Histoire d’Oser, sans retenue.

Le 22/09/2012

Impossible de ne pas penser à Histoire d’O au milieu du tintamarre provoqué par le succès planétaire de 50 shades of Grey, premier d’une nouvelle lignée de romans érotiques sages, à destination des mères de famille en mal de douces sensations.
C’est sans doute la raison pour laquelle les Editions Fayard ré-éditent ce chef-d’oeuvre de la littérature érotique française, écrit par Pauline Réage.
Là où l’actuel succès de 50 shades of Grey repose sur la passivité en toutes circonstances d’une héroïne, amoureuse des odeurs de lessive de son partenaire et du pouvoir économique qu’offre un héros puissant et riche, la re-sortie fort à propos d’Histoire d’O vient remettre les pendules à l’heure sur ce qu’est un authentique ouvrage sado-masochiste, et avec lui le désir d’appartenir sans réserve à l’être aimé.
Car découvrir les rapports de dominations et de soumissions à le lecture de 50 shades of Grey revient à vouloir découvrir le goût de la viande en mangeant un hachis Parmentier à la place d’une côte de boeuf. Les deux options sont délicieuses, mais dans la première les saveurs de la viande hachée menu dans la purée ne permettent pas de grandes envolées lyriques sur le goût fascinant de la chair.
A l’inverse, Histoire d’O, récit d’une femme dont la passion amoureuse n’a pas de limites, offre au lecteur une compréhension bien poivrée du besoin presque insensé qu’il peut y avoir à trouver une forme d’épanouissement de l’amour dans sa douleur, jusqu’à vouloir garder sur le corps les marques de la concupiscence, telles des scarifications qui montrent une appartenance à une tribu particulière, celle d’un seul homme, que la soumise a hissé au rang d’un Dieu. La soumission se rapproche ici de l’extase mystique - à moins que ce ne soit cette dernière qui ait tout emprunté au rapport amoureux.
Ceux et celles qui trouveraient l’époque un peu tiède, trop narcissique et sans surprise, pourront à la lecture (ou la relecture) de ce livre retrouver le goût de l’audace et la saveur d’une provocation profondément justifiée. Ce livre, paru en 1954 et maintes fois interdit, est à la fois l’une des plus belles lettres d’amour qui soit, et une analyse brillante de l’amour absolu dont le salut se situerait sur l’autel de la destruction.

Nous saluons au passage la très rafraichissante illustration en couverture de cette ré-édition.

Histoire d’O Pauline Réage
Editions Fayard
Sortie : début novembre
Prix : N.C.