Mais pourquoi de la littérature érotique ?
Le 04/09/2009
La littérature érotique accompagne la naissance de la littérature dans toutes les civilisations. En Inde, en Extrême-Orient ou au Moyen-Orient, de riches traditions dans le domaine de la littérature sexuelle se sont fait connaître. En Occident, c’est en France et en Italie que la littérature érotique s’est développée, aux XVIe et XVIIe siècles. Il semblerait même que « c’est en Europe que l’érotisme est devenu un genre littéraire déterminé » (Histoire de la littérature érotique de S. Alexandrain, Ed. Seghers, 1989). Le lumineux XVIIIe siècle met à l’honneur le roman libertin, qui définit les codes d’un nouveau genre. Prodiguée par un libertin, une initiation au sexe, mais aussi au cynisme, au comportement à adopter en société, est enseignée à une jeune proie qui succèdera au séducteur.
Libertin, érotique, licencieux, pornographique, ce n’est pas ici que l’on résoudra ce dilemme lexical. Pourtant on notera que s’agissant de littérature, activité un tant soit peu intellectuelle, aujourd’hui le terme érotisme est privilégié.
« Dès qu’une oeuvre montre du talent, plus personne n’ose plus l’appeler pornographique » (Introduction à la pornographie, Bertrand et Baron-Carvais), ce dernier adjectif étant au relégué au vulgaire, à savoir au visuel.
Comme pour séparer le bon grain de l’ivraie, un schisme bien pensant veut rattacher le pornographique à l’efficace, au sale, au sauvage et au visuel, tandis que l’érotisme serait du côté des belles lettres, de l’esthétique, du délicat. Pourtant, si les écrits de Sade, que l’on classe dans la littérature érotique, étaient des scénarios, le marquis serait relégué au rayon hard-core dans les sex-shops.
La mode du rose
Tous les écrivains reconnus se sont livrés plus ou moins longuement à la tentation-tentative érotique. De François Villon à Alain Robbe-Grillet, en passant par La Fontaine, Théophile de Viau, Diderot, Balzac, Baudelaire, Flaubert, Huysmans, Mallarmé, Maupassant, Mirbeau, Verlaine, Apollinaire, pour ne citer que les plus fameux, ils ont tous, en marge de leur œuvre licite, flirté avec le stupre. Sans doute parce que littérature et pornographie ont en commun leur nature transgressive. Transgression des frontières spatio-temporelles d’une part, transgression de « ce qui doit resté caché » de l’autre.
Ces auteurs se sont aussi adonnés à l’écriture sexuelle par goût du scandale, de la provocation. Car cette littérature est le signe de la rupture :
« A un certain moment du gaullisme, le roman érotique m’est apparu comme une arme contre la bêtise politique, la seule arme… » (Château de cène de Bernard Noël).
Ensuite parce qu’aujourd’hui, le désir de chacun est au centre de l’économie et du nouvel ordre moral. Notre société ultra tolérante, du moins en apparence, est favorable à cette libre expression parce qu’elle est circonscrite à la sphère privée. « Chacun fait ce qu’il veut, et la vie de chacun m’intéresse », est un peu la nouvelle doxa.
Lié à la « sexomania » en vigueur, le label « X », comme le « bio », est à la mode ; le livre, toujours tourné vers ce qui préoccupe nos contemporains, bénéficie de cette pornographisation massive. Et ce faisant, il obéit au grand strip-tease généralisé, qui livre aux yeux de tous des intimités (psychologique, amoureuse et sexuelle) exposées. L’autofiction a ainsi sorti les récits intimes du secret, de l’inavouable.
Ce singulier pouvoir de la lecture
Il reste que l’écrit est soumis au jugement subjectif, à l’interprétation, pas le film. De même, il règne sur les livres un doute entre fiction et témoignage, autant de vrais ou faux écrans qui brouillent les pistes. Et qui renforcent le pouvoir de suggestion des mots.
Pour J-M Goulemot (Ces livres qu’on ne lit que d’une main), la littérature érotique apparaît « comme une fiction exemplaire et réussie, puisque productrice d’illusions vraies (…), la promesse originelle la plus orgueilleuse de toute littérature, et peut-être de tout art : faire de telle sorte pour celui qui contemple ou lit, ce qui est peint ou écrit est vrai. »
Les mots ont une valeur essentielle, surtout dans ce genre littéraire. « Il suffirait de remplacer les termes « con », « bite », « queue », « branler », par des termes médicaux pour que s’évanouisse une bonne part des affects suscités par des textes pornographiques.(…) En matière de vocabulaire tendancieux, l’une des particularités de l’univers pornographique est qu’il pose comme normal ce qui est précisément interdit dans la vie ordinaire. » (Dominique Maingueneau, La Littérature pornographique).
