Démonstration de l’amour par l’érection
Le 01/01/2014
On a appris aux femmes à concevoir l’amour de façon désincarnée, entre attentions délicates et mots d’amour. Depuis des siècles, cette scission culturelle entre des manières masculines et féminines de concevoir l’amour ont entraîné nombre désaccords au sein des couples qui ne sont rien d’autre qu’une incompréhension entre deux langages : ceux des mots et ceux du corps. Si on adresse souvent la question de comment les femmes conçoivent l’amour et ce qu’elles en attendent, on parle moins de la façon dont les hommes l’expriment, justement parce qu’elle est moins verbale.
Pour Esther Perel - thérapeute américaine et auteur de nombreux livres sur la sexualité - pour les hommes, le rapport amoureux s’inscrit d’abord dans le rapport sexuel, avec la crainte lancinante d’être blessés, rejetés, de ne pas être assez performants, de ne pas savoir honorer le désir. Pour cette thérapeute, un homme qui a le sentiment d’être sexuellement rejeté se sent aussi fragile qu’un bébé qui crie pour être pris dans les bras. Il est, pour elle, « en carence affective ».
Car l’amour chez les hommes se dit peu, il se fait.
Pour Justin Lehmiller, spécialiste en psychologie sociale à l’université de Harvard, les émotions chez certains hommes se traduisent de façon presque mécanique par l’envie de faire l’amour à leur partenaire. Il faut ajouter à cela un facteur biologique : le contact physique augmente les niveaux d’ocytocine dans le cerveau chez les hommes comme chez femmes. Au moment de l’orgasme, le cerveau libère à la fois de l’ocytocine et de la vasopressine, qui sont les hormones de l’attachement. Chez les hommes, plus ils ont d’orgasmes, plus le niveau de testostérone augmente, mieux ils se sentent. Selon Helen Fisher, chercheuse en anthropologie à l’Université de Rutgers, interviewée dans le Wall Street Journal, qui consacrait récemment un article au sujet, "Privez-les de sexe et vous les priverez aussi des stimulants chimiques qui leur procurent leur bien-être."
Nous ajoutons que l’érection elle-même est un signe de bien-être chez eux. Si l’on se souvient que l’érection commence d’abord dans le cerveau (ce dernier envoie un message chimique aux nerfs du pénis qui se détendent et laissent le sang circuler librement, vient ensuite une pression qui trappe le sang dans le corps caverneux), on comprendra mieux pourquoi les hommes peuvent également avoir des érections à des moments inattendus qui n’ont a priori rien de sexuel, comme lorsqu’ils ont une très grande satisfaction professionnelle par exemple. On sait que les rois qui rentraient victorieux de batailles aimaient se livrer aussitôt à la bagatelle, on sait moins que les hommes sont également sujet à l’érection lorsqu’ils remportent de belles victoires professionnelles.
L’érection de l’homme est le signe de bonne santé physique et psychique et c’est d’ailleurs par ce symbole que les Anciens (les Grecs, les Romains, les Egyptiens …) affichaient bonne santé et prospérité dans les villes. C’est un peu ce que disent encore les courses architecturales aux plus grandes tours dans le monde moderne.
Si, et c’est fort heureux, la femme occidentale à cessé depuis longtemps de se soumettre au désir de l’homme en faisant abstraction du sien, il est parfois bon de se souvenir que le mode de communication masculin et ses démonstrations affectives passent par les actes, et que les mots d’amour ne sont pas pour eux une preuve affective suffisante ou convaincante, car trop aérienne sans doute.
La démonstration se fait dans l’action.
© Photo : Sculptures de Sarah Lucas / Courtesy Whitechapel Gallery, Londres.