Les salopes sont en marche !

Le 13/06/2011

Depuis le mois d’avril, partout dans le monde, les salopes sont en marche.
Car les salopes en ont marre. Et elles entendent le faire savoir.
Tout a commencé le 24 janvier, au Canada. Après une série d’agressions sur un campus, un policier de Toronto s’exprime devant un parterre d’étudiantes venues entendre ses conseils. L’homme est là pour les mettre en garde.
C’est un expert qui prétend en savoir long sur les violences sexuelles. Et comme il a réfléchi longtemps sur le sujet et qu’il se veut pédagogue, il n’est pas avare de formules bien frappées. « Si vous ne vous voulez pas vous faire violer, ne vous habillez pas comme des salopes ! » leur assène-t-il.
Évidemment, parmi les auditrices présentes dans la salle, beaucoup s’indignent de ce cliché. Encore une fois on leur fait le coup de la victime coupable ! De l’allumeuse punie par où elle a péché ! Du violeur redresseur de vertu !
Deux mois plus tard, trois mille d’entre elles décident de défiler dans les rues de la ville. Et comme souvent dans ces cas-là elles reprennent à leur compte le qualificatif injurieux dont on les affuble. Puisque les moralisateurs appellent « salope » toute femme qui s’habille sexy, elles revendiquent ce terme. Vêtues le plus court possible les voilà qui parcourent Toronto en tenant à bout de bras des pancartes expliquant : « Because we’ve had enough »(1). Elles en ont effectivement assez. Assez que des hommes leur disent ce qu’elles doivent faire. Assez que ce soit aux femmes de se contrôler. Assez de ne plus pouvoir s’habiller en toute liberté. Assez qu’on répande l’idée que le viol serait corrélé à un code vestimentaire précis. Les « slut walks » ou « marches des salopes » sont nées.
Grâce aux réseaux sociaux, le mouvement se diffuse rapidement dans le monde anglo-saxon. Plusieurs milliers de manifestants (hommes et femmes réunis) se retrouvent ainsi dans les rues de Sydney en Australie et deux mille à Boston, aux États-Unis, en mai. Samedi 11 juin, les « salopes » étaient environ cinq mille Trafalgar square à Londres. Avec toujours les mêmes slogans : « A dress is not a yes » (2), « Men of quality respect women’s equality »(3), « Sex is something people do together not something you do to someone else » (4). S’y ajoutent, depuis peu, des références à l’affaire DSK. « Nous sommes toutes des femmes de ménage » disaient, en français, certaines banderoles du défilé londonien. En France, c’est justement à l’occasion des propos machistes suscités dans les médias par l’arrestation de l’ex-président du FMI qu’une « marche des salopes » a été décidée, le 22 mai, par une association étudiante. Sans grand succès. Aujourd’hui plusieurs femmes, dont Juliette Dragon, la pionnière du New Burlesque et fondatrice de l’école des filles de joie à Paris, relancent l’idée et appellent de leurs vœux une grande « marche des salopes » à la française. Partant du constat que le discours n’est plus l’arme la plus efficace à une époque où l’image est prédominante, Juliette Dragon explique ainsi, au Figaro, l’intérêt de ce genre de manifestations. « Quand il s’agit d’exprimer des idées politiques sur la condition des femmes aujourd’hui, on sait qu’une fille qui monte sur scène sera davantage écoutée qu’une autre qui prendra la parole en tailleur dans un bureau. Dans la même veine, il est évident que le mot “salopes” marquera bien plus les esprits qu’un simple “manifestantes.” » (Le Figaro Madame, 11.06.2011)
Le terme est d’ailleurs historiquement associé au mouvement féministe français, puisqu’en 1971, la pétition initiée par Simone de Beauvoir et rassemblant 343 noms de femmes qui déclaraient avoir eu recours à l’IVG (alors interdite), avait pris le nom de « manifeste des 343 salopes ». Reste à savoir si ce nouveau mouvement prendra racine en France. En attendant, la prochaine « marche des salopes » est prévue le 25 juin à New Delhi, en Inde. Une ville de seize millions d’habitants où, malgré le port dominant du sari traditionnel qui drape le corps en entier, une femme est violée en moyenne toutes les dix-huit heures.

[gris]Armande Béjart[/gris]

1- « Parce que nous en avons assez »
2- « Un vêtement n’est pas un consentement »
3- « Les hommes de qualité respectent l’égalité »
4- « Le sexe c’est une chose que l’on fait avec les autres et non envers les autres »

Commentaires (1)

  • Axelle

    Une marche des salopes a déjà eu lieu en France, à Paris, en mai...