Censure au musée
Le 05/10/2009
Scotland Yard a demandé à la Tate Modern, musée londonien, de retirer de ses cimaises une photo de l’actrice Brooke Shields enfant, nue et maquillée.
Avant le vernissage de l’exposition « Pop Life », qui s’est ouverte la semaine dernière à la Tate Modern, une unité de surveillance des « publications obscènes » a demandé l’éviction du cliché intitulé « Spiritual America », pris par l’artiste controversé Richard Prince. On y voit Brooke Shields, alors âgée de 10 ans, nue dans une baignoire et maquillée à outrance.
Ce n’est pas la première fois que la photo fait scandale. Officiellement, elle est datée de 1983, mais en réalité, elle a été prise en 1975 par Garry Gross. Si le cliché dérange, on évoque alors peu son éventuel caractère pédophile. Mais Brooke Shields, qui entre-temps est devenue une star de cinéma avec son rôle dans « La Petite » de Louis Malle (1978) puis dans « Le Lagon bleu » (1980) tente, à plusieurs reprises, de récupérer ses droits sur le portrait. En vain. En 1983, la justice américaine établit que la photographie n’est ni sexuellement provocante, ni pédophile ou encore pornographique.
A la fin des années 90, Garry Gross cède ses droits à l’artiste Richard Prince, qui photographie le portrait et le renomme. Le syndrome Lolita refait surface.
Hélas ce cas de censure n’est pas sans précédent. En France, en vertu de l’article 227-24 du code pénal relatif à la « diffusion d’images à caractère violent ou pornographique ou contraire à la dignité humaine », on a déjà expurgé certaines expositions. En 2006, Henry-Claude Cousseau est mis en examen pour avoir organisé six ans plus tôt l’exposition « Présumés innoncents », sur le thème de l’enfance et son trouble (le cliché de Brooke Shields en faisait partie), à Bordeaux. Le verdict n’a toujours pas été rendu. En 2008, c’est l’artiste Philippe Pissier qui a été inquiété, pour des collages érotiques représentant des poitrines ornées de pinces à linge. Et, plus récemment encore, la police a fait retirer des murs de la FIAC de Paris les photos d’Oleg Kulik, le montrant nu, avec des animaux ou encore se promenant avec un collier de chien dans les rues de Moscou. Bientôt, verrons-nous resurgir les feuilles de vignes sur les nus antiques ? Ira-t-on au Louvre décrocher les Vénus et Danaé de l’exposition Titien, Tintoret, Véronèse, qui dissimulent à peine leur charge sexuelle ? Ou bien aura-t-on le courage de laisser les artistes s’exprimer sans se voiler la face ?