Mise au placard de la pénétration
Le 09/01/2025
Les pratiques sexuelles peuvent-elles changer en fonction des générations ? L’influence culturelle est telle sur nos pratiques que les rapports sexuels au début du siècle dernier semblaient faire démonstration d’un désintérêt manifeste des femmes, à qui on recommandait de se laisser faire sans broncher afin que le mari harassé par son travail puisse se détendre à sa guise. "Pincez-vous le nez, c’est juste un mauvais moment à passer" conseillaient la plupart des livres d’éducation sexuelle à destination des femmes. La libération sexuelle et la pilule ont rendu aux femmes leur libido bouillonnante à partir des années 70, et le féminisme du XXIe siècle les a encouragé à découvrir leur clitoris et à renouer avec la masturbation qui a traversé deux siècles difficiles.
Où en est-on à présent ?
L’excellent site d’éducation sexuelle Beducated indique des changements de tendances portés par les Gen Z, marqués tout d’abord par un changement de tempo. Ils délaissent les rapports rapides entre deux portes. Les "quickies" s’effacent et sont remplacés par des moments plus rares, mais plus longs et plus intimes.
Fait marquant : la pénétration a perdu sa place prépondérante dans le rapport hétéro. 70% des 2.000 personnes interrogées par la plateforme d’éducation sexuelle n’ont pas besoin de pénétration pour arriver à la jouissance et 1 Gen Z sur 4 n’a jamais recours à la pénétration. C’est le sexe oral et les caresses qui dominent la relation chez les jeunes. On se masturbe ensemble, ou l’un après l’autre, et c’est bien mieux comme ça.
Est-ce une avancée vers un monde toujours plus de modernité ? Ces nouveaux comportements signalent-ils une fluidité dans le genre ? Rien n’est moins sûr. Chez les hommes hétéros, il semblerait qu’ils soient farouchement opposés à tout anulingus ou massage prostatique ; aucune plaisir anal n’est envisageable pour 9 hommes sur 10. D’après l’analyse de Beducated, c’est le retour du conservatisme et des idéaux de masculinité traditionnelle...
Le psychanalyste et philosophe Michel Foucault se préoccupait de comprendre dans quelles conditions des comportements se manifestent, comment ils se construisent, et quel est leur mécanisme d’assujetissement. En rapprochant sa pensée de celle de l’historien et sociologue américain Christopher Lasch qui a identifié dès la fin des années 70 un mouvement de société de plus en plus narcissique où les individus se replient sur eux-mêmes, on se prend à rêver d’un débat entre les deux, pour comprendre comment se conjuguent ces deux mouvements actuels que tout semble opposer : d’un côté la mise en place de rapports sexuels paritaires essentiellement basés sur des masturbations mutuelles et de l’autre le retour en force du conservatisme, où des jeunes hommes s’attachent à une représentation désuète de la virilité et où certaines jeunes femmes apparaissent sur Tik tok en rêvant de devenir des "Soft Girls", c’est-à-dire des femmes au foyer et donc possiblement sexuellement soumises.
En attendant, il existe des explications d’ordre pratique : les jeunes ont des rapports sexuels plus tardifs que les générations précédentes et ont appris toutes sortes de pratiques prudentes pour éviter le Sida. A cela s’ajoute le coûts des capotes et l’idée récente portée par les féministes et reprise par les médias que les caresses sur les zones sexuelles développent la sensualité et apportent un plaisir qui va jusqu’à l’orgasme…
Les nouvelles générations apprennent donc plus vite que les précédentes la richesse des plaisirs qu’offre le corps humain. Et qui saurait se plaindre de l’étendue de ces voluptés ?