Scandales érotiques de l’art
Le 13/11/2016
Tout ce qui, dans l’art, provoque le scandale mérite de l’attention, et lorsque les artistes se penchent sur la libido, le désir, la sexualité, le scandale n’est jamais bien loin. Longtemps, l’église a exercé une pression pression forte et constante sur l’art en Europe. Lorsque ce n’est plus elle, il se trouve toujours des groupuscules pour empêcher la diffusion de l’oeuvre. Des décennies ou des siècles plus tard, la bourgeoisie finit toujours par reconnaitre ses erreurs, et c’est ainsi que les livres du Marquis de Sade sont finalement imprimés, que les peintures de Courbet entrent au musée et que les photos de Robert Mapplethorpe s’exposent.
On a beau connaitre la répétition dans les mouvements de l’histoire, lorsque la censure s’éloigne d’une oeuvre, c’est pour mieux se présenter ailleurs. On ne cesse de bannir des oeuvres, la morale et le scandale se bousculent dans des séries d’alternances tantôt rapides et tantôt précipitées de désintégrations et d’acceptations. En 2014, le plug anal ou arbre de Noël de Paul McCarthy, brièvement exposé place Vendôme, offense d’abord les catholiques intégristes, puis il est vandalisé. Pourtant, "c’est le regardeur qui fait l’oeuvre", comme disait Marcel Duchamp.
C’est cette rixe sans fin qui fait l’objet du dernier livre de Claire Maingon, "Scandales érotiques de l’art". L’historienne, présente dans un ordre chronologique des peintures et des sculptures qui ont offensé en leur temps en égrenant les les critiques, les rejets, les condamnations. Le livre débute avec la première sculpture d’un nu féminin de Praxitèle (avant cette statue, seuls les hommes étaient sculptés dans leur nudité), quatre siècles avant Jésus-Christ, si réaliste que Pline l’Ancien avait raconté qu’un homme "s’unit à la statue et laissa une tache comme trace de son désir".
Puis, le livre traverse les siècles effeuillant un à un les scandales dont furent victimes - entre autres - les peintres Fragonnard, Ingres, Hokusai, Rodin, mais aussi Modigliani, Marcel Duchamp, Egon Schiel, Balthus, Pablo Picasso (qui a 90 ans choquait encore lors d’une exposition au palais des Papes à Avignon), ou la plasticienne Tracey Emin, le photographe Andres Serrano (dont l’exposition History of Sex a été vandalisée, et les images mutilées et qui concluait que "d’une certaine manière, ils tiennent à ce travail, parce qu’autrement, pourquoi est-ce que cela les dérangerait ?") et plus récemment le "Vagin de la Reine" d’Amish Kapoor, saccagé au Chateau de Versailles.
Le philosophe Michel Foucault souhaitait "que nous comprenions que c’est avec notre désir que nous créons de nouvelles formes de relations, de nouvelles formes d’amour, de nouvelles formes de création. Le sexe n’est pas une fatalité ; c’est la possibilité d’une vie créative." Pour bien comprendre pourquoi on tue avant d’apprendre à aimer, lire ce livre érudit riches d’anecdotes est un bon début.
Scandales érotiques de l’art
de Claire Maingon
Éditions Beaux-Arts
214 pages
32 €
Egon Schiele, Femme vue en rêve
© Metropolitan Museum of Art, New-York