L’intérêt didactique de cette littérature est là : enrichir les pratiques verbales. Et donc les pratiques tout court. C’est l’imagination toute entière que convoque la littérature sexuelle. En matière de fantasmes, on l’a dit, les femmes montrent souvent des faiblesses à se transposer dans un « possible » ou un « ailleurs » excitants. Pour cela il convient en effet d’oublier la liste des courses, ses 3 kg superflus ou la présence des enfants derrière la cloison… Mais si l’on prend appui sur un texte, qu’on le laisse phagocyter sa mémoire, il y a fort à parier que sa libido s’en trouvera gracieusement plus dispendieuse. Dian Hanson, directrice artistique des ouvrages érotiques pour hommes aux Editions Taschen, a là-dessus une théorie assez radicale :
« Je pense que la plupart des femmes ne placent le sexe très haut sur leur liste de priorités. Je ne les blâme pas, c’est un effet de leur faible taux de testostérone. (…) Mais ce que je peux attester de ma propre expérience, c’est qu’il n’y a rien de plus difficile dans l’édition que de tenter de faire de l’imagerie érotique pour femme, tant son excitation est subtile et complexe. (…) Ce que je conseille aux femmes qui peinent à avoir des orgasmes ? Achetez un bon vibromasseur et de la littérature pornographique. Expérimentez seule et une fois que vous avez atteint votre objectif, allez partager ce que vous avez appris avec l’homme de votre vie. »
Au regard des scènes écrites par Sade ou Bataille ou Pierre Louys, avec lesquels aucun scénario cinématographique ne fait le poids, nous en apprendrons beaucoup. Vocabulaire inépuisable et trouvailles scéniques stupéfiantes : la littérature nous abreuve à plus soif d’une grammaire érotique qui remplacerait n’importe quel guide de « bien-jouir » actuel.
A la hauteur des auteures
Spengler fut élevé à bonne école avec sa mère Régine Desforges qui fonde en 1962 sa maison d’édition L’Or du Temps répertoriant livres érotiques et surréalistes, dans un catalogue intitulé La Conquête du sexe. Mais son entreprise se heurte a de nombreuses difficultés : ennuis juridiques, opprobre, censure. Il faut attendre la fin des années 80 pour que la littérature érotique bénéficie d’un renouvellement dû aux femmes. Deux presque homonymes, Alina Reyes et Françoise Rey publient alors des livres qui feront date. La première signe Le Boucher en 1988, sur les amours frigorifiques d’une jeune femme et d’un garçon boucher. L’année suivante, c’est La Femme de Papier de Françoise Rey. C’est une révolution dans le monde de la littérature érotique. Leur écriture sensuelle et terriblement érotique prouve que les hommes ne détiennent plus le monopole de la provocation littéraire. Les femmes s’y entendent aussi en transgression. Selon Franck Spengler elles seraient même plus perverses : « Les hommes ont toujours cette fascination du gros plan, qui revient encore et encore à une comparaison de leur grandeur phallique, tandis que les femmes s’attaquent à la virilité, au statut d’homme. » Mais aussi plus courageuses : « Encore aujourd’hui, plus de 60% de mes femmes-auteures signent sous leur vrai nom, à visage découvert, contre à peine 10% des hommes. Je crois que lorsqu’une femme franchit le pas de faire lire son manuscrit érotique à un éditeur, elle a déjà dépassé tellement d’obstacles qu’elle n’a pas besoin d’utiliser un pseudonyme. »
Françoise Rey eut bien conscience de participer à un bouleversement.
« Voilà que je levais personnellement ce tabou, avec succès et toutes sortes de reconnaissance en prime. Ensuite, il y eut les réactions de certains malins qui me dissertaient sur le côté dommageable, avec « mon talent de plume » de me cantonner à « ça ». Ce « ça » était un démonstratif plein de mépris. Or j’ai quant à moi toujours accordé beaucoup d’importance aux choses du sexe qui, loin d’être dédaignables, restent le fondement de tout. Et je pense qu’elles méritent au contraire que l’on s’y attarde, que l’on en parle le plus élégamment, le plus diversement, le plus intelligemment et même le plus philosophiquement possible ! Donc j’ai travaillé à creuser la question, pour (que les) médias se penchent enfin sur le rapport du sexe et de l’écriture, de la femme au sexe, le tout sans vulgarité ni trivialité… Et puis, j’ajouterais qu’il y avait aussi une espèce de défi à durer, parce qu’on me répétait que « le sexe, c’est un sujet dont on fait vite le tour » sans parler de tous ceux qui me prédisaient des soucis avec l’Education nationale… Mon parcours a non seulement démontré la richesse du sujet mais aussi que lesdits soucis ne sont pas arrivés… Alors j’ai continué mon bonhomme de chemin. » (interview tiré de SecondSexe).
20 années ont passé et autant de livres. Après une « ménopause littéraire », elle publie Des Guirlandes dans le Sapin, nous offrant un nouvel opus de la même écriture gourmande. « C’est vrai que j’aime que la chair soit gaie car c’est un domaine qui peut faire tellement souffrir que oui, je souhaite rester dans le côté lumineux de la sexualité. Ce peut-être une telle clé du bonheur et de l’épanouissement, du partage, de la communion… ».
Autrefois « écriture féminine » orientait directement vers le satin rose et les yeux mouillés d’émotions de la littérature dite sentimentale. Et pour cause, à en croire P. Baudry (La pornographie et ses images), si « l’image est tendanciellement bien plus une affaire masculine, l’écrit suscite un intérêt largement féminin. » A l’origine de ce distinguo, sans doute des prédispositions plus culturelles que biologiques (« le français c’est pour les filles, les maths pour les garçons ») ; de même, puisque ce n’est pas par la force qu’elles réussiront à s’imposer, les femmes choisissent plus volontiers l’arme des mots pour avoir « voix au chapitre ». En tous cas, encouragées dans leur maîtrise de la langue, écrite et orale, elles développeraient vraisemblablement plus de sensibilité et d’aptitudes au verbal et à l’écrit qu’au visuel.
Pour autant, ces femmes qui investissent la littérature pornographique, devenant du même coup un argument marketing, la transforment-elles ?
Pour Maingueneau, « les textes qu’elle publient sont centrés sur l’exposition de l’intimité d’un je qui associe plaisir sexuel et plaisir de la parole, au lieu de tout subordonner à la construction des spectacles orientés vers une fin univoque. »
Il ajoute que l’on distingue deux voies féminines :
celle qui reprend la porno classique, structurée autour de la sexualité masculine. « Les femmes ne peuvent se l’approprier qu’en la minant de l’intérieur, par des décalages subtils mais décisifs. » (op cit )
celle qui développe une pornographie spécifiquement féminine, où le féminin ne joue plus seulement le rôle du négatif, de l’étranger.
Néanmoins il ne suffit pas qu’une femme signe un récit contenant des mots obscènes et des scènes d’accouplement pour que l’on parle de littérature érotique féminine (a fortiori de littérature tout court). Surtout si cette femme est restée prisonnière de carcans patriarcaux.
Il ne s’agit pas non plus de créer un autre Nu Shu (qui signifie en Mandarin : « écriture des femmes »), cette langue chinoise inventée il y a plus de 3.000 ans par des femmes (ce serait une des plus anciennes langues au monde), pour échapper à la domination du mâle et parler entre elles de leur intimité, de leurs sentiments profonds, en utilisant un code incompréhensible pour les hommes.
L’écriture pornographique, qui traite de la différenciation sexuelle, n’a pas à chercher à imposer le féminin, ce qui revient à démasculiniser, à castrer son énonciation ; mais elle a peut-être plus à gagner à accompagner les changements qui président aux relations entre les sexes.
[gris]Aurélie Galois, Béatrice Baumié & Sophie Bramly
Extrait de "L’orgasme on s’en fout", publié aux Editions Fetjaine[/gris]
Commentaires (1)
BonjourEffectivement l’immobilier au maroc re9clame un recul d’approche, ce que nous soulevons re9gulie8rement nous meame sur nos dieevsrs pages et blog concernant les expatrie9s au maroc et de plus en plus de retraite9s.Se9niors justement qui sont parfois une cible facile pour eatre abuse9s par le trop de confiance.Le point de l’arnaque au maroc existe par des petits filous, mais ne pas oublier que les promoteurs par les prix qu’ils proposent au regard de la valeur re9elle de construction reste le principal me9fait envers les acheteurs ce qui engendre9 une bulle qui se de9gonfle de9sormais. Les clients ayant achete9 perdent donc et les derniers e0 se faire haper par les commerciaux dans les salons en europe ont inte9reat a venir voir sur place Pour information les projets pour les se9niors qui existent ne sont pour l’instant que des projet promotionnels d’immobilier cache9 sous le terme de re9sidence se9niors , avec quelques services mais en rien un secteur qui visent l’e9panouissement des anciens, mais bien la vente d’immobilier. beaucoup de ces projets entame9s voila quelques anne9es avant la crise ont du mal e0 se vendre, certains ne rempliront pas ou alors a moins que le marche9 et la bulle reviennent .. il faut beaucoup re8ver donc les prix ont e9te9 abusif de 2005 e0 2008, beaucoup aujourd’hui regrettent.Prudence prudence, si effectivement le maroc est un pays pour investir ou se poser, revoir les crite8res, les temps changent tre9s vite .depuis fin 2008 SalutationLe groupement des ERM (Etrangers re9sidant au maroc).