aurélie Galois
Note :
Site de Red Buttock : http://red.buttock.free.fr
A lire : L’Homme qui hennissait, de Leon Despair (Edition Contrainte chez Media Mille).
Commentaires (3)
Incroyable !
This info is the cat’s pjaaams !
se servir d’un homme pour faire une poney girl m’intéresserais grandement. Être placé dans un box où il aurait d’autres femme poney girl m’exiterais davantage...