Bienfaits scientifiques du BDSM
Le 30/12/2018
Pour une raison qui semble ne pas avoir encore d’explication, les Américains sont les plus nombreux à pratiquer le BDSM*, 70% d’entre eux le pratiquant sous une forme ou sous une autre, d’après une étude publiée en 2015.
La trilogie de 50 nuances de Grey n’est probablement pas étrangère à la vulgarisation de ces pratiques, autrefois présentée comme si perverse, si transgressive et donc clandestine.
Hier, l’association américaine de psychiatrie classifiait ces pratiques parmi les maladies mentales ; aujourd’hui, des neuro-scientifiques étudient certains des usages les plus populaires pour en analyser les bienfaits, intrigués de constater la sérénité des personnes à la suite des séances.
Une première étude publiée en 2006 dans le Journal of Psychology & Human Sexuality, par Pamela Connolly, du Los Angeles Sexuality Center, montrait que les gens qui avaient régulièrement des pratiques BDSM étaient moins sujets à la dépression, à l’anxiété, au stress post-traumatique, au sadisme psychologique, à la paranoïa ...
Une autre étude, en 2009, montrait que les gens adeptes de ces pratiques, lorsqu’elles sont vécues comme mutuellement satisfaisantes, « ont montré une réduction du stress physiologique (cortisol) et une augmentation de la proximité relationnelle ». Cela signifie que les séances de BDSM réussies – celles qui sont satisfaisantes mentalement et sexuellement pour les deux parties – ont profité aux participants physiquement tout autant que dans leurs relations interpersonnelles. Les dominant.e.s ou des soumis.e.s, sont entrés dans des états de conscience modifiés. Les derniers sont entrés en est entré dans un état appelé « hypofrontalité transitoire » associé à un sentiment de flottabilité, de paix. Les dominant.e.s sont, eux, entré dans l’état dit de « flux » associé à une attention concentrée, une perte de conscience de soi et d’exécution optimale d’une tâche.
En 2013, une nouvelle étude de Andreas Wismeijer et Marcel van Assen, montrait que les adeptes de ces pratiques étaient plus extravertis et plus ouverts aux expériences. Les praticiens ont également montré des niveaux inférieurs de sensibilité au rejet.
L’année suivante, James Ambler, de l’Université de Northern Illinois, a été plus loin en enrôlant des participants, scindés en 2 groupes, les uns administrant la douleur et les autres acceptant de la recevoir. Ils subissaient ensuite un test cognitif : le chercheur voulait analyser l’afflux du sang dans le cerveau après la douleur, et de quelle façon celle-ci modifiait l’état mental d’une personne.
Le chercheur a constaté que ceux qui reçoivent la douleur ont atteint une sorte d’état méditatif, en raison du cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC) de leur cerveau performant à un niveau sous-optimal. Le DLPFC est la partie du cerveau qui est responsable de la mémoire de travail, de l’attention dirigée et de l’intégration temporelle. Lorsque ces fonctions cérébrales sont temporairement compromises, elles peuvent mener à « une pensée moins abstraite, à un accès à la mémoire, à une conscience auto-réfléchissante et à une fonction cognitive », ce qui mènerait à un « état de conscience altéré », selon Medical Daily. Cet état est obtenu en raison de l’absence de flux sanguin vers la zone du cerveau responsable de ces fonctions.
Les études sur le sado-masochisme montrent que tout cela n’a pas à voir uniquement avec le sexe.
Ellen Lee, également à l’Université de Northern Illinois University, s’est intéressée au BDSM extrême, sans relations sexuelles, et en particulier à la pratique "Dance of Souls" (danse des âmes), où les adeptes se font faire des piercings temporaires, sont suspendus à des crochets, attachés par des cordes. Celles-ci sont tirées au son d’une musique et l’ensemble est plus spirituel que sexuel. Les cinq participants lors de cette étude ont montré des niveaux de cortisol élevé et un taux de stress très bas, confirmant la probabilité de la recherche d’un autre niveau de conscience, plutôt que d’autres pratiques sexuelles.
Mais encore faut-il pouvoir définir ce qu’est le sexe ? Sortant du cadre limité de la pénétration et de leurs "préliminaires", ne peut-on étendre la relation à n’importe quelle pratique impliquant deux ou plusieurs personnes dans des relations visant à atteindre une forme de plaisir ?
Pour en revenir au point de départ, pourquoi les Américains sont-ils plus adeptes de BDSM que le autres, je prends le risque de faire un parallèle avec les rites de passages de toutes les sociétés dites primitives, qui - comme le faisait remarquer Claude Levi-Strauss - conceptualisent toutes de façon identique leurs rites d’initiation. Les adultes imposent aux adolescents des épreuves qui ne sont pas si différentes de celles évoquées ci-dessus, exigeant une soumission absolue. Peut-être sont-elles comme « un chemin de contrebande pour se construire une identité en se confrontant aux limites, qu’elles soient sociales ou individuelles** », dans un pays où le libéralisme se frotte à ses propres limites ?
Ce qui n’enlève en rien aux plaisirs de la douleur, cet aimable “auxiliaire de la création.”
* Bondage, discipline, domination, soumission et sado-masochisme.
** Collection Mutations, n° 211-213, Éditions Autrement, 2002